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et qui me paraît être, ainsi que la pièce suivante, d'un intérêt trop local pour être publié dans le Bulletin.

Le second document, plus récent d'environ un siècle, est du 9 janvier 1514. On y voit que Louis de Longueville, grand sénéchal et gouverneur du pays et comté de Provence pour le roi, ayant reçu avis d'une descente armée qui menaçait le territoire confié à sa garde, et qui paraissait dirigée des côtés d'Italie, surtout de la côte de Gênes, prend des précautions pour la repousser. Il enjoint aux officiers royaux d'Yères et de Toulon de faire prendre les armes à tous les manants et habitants des villes de leur juridiction, âgés de vingt à soixante ans; « qu'ils soyent, est-il dit, incontinent prests et armés et embastonnez de picques, allebardes, arbalestes, avec tous les fournimens nécessaires et aultres arnoys de meilleure sorte mieulx défensibles que se pourroit trouver..... excepté aux eslus de vingt-cinq hommes pour cent maisons, desquels avons donné commission et charge à leurs cappitaines. »

Ces hommes d'armes de choix devaient être payés aux frais de chaque district ou juridiction, et leur soulde est fixée, pour cha cun, à raison de huit florins et quatre gros par mois. Les fonds devaient être prêts en cas de besoin.

Il est aussi ordonné, par le sénéchal, aux officiers royaux, de faire, « à son de trompe, criée publique que tous nobles, subjects au ban et arrière-ban, et aultres, soyent immédiatement prests, 'montés et armés pour suivre le dict seigneur à la dicte thuicion, garde et défence du dict pays quand ils seront mandés, sur peine de perdicion de leur fief, et aux aultres de cent marcs d'argent fin.

L'attaque éventuelle qui donna lieu à l'armement de la population de cette partie de la Provence était une conséquence du peu de succès des dernières campagnes de Louis XII en Italie.

La troisième pièce communiquée par le même correspondant est intitulée: Dissertation sur le bois de larix. Ce mémoire, qui ne comprend pas moins de 17 pages in-folia, et dont l'origine n'est pas indiquée, a été rédigé au commencement du dernier siècle, et ■lu, est-il écrit en marge, à l'Académie en 1710.» N'en ayant point trouvé de traces dans l'histoire ni dans les mémoires de l'Académie des sciences pour cette année, non plus que dans les mémoires de l'Académie des inscriptions, j'ai recherché si cette lecture n'avait point été faite à l'une des sociétés académiques

existant dès lors en Provence et en Languedoc, et j'ai constaté que c'était en effet à la Société académique des sciences de Montpellier que cette dissertation avait été communiquée en 17081. On lit, page 80 du premier volume: M. Bon fit voir, le 23 juin 1708, une pièce de bois incombustible. A cette occasion, on lut un passage de Vitruve où il est parlé d'un fort de bois de larix (castellum larigneum) que César tenta inutilement de consumer par le feu. M. Bon prouva, par plusieurs expériences, que le bois qu'il présentait était fort différent de notre mélèze, que les botanistes ont appelé larix, apparemment par analogie. ■

Ce mémoire est aussi mentionné dans l'éloge de M. Bon2, où on lit : « On dit qu'il donna, en 1711, un mémoire sur le larix, dans lequel il s'attache à démontrer que le larix incombustible n'a jamais existé. Ces conclusions ne me semblent pas tout à fait conformes à celles du mémoire manuscrit, qui peut-être fut publié séparément par l'auteur en 1711, mais qui ne fait partie d'aucune des collections académiques que j'ai pu consulter.

L'auteur, l'un des savants du Languedoc les plus adonnés à l'étude des sciences et de l'archéologie, avait été conseiller, puis président de la chambre des comptes de Montpellier; membre honoraire et l'un des fondateurs de la société académique de cette ville, correspondant honoraire de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

Il possédait un riche cabinet de curiosités d'histoire naturelle et d'antiquités; il en décrivit plusieurs objets dans des dissertations dont l'histoire de l'Académie des inscriptions contient des analyses (t. XII, XIV, XVI et XVIII, éd. in-4°). Il composa aussi plusieurs mémoires d'histoire naturelle, et un entre autres, qui fut combattu par Réaumur, sur la soie qu'on peut fabriquer avec les fils d'araignée3.

Quant au mémoire sur le larix, s'il n'a pas été imprimé, il me paraît peu mériter de l'être, malgré les apparences d'érudition et de science qu'on y remarque.

1 Histoire de la Société royale des sciences établie à Montpellier, t. I, in-4°. Lyon, édition de 1766.

1 Histoire de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, t. XXXI, P. 323, édit.

in-4°.

* Procès-verbal de l'assemblée publique de la Société royale des Sciences de Montpellier, en 1710, in-4°.

L'auteur dit avoir reçu, en 1708, d'un M. Dasté, ingénieur au port de Cette, à son retour d'Italie, entre autres curiosités de ce pays, telles que médailles el pétrifications, un petit morceau de bois recueilli par un de ses amis près du rivage de la mer Adriatique, et on en trouvait, dit-il, de semblables sur les bords du Pô. Ce petit fragment paraissait à l'ingénieur de Cette être le véritable larix des anciens, dont Vitruve et Pline ont parlé comme d'un bois incombustible. L'auteur de la dissertation rapporte ses nombreuses expériences pour s'assurer de cette propriété, qu'il a constatée parfaitement en effet. Ceci ne doit pas sembler étonnant; car il n'est pas douteux, d'après la description, qu'il s'agissait d'un fragment de bois silicifié, conservant encore parfaitement toute l'apparence de la texture ligneuse; aussi devait-il résister au feu du creuset le plus ardent, auquel l'auteur l'avait soumis.

Rien n'est plus commun que des fragments de bois, quelquefois des troncs entiers, pétrifiés, dans lesquels les fibres, les pores, les vaisseaux, le tissu cellulaire et les cercles d'accroissement ont été complétement remplacés par de la silice ou autre substance minérale, et qui offrent la plus complète reproduction de la contexture végétale. Il n'est pas jusqu'à la coloration, qui souvent ne soit aussi représentée par quelque oxyde métallique. Ce phéno mène est essentiellement distinct des incrustations qui envelop. pent certains corps et les conservent en nature, ainsi qu'on le voit dans les fontaines de Sainte-Allyre, en Auvergne, et dans beaucoup d'autres.

L'auteur de la notice n'était pas éloigné d'attribuer à son fragment une origine à moitié végétale, à moitié minérale; il n'ignorait pas que, pour les botanistes de son temps, le larix des anciens était considéré comme n'étant autre que le mélèze, opinion qui n'a pas changé et qui ne permettrait pas d'assimiler ces deux arbres, puisque le mélèze, loin d'être difficilement combustible, l'est au contraire à un très-haut degré, comme tous les végétaux résineux. Dans le Briançonnais, les maisons construites en bois de mélèze donnent tellement d'appréhensions d'incendie que, dans le xvII° siècle, les règlements de police ordonnaient qu'elles seraient bâties à une certaine distance les unes des autres.

Il est donc plus vraisemblable que les descriptions des anciens avaient pour point de départ quelque illusion analogue à celle qui fait l'objet de ce mémoire. Trompé par la fausse ressemblance

avec les végétaux, qui est exclusivement minérale, malgré sa structure fibreuse dont on a pu profiter pour fabriquer une sorte de tissu; trompé aussi par l'apparence végétale du corail dont l'origine animale n'était point encore alors entrevue par Marsigli et complétement démontrée par Peyssonel, l'auteur du mémoire se demande s'il n'y a pas, en effet, comme l'ont avancé les anciens, des bois complétement incombustibles et qui participeraient ainsi des végétaux et des minéraux. On a quelquefois réussi à rendre moins combustibles certains bois, en les plongeant dans une dissolution saline, surtout dans une eau saturée d'alun, qui pénètre leurs pores, comme les principes colorants du procédé de M. Boucherie; mais il ne paraît pas qu'il y ait eu rien d'analogue dans le larix des anciens, non plus que dans le fragment soumis aux expériences de l'auteur de cette notice. D'ailleurs, la description du larix des bords du Pô, par Vitruve, ne parle que de la combustion difficile et non de l'incombustibilité.

En résumé, les expériences et les assertions contenues dans ce mémoire ne nous paraissent aucunement probantes. Nous en proposerons le dépôt aux archives du comité, ainsi que des deux documents historiques communiqués par M. Henry, tout en lui en adressant des remercîments.

DOCUMENTS HISTORIQUES ET ARCHÉOLOGIQUES.

XXVIII.

Éloge de Paris, composé en 1323 par un habitant de Senlis, Jean de Jandun, publié pour la première fois par MM. Taranne et Le Roux de Lincy.

AVERTISSEMENT.

Pour mieux faire saisir la nature, le motif et les divisions principales de cette composition, nous en tracerons rapidement l'historique, d'après les données que nous fournit le texte lui-même.

L'auteur résidait à Senlis, lorsque, le 3 juillet 1323, il reçut une lettre d'un de ses amis intimes, qui lui disait, par forme de reproche: « Avouez-le, être à Paris, c'est être, dans le sens absolu, simpliciter; être ailleurs, c'est être accidentellement, secundum quid. Ou, en d'autres termes, et dans le style du xvir siècle :

On ne vit qu'à Paris et l'on végète ailleurs.

D

(GRESSET, Le Méchant, act. III, sc. IX.)

L'habitant de Senlis lui répondit, et publia sa réponse dans une espèce de circulaire, portant la formule de suscription d'un acte public, noverint universi, etc.', dans laquelle il justifiait l'existence d'un honnête homme à Senlis, et en démontrait tout l'agrément, par la beauté des forêts voisines de cette ville, la fertilité de son territoire, l'abondance de ses vins, l'excellence de son pain, la propreté de ses rues pavées, la salubrité de sa température, les qualités aimables et solides de ses habitants, etc.

Un certain personnage, autre que l'ami auquel on répondait, choqué de cet éloge d'une petite ville, et prétendant y découvrir l'intention d'un parallèle injurieux pour Paris, écrivit dans le ton le plus ridiculement laudatif, le plus obscurément mystique et le plus tristement prétentieux, un panégyrique où il mettait Paris incomparablement au-dessus de toutes les autres villes; reprochait à l'habitant de Senlis son ingratitude envers celte patrie commune de tous les étrangers, qui y affluaient de toute part; le persiflait de n'avoir pas compté parmi les agréments de Senlis la multitude de ses mouches, les concerts harmonieux de ses grenouilles, etc.

L'habitant de Senlis crut devoir protester contre des interprétations peu bienveillantes, et voulut montrer à son adversaire, espèce d'important, qu'il traite de dictateur, comment on pouvait, sans cesser d'être juste envers Senlis, faire en même temps un éloge complet de Paris, où l'on ne se bornerait pas « à des métaphores pompeuses ou à de vagues généralités qui ne disent rien à l'esprit,» mais où on louerait par des faits positifs. En conséquence, il composa un traité, qui est aussi dans le ton du panégyrique et d'un style souvent déclamatoire, mais plus sérieux et mieux raisonné que celui du grand personnage, et plus propre à faire apprécier la prééminence réelle de Paris sur toutes les autres villes du monde. C'est ce dernier traité qui fait l'objet principal de la publication actuelle.

L'auteur l'a divisé en quatre parties. Il consacre la première à l'Université de Paris, dont il a suivi autrefois les leçons. Quatre chapitres contiennent l'éloge des quatre facultés de philosophie ou des arts, de théologie, de décrets, de médecine.

La seconde partie détaille quelques-unes des autres supériorités de 1 Voir la quatrième partie de l'Éloge de Paris. Voir le prologue de l'Éloge de Paris.

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