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OBSERVATIONS SUR QUELQUES
QUELQUES PASSAGES

DU Libellus pro synodo

D'ENNODIUS DE PAVIE

M. W. Hartel, qui a déjà donné au Corpus scriptorum ecclesiasticorum une si belle édition de saint Cyprien, vient de publier dans la même collection les œuvres complètes d'Ennodius de Pavie. Ennodius est un auteur bien obscur. On peut lui appliquer en sûreté de conscience les observations que M. Boissier faisait ici l'année dernière, à propos de Sedulius. Ce n'est pas sans peine que l'on parvient à suivre sa pensée à travers le dédale compliqué de ses périodes; et plus d'une fois après s'être évertué à comprendre sa prose on se prend à dire : Que n'écrit-il en vers? Aussi n'est-il pas étonnant que les éditeurs et les commentateurs les plus consciencieux laissent, en un pareil texte, quelque chose à déchiffrer ou même s'y empètrent par endroits. Voici quelques rectifications qui me sont venues à l'esprit, en lisant, pour mon utilité personnelle, le libellus pro synodo dans l'édition de M. Hartel. On sait dans quelles circonstances ce livre fut composé. Le pape Symmaque ayant été l'objet de graves accusations, Théodoric, roi d'Italie, envoya à Rome un évêque, Pierre d'Altinum, pour faire les fonctions épiscopales, et réunit un concile pour juger le pape. L'évêque d'Altinum, au lieu de rester neutre comme le roi le lui avait recommandé, prit fait et cause pour les adversaires de Symmaque; ceux-ci, une fois le concile réuni, suscitèrent des émeutes et empêchèrent le jugement, auquel le pape s'était prêté de bonne grâce. L'assemblée finit par se séparer, après avoir déclaré qu'il n'était pas possible de prouver judiciairement que Symmaque fût coupable et que, par conséquent, on n'avait aucune raison de ne pas le considérer comme innocent et comme pape légitime. Cette décision n'ayant pas satisfait ses ennemis, ils publièrent une protestation à laquelle Ennodius se chargea de répondre.

P. 315, 1. 4-6. Il est question de l'arrivée de Pierre d'Altinum. L'auteur vient d'expliquer que le roi Théodoric a recommandé

1. Revue de Philologie, t. VI, p. 28 et suiv.

à ce personnage de se présenter d'abord au pape, alors retiré auprès de la basilique de saint Pierre, à peu de distance de Rome. L'évêque Pierre, gagné par les schismatiques, se dispense de cette démarche; au lieu de se rendre à la basilique, il entre tout de suite en ville : et illud quod ex omnibus orbis cardinibus devotos adtrahit positum in vicinitate transitur ecclesiarum fundamentum adiri non permittitur structura mediocris. Les manuscrits portent adire, et ils ont raison. M. Hartel s'est figuré, je ne sais pourquoi, d'abord que Symmaque est le sujet de non permittitur, tandis qu'il s'agit bien évidemment de Pierre d'Altinum; en second lieu, que l'accès de la basilique de saint Pierre fut interdit au pape, ce qui est le contraire de la vérité. Les schismatiques Occupaient la ville; le pape et ses partisans furent toujours maîtres de Saint-Pierre. Ces confusions ont embarqué le savant éditeur dans une interprétation dont il sent lui-même l'inconvénient. Avec le passif adiri, il faut que structura mediocris, sousentendu martyrii, ecclesiae ou quelque chose de ce genre, signifie la basilique de Saint-Pierre, laquelle n'était pourtant pas un édifice médiocre, mais un édifice immense. M. Hartel n'a pas vu qu'Ennodius parle ici en style figuré structura mediocris, c'est Pierre d'Altinum qui est un petit évêque; on l'empêche de visiter le fundamentum ecclesiarum, c'est-à-dire l'apôtre Pierre. Il n'y a donc qu'à rétablir la leçon des manuscrits, en conservant la ponctuation de M. Hartel, à cause de l'anacoluthe; à moins que l'on ne veuille supprimer celle-ci en suppléant templum ou quelque chose de semblable après transitur.

P. 319, 1. 13-16: Ennodius, à cet endroit, fait adresser la parole aux Romains par saint Pierre lui-même; entre autres choses, l'apôtre leur déclare qu'il n'a pas perdu les instruments de son ancien métier: Antiquo adhuc utor reti post hominem et invisam a sapientibus saeculi cumbulam non reliqui. Illa me per mundi freta sustentat; ditat probatum in captione hominum rete quod cernitis. Je crois que sous les mots inintelligibles post hominem, on peut discerner piscator hominum.

P. 325, l. 17-18. Ici, c'est saint Paul qui parle. Il reproche aux schismatiques d'accuser les autres, c'est-à-dire le pape, de fautes qu'ils ont eux-mêmes commises. Puis il passe à un autre reproche, celui d'accuser leurs supérieurs, chose qu'ils devraient s'interdire, fùssent-ils eux-mêmes de petits saints. Haec sic ago, quasi, si vobis esset pudor, pudicitia, venustas affectui, liceret accusare docto

1. Voir sa préface, p. lxxIII.

rem, etc. La phrase se comprend sans difficulté pourvu qu'on mette une virgule après quasi et que l'on prenne si vobis — affectui comme une proposition conditionnelle. C'est ce que ne fait pas M. Hartel, aussi est-il obligé d'introduire un supplément de la façon suivante : Haec sic ago, quasi si vobis esset pudor pudicitia venustas affectus aut cu)i liceret accusare doctorem... Ici encore les manuscrits ont raison contre l'éditeur.

P. 327, 1. 5. Rome prend à son tour la parole: Me, quam Dei summi templa repudiatis fanorum cultibus et novae lucis nitore gaudente fecerunt esse conspicuam... Suit une longue série d'oppositions entre l'état de Rome aux temps païens et sa situation présente; le développement se termine avant que l'on trouve un verbe pour régir l'accusatif Me qui, dans la pensée d'Ennodius, est destiné à faire un grand effet au début de cette prosopopée. M. Hartel substitue ecce à esse et, de cette façon, Me se trouve construit; il adopte aussi la leçon gaudentem, fournie par la minorité des manuscrits. Alors la phrase signifie : « Me voici bien en vue (ecce me conspicuam), moi que les temples du Dieu suprême ont rendue heureuse par la répudiation des cultes pro« fanes et de l'éclat d'une lumière nouvelle.» Les deux ablatifs repudiatis fanorum cultibus et novae lucis nitore forment un attelage aussi mal assorti que les deux membres de phrase de ma traduction. D'ailleurs l'expression ecce me conspicuam n'a guère de sens. Je propose de laisser esse, sans s'embarrasser de trouver de quoi régir le pronom me. Le seul changement que je réclame, c'est celui de gaudente en candente, paléographiquement fort peu sensible. De cette façon esse conspicuam devient régime de fecerunt et les deux participes repudiatis et candente marchent de concert. Quant au pronom me, il dépend d'un audite sous entendu, mais si fortement indiqué par ce qui précède, qu'il est bien près d'être exprimé: Ipsa (Roma) conpellat et, si quid est pietatis in reliquum, orditur impetratura sermonem: Me, etc.

En terminant, je signalerai une erreur d'interprétation qui n'est pas à mettre au compte de M. Hartel, mais qui, pouvant se recommander de patrons considérables, court bien risque de faire son chemin, si on ne l'arrête. Rome personnifiée se loue de la conversion du sénat et de toute l'aristocratie; désormais, les magistrats les plus considérables sont devenus les fidèles du Christ; l'inauguration annuelle du consulat est presque une fête chrétienne; les pauvres l'attendent et voient doubler, sous l'inspiration de la charité, les largesses habituelles. Il arrive même que les nouveaux consuls sortent du baptistère pour monter sur leur chaise å

porteurs et revêtir leurs fonctions: Ecce nunc ad gestatoriam sellam apostolicae confessionis uda mittunt limina candidatos, et uberibus gaudio exactore fletibus conlata Dei beneficio dona geminantur (p.328). M. de Rossi ' construit gestatoriam sellam avec apostolicae confessionis et entend le tout de la chaire de saint Pierre, la célèbre relique du Vatican qui est en effet une sella gestatoria et paraît remonter au moins au temps d'Ennodius; quant aux dona geminata, il trouve ici la confirmation qui vient en quelque sorte doubler le baptême. Le contexte me paraît mettre hors de doute le sens que j'ai indiqué pour la première partie de la phrase; uda limina apostolicae confessionis, c'est-àdire le baptistère de saint Pierre, mittunt candidatos, des néophytes vêtus de blanc (il y a aussi une allusion à la candidature, dans le sens officiel du mot), ad sellam gestatoriam. Quant aux dona qui, conlata Dei beneficio, sont doublés uberibus gaudio exactore fletibus, c'est le baptême qui recommence pour le nouveau magistrat, inondé des larmes de joie que versent les pauvres en recevant ses aumônes. C'est bien tiré par les cheveux, je l'avoue mais c'est de l'Ennodius. L. DUCHESNE.

:

Privatus dans le sens d'« accusé. »

T. Live, III, 33, 8: Et, in unica concordia inter ipsos (decemviros), qui consensus privatis interdum inutilis esset, summa adversus alios æquitas erat. »

Tite-Live, parlant de la parfaite union qui régna, pendant la première année, entre les décemvirs, ajoute cette réflexion : Qui consensus privatis interdum inutilis esset. Nous avons ici un exemple du sens que privatus avait souvent en ancien latin, et qu'il a aussi en osque (v. Mémoires de la Société de linguistique, Iv, 394) : il est synonyme de reus. La pensée de Tite-Live, qui reproduit sans doute ici un texte plus ancien, est que cet accord des décemvirs ne laissait pas que d'être quelquefois incommode

aux accusés.

MICHEL BREAL.

1. Bullettino 1867, p. 33. Il est inutile de dire que cette interprétation a été répétée; et en se reportant au texte de M. de Rossi on peut voir qu'il n'en est

pas le

premier auteur.

2. Esset est la leçon des mss.; les éditeurs les plus récents (Madvig, Weissenborn) ont adopté est, correction de Doering.

REVUE DE PHILOLOGIE : Janvier 1883.

[0. R.]

VII. 6.

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SUR L'ARITHMÉTIQUE

AVEC TRADUCTION ET COMMENTAIRE

Boissonade a publié en 1832 ' Γ' Εγχειρίδιον ἀριθμητικῆς εἰσαγωγής de Domninus. A la première page de cette publication, il s'exprime ainsi, touchant le texte qui va nous occuper: Exstat ejusdem Domnini in codd. regio 2531, p. 23, 2, et Coisliniano 173, p. 211, 2, opusculum de deductione in proportionibus facienda: os istì λóyov éx λóyou åpeλeïv; quod forsan olim cum nonnullis ejusdem argumenti vulgabo, si per choleram et tantum studendi frigus licuerit. Je ne sache pas qu'il ait donné suite à ce projet, ni qu'un autre philologue se soit occupé de Domninus. Le texte en question se rencontre, en outre des deux manuscrits signalés par Boissonade, dans le Codex Venetus Marcianus 318. L'auteur de ce fragment a laissé quelque trace dans l'histoire littéraire de l'antiquité. Suidas lui consacre un article assez étendu 2. Boissonade (l. 1.) rappelle qu'on l'a identifié avec Damianus ou Héliodore de Larisse, auteur d'un Traité d'optique, publié au moins deux fois ". Rien ne confirme cette conjecture. Proclus (in Tim., 34 B) dit en

3

1. Anecdota Græca, vol. IV, p. 413-429. L'ouvrage d'Engelmann (Bibliotheca scriptorum classicorum) n'a pas relevé ce texte de Domninus à son rang alphabetique. Hænel, dans son Catalogue des manuscrits, ne mentionne pas ceux qui renferment cet auteur. Ph. Labbe (biblioth. nova mss., p. 117) l'appelle Domnius sive Domnenus.

2. Voici la traduction des passages les plus importants de cet article (on suit le texte de l'édition Bernhardy): «Domninus, philosophe, syrien de naissance, de Laodicée et (selon d'autres) de Larissa, en Syrie, disciple de Syrianus et condisciple de Proclus, à ce que rapporte Damascius. Il était versé dans les mathématiques, mais plus superficiel dans les autres branches de la philosophie. Aussi altéra-t-il un grand nombre d'opinions de Platon par les siennes propres, mais, une fois qu'il se fut rendu coupable de cette altération, il en fut suffisamment puni par Proclus, qui écrivit contre lui tout un traité « ayant pour objet, comme dit le titre, de rétablir dans leur pureté les opinions de Platon. » Dans la vie privée, il n'avait rien non plus de supérieur ni de nature à le faire paraître un véritable philosophe..... On rapporte que, lorsqu'il était déjà avancé en âge, Asclepiodote, plus jeune que lui, alla le voir et trouva en lui un homme qui avait quelque chose de hautain et de roide, faisant peu de cas de ceux avec qui il se rencontrait, lorsque c'étaient des profanes (des gens sans connaissances philosophiques ?) ou des étrangers, mais surtout des gens trop fiers de la supériorité qu'ils s'attribuaient sur les autres. Asclépiodote ajoutait que lui-même avait été durement traité par lui; qu'en effet il n'avait pas voulu se rendre à l'opinion de Domninus à propos d'un théorème d'arithmétique, ni même (comme il arrive quand on est jeune) lui faire la moindre concession, mais qu'il s'était mis à réfuter les arguments de Domninus d'un ton tellement assuré que celui-ci ne l'avait plus admis dans sa société. » (Su das, s. v. Aoμvivos.)

3. Heliodori Larissæi capita opticorum ex bibliotheca F. Lindenbrogii in librario Heringiano, gr.-lat. 1610, in-4°. Damiani philosophi Heliodori Larissæi de opticis libri II, nunc primum (sic) editi et animadversionibus illustrati ab Erasmio BARTHOLINO Casparis tilio. Hypsielis anaphoricus sive de ascensionibus, gr. lat. Paris, Cramoisy, 1657, in-4°. Traduction latine, dès 1573, publiée à Flo

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rence avec les Optica d'Euclide, par Ignatius Dantes.

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