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barbu, aux muscles appauvris, à la figure exprimant la souffrance, aux pieds informes, est un de ces christ que les artistes faisaient laids de parti pris, pour indiquer, suivant la remarque de M. Didron, qu'en se chargeant de toutes les misères humaines pour les guérir, il avait assumé toutes les laideurs physiques pour les transfigurer. L'artiste, en effet, a montré que la laideur de sa figure principale n'était pas le résultat de son inhabileté; car, malgré la roideur du style byzantin, les deux statuettes qui accompagnent la croix ne manquent ni d'expression ni de grâce dans leur pose et leur ajustement.

A droite de la croix est la Vierge, debout, les mains jointes; elle porte une longue robe descendant jusqu'aux talons, fermée. aux poignets et recouverte d'une tunique plus courte, sans manches, ornée d'une large bordure. Un voile remonté par-dessus la tête entoure le cou et retombe sur le devant de la poitrine. Les pieds sont chaussés de souliers brodés.

A gauche est saint Jean l'Évangéliste portant un costume semblable à celui de la Vierge, avec cette seule différence que le voile est remplacé par un manteau. La main droite est levée et ouverte en signe d'admiration, la gauche tient un évangéliaire. Les pieds et la tête sont nus; les cheveux, divisés par le milieu, sont bouclés derrière l'oreille. Ces deux statues portent un nimbe noir, bleu turquoise, blanc, or, bleu lapis et or.

Au-dessus et de chaque côté de la croix sont deux anges portant chacun un évangéliaire, le corps engagé dans une zone de nuages qui s'appuient sur le croisillon et qui se reproduisent en relief sur la partie inférieure des statuettes. Les émaux des nuages sont les mêmes que ceux des nimbes.

Sur la bande verte supérieure, une plaque dorée, encadrée d'un filet rouge, porte le double monogramme is xPs; enfin, au haut de la hampe, et sortant d'une nuée, une main céleste qui bénit.

Les quatre clous qui attachaient le Christ devaient être apparents; ceux qui existent aujourd'hui ne sont qu'une grossière restauration. Les autres statuettes sont fixées par des clous à tête perdue. Cependant deux de ces clous forment, par leur ressaut, une espèce d'ornement au haut de la tunique de la Vierge et de saint Jean.

Si l'on s'en rapportait au costume de ces deux statuettes, à celui de la Vierge surtout, qui se compose de la cotte hardie et du

dominical, il faudrait faire remonter jusqu'au x* siècle l'âge de cet émail; mais on sait que les artistes avaient conservé pour les personnages sacrés un costume traditionnel qui se retrouve avec un type uniforme sur des monuments d'époques diverses. D'un autre côté, la tunique du Christ laisse le tronc et les jambes à découvert, et l'on sait que du xo au xır° siècle, ce vêtement, qui était d'abord une longue tunique à manches, est allé se raccourcissant jusqu'à n'être plus qu'un lambeau de toile roulé autour des reins. Il paraît donc qu'il faut rapporter cet émail à la fin du x11° siècle. Cette fixation est d'autant plus probable qu'une plaque fort analogue conservée au Louvre est attribuée au xi° siècle par le savant conservateur des collections du moyen âge.

Cette plaque est évidemment un travail de Limoges, qui avait le monopole de la fabrication des émaux à taille d'épargne. Le saint Jean imberbe ne permet pas, d'ailleurs, d'attribuer cet émail, malgré son type byzantin, aux artistes grecs, qui ont constamment représenté avec une longue barbe le disciple bien-aimé. Cependant, il est une particularité importante à noter, c'est que la main qui bénit du haut des nues donne la bénédiction selon le rite grec, c'est-à-dire que le pouce, au lieu d'être ouvert, se croise avec le quatrième doigt, tandis que le cinquième est courbé, circons tance que le graveur, peu habile dans les racourcis, a rendue en donnant au petit doigt plus de longueur qu'à l'annulaire. «Il ne serait pas impossible, dit M. Didron, de rencontrer chez nous, dans nos monuments d'iconographie occidentale, une bénédiction grecque. Il faudrait constater, avec le plus grand soin, un pareil fait; car il démontrerait invinciblement une influence bysantine, indirecte ou directe. Un fait de ce genre, si on parvenait à le signaler dans les monuments de notre pays que nous appelons byzantins fort gratuitement, trancherait la discussion, et vaudrait mieux que toutes les dissertations qu'on a déjà écrites là-dessus 2. »

Cette plaque appartient à un cultivateur de Manosque (BassesAlpes), qui n'a pu fournir aucun renseignement sur la provenance de ce petit monument, qui est depuis longues années dans la pos session de sa famille.

1 Cette plaque, conservée au Louvre sous le n° 36, diffère de la nôtre surtout en ce que les têtes seules sont repoussées en relief, tandis que les corps sont épargnés dans le métal.

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La séance est ouverte à deux heures et demie, sous la présidence de M. Guigniaut.

M. de la Villemarqué veut bien s'engager à user de tous les moyens qui seront en son pouvoir pour procurer au comité la communication des poésies populaires que M. de Penguern a entre les mains.

La section adresse ses remercîments à M. de la Villemarqué. M. Rathery met à la disposition du comité la collection de chants qu'il a formée et qui est le résultat de quinze années de travaux persévérants. Ses recherches avaient eu surtout pour objet de réunir des chants historiques, et il offre ceux-ci accompagnés de notes et d'éclaircissements. Sans doute, un certain nombre de ces chants feront double emploi avec des pièces que possède déjà le comité; mais il s'en trouvera aussi qu'il peut ne pas con

naître encore.

M. Rathery a, en outre, dressé une bibliographie des chants populaires publiés tant en France qu'à l'étranger, qu'il se propose également de communiquer au comité.

La section accepte cette offre avec une vive gratitude et prie M. Rathery de vouloir bien apporter, à l'une des prochaines séances, le recueil préparé par ses soins, afin de pouvoir examiner quelles pièces seraient de nature à entrer dans le recueil des poésies populaires dont l'exécution est confiée au comité.

Bulletin. 111.

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