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Ce volume manuscrit indique-t-il que son possesseur avait été attaché au clergé du diocèse de Clermont avant de se fixer à Orléans, puis à Chartres? ou bjen, sous le nom de Breviarium, doit-on voir un recueil abrégé? La première supposition me paraît plus vraisemblable.

9. Unum Roffredum super formatione libellorum, sub estim. 8 fr. Roffredo (Roffredus), surnommé aussi Roffredus Epiphanii, l'auteur de ce traité de pratique judiciaire, vivait pendant le xio siècle. Né à Bévévent, durant la seconde moitié du xır° siècle, il fut un des élèves d'Azo, enseigna à Bologne, et en 1215 à Arezzo.

Il prit d'abord parti pour l'empereur Frédéric II, était à son service en 1220 et assistait à son couronnement à Rome1. Plus tard, il s'attacha au pape Grégoire IX, et mourut vers 1245.

Ses écrits sont, comme ceux d'Azo, relatifs surtout au droit civil; cependant, il en commença un sur le droit canon, mais qu'il n'acheva pas et il était surtout professeur de droit romain.

Ce sont principalement des leçons (Lecture) sur le Code et sur le Digestum novum; un traité de Positionibus, etc.; une Summa de Actionibus; -des Quæstiones sabbatine.

Ces questions de droit, au nombre de 54, probablement rédigées à Arezzo, commencent de telle sorte que les premières lettres des premiers mots de chaque question forment par leur réunion: Roffredus, Beneventanus, juris civilis professor, factor operis.

Le plus important ouvrage de Roffredo est son traité De Libellis et de ordine judiciorum, le même écrit qui est indiqué dans le document dont nous nous occupons. Il en existe plusieurs manuscrits dans les bibliothèques de France; la ville de Tours, seule, en possède six exemplaires. (Haënel, p. 483.)

Ce dernier ouvrage est une sorte de traité de procédure civile, où l'auteur donne, avec la théorie, des formules judiciaires pour chaque cause.

Ainsi qu'on le voit, les indications fournies par le document manuscrit de Chartres font connaître les plus célèbres commentateurs du droit civil et du droit ecclésiastique de l'école de Bologne, pendant le xin et le xive siècle, tandis qu'il n'y est fait aucune mention des écrits des glossateurs et juristes français de

1 Savigny, t. IV, p. 128.

la même époque, encore moins des savants commentateurs de notre droit coutumier du xur siècle, tels que Pierre de Fontaines et Philippe de Beaumanoir.

On y voit aussi les preuves de la popularité des glossateurs italiens dans certaines écoles et certaines universités françaises, et, pour ainsi dire, le bagage le plus habituel d'un professeur de droit civil et de droit canon à cette période du moyen âge.

Ces commentaires des grandes collections de jurisprudence ecclésiastique, formées par Grégoire IX et Boniface VIII, étaient en effet les guides indispensables des principales officialités diocésaines, en même temps que la direction imprimée par le célèbre G. Durantis, sous l'influence des souverains pontifes, vers les études du droit romain, pour le faire concorder avec le droit ecclésias tique, représentait assez évidemment le rôle du pouvoir pontifical dans l'enseignement public des universités du moyen âge.

Quelques autres universités françaises, celle d'Angers, par exemple, l'une des plus renommées pour l'enseignement de la jurisprudence ecclésiastique, comptaient parmi leurs professeurs des savants plus nationaux, tels que Thibaud d'Amiens, Guillaume de Normandie, Guillaume de Blaye, Clément Adhémar, etc., dont les écrits n'ont pas joni à beaucoup près, même dans les écoles de France, d'une célébrité égale à celle qu'y obtenaient ceux des professeurs de Bologne.

Le possesseur des manuscrits indiqués dans le document de Chartres, L. Pimpenelli, était évidemment un clerc d'origine italienne et sans doute de Bologne. Peut-on supposer qu'attiré en France dans l'intention de s'attacher comme professeur à l'université d'Orléans, fort célèbre aussi pendant le XIV siècle, il n'y trouva pas les encouragements qu'il espérait, et porta, sur l'iuvitation du chapitre, ses manuscrits et son enseignement à Chartres, où il n'y avait point, il est vrai, d'université, mais une école ecclésiastique fort renommée depuis plusieurs siècles, et qui comptait, au xr, Fulbert, et surtout Ives, deux des plus grands évêques de ce diocèse, au nombre de de ses plus illustres soutiens ?

On pourrait aussi considérer ce Laurent Pimpenelli comme un des librarii et des stationarii, libraires ou loueurs de livres, qui étaient fixés, pendant le moyen âge, dans tous les principaux foyers des études, soit universitaires et académiques, soit auprès

des écoles ecclésiastiques, sous la surveillance et l'autorité trèsrigoureuses des corps enseignants. L'indication des douze écuelles, des trois plats d'étain et des deux pots de cuivre, du chétif mobilier du possesseur de tous ces trésors de science canonique semble favorable à cette interprétation: il devait communiquer sur place les manuscrits aux écoliers, ou aux copistes, qui passaient de longues heures dans son échoppe.

Peut-être enseignait-il pour son propre compte avec l'autorisation de l'évêque et du chapitre, et sous la surveillance du scholasticus? Peut-être aussi ne faut-il voir dans leur possesseur qu'un copiste qui aurait cherché à placer dans l'école de Chartres les produits de son art et de ses veilles.

Forcé de quitter son nouveau séjour pour une cause qui nous est inconnue, L. Pimpenelli aura laissé au chapitre de Chartres les manuscrits dont il est question, en gage pour une certaine somme d'argent qui lui fut avancée. En tout cas, ces manuscrits sont restés plus tard en la possession du chapitre si, comme il est très-vraisemblable, ce sont les mêmes volumes qu'on trouve aujourd'hui désignés, sous les mêmes titres à très-peu près, dans les deux catalogues imprimés des manuscrits de la bibliothèque de Chartres celui de M. Hérisson, reproduit par M. Haënel en 1830, et celui beaucoup plus exact, publié en 1840 (1 vol. in-8°), par M. Châsles, aujourd'hui membre de l'Académie des sciences. Cette coïncidence me semble même des plus remarquables.

:

On y trouve ces différents manuscrits du xiv° siècle, indiqués sous les n° 306, 307, 308, 30g, 316 à 322, 324, 356, 403. Tous proviennent de la bibliothèque du chapitre de Chartres. Le n° 306 (1 vol. gr. in-fol. à 2 col.) présente même une particularité intéressante; il est intitulé: Lectura Cini de Pistorio super Codicem; et on y lit sur la dernière page: A. D. M. CCCLXX sexto, die XVIII mensis junii, ego Johannes Henna, notarius, vendidi præsentem librum venerabili et religioso viro domino de Cantiâ licentiato in legibus, pretio quinquaginta francorum.

Si ce manuscrit de Cinus est bien le même que le n° 1° du document, on voit qu'il avait promptement passé des mains du chanoine Poncius Boherii dans celles d'un autre savant légiste de l'école de Chartres, et que, dans l'intervalle de six ans, l'estimation, déjà très-forte, de 36 francs d'or s'était élevée à 50 francs. Cette circonstance prouve la rareté de l'ouvrage, surtout si l'on en com

pare le prix à celui de la Somme d'Azo, qui n'est estimée que 4 francs, malgré son étendue considérable; mais ce dernier ouvrage était aussi l'un des écrits de jurisprudence les plus répandus, l'un de ceux dont les copies ont été conservées en plus grand nombre.

Quant à la valeur attribuée aux autres ouvrages, et qui varie de 3 à 36 francs, il est bien difficile d'en tirer aucune conséquence un peu solide sur leur plus ou moins de rareté. Leur mérite calligraphique devait exercer beaucoup d'influence sur le prix. Il serait, au reste, possible d'avoir à cet égard une donnée plus juste en mettant en rapport les indications fournies avec les manus. crits de la bibliothèque de Chartres.

Cette somme de 83 francs d'or, vers la fin du xiv° siècle, représenterait, sur la base des calculs de M. Leber, à peu près 800 francs, d'après le prix du marc actuel, et six fois plus en tenant compte du pouvoir comparatif de l'argent.

Le véritable intérêt du document de Chartres consiste dans la réunion de ces livres, qui fait connaître probablement la bibliothèque usuelle d'un légiste du xiv° siècle, quoiqu'elle soit bien loin de représenter tous les commentateurs des deux Droits à cette époque; il consiste aussi dans les appréciations de ces manuscrits, qu'il serait utile de comparer à d'autres estimations du même genre.

Plusieurs anciens catalogues de manuscrits de jurisprudence, avec l'indication des prix, ont déjà été publiés. M. de Savigny, entre autres renseignements sur ce sujet, en a donné deux où figurent plusieurs des ouvrages signalés dans le document de Chartres 1.

On trouve d'autres taxes de livres, à peu près pour la même époque, dans l'ouvrage de Chevillier sur l'Origine de l'Imprimerie à Paris, 1694, in-4°, p. 315. Le fragment le plus intéressant qu'il ait publié est extrait du livre rectoral de l'université de Paris, et présente une taxe des livres de droit le plus en usage, fixée par

'Histoire du droit romain, trad. fr. t. I, p. 417-424. M. de Savigny a reproduit, d'après Ciampi (Memorie di Cino), l'inventaire de la bibliothèque de Cinus, fait, après sa mort, en 1337. Il ne se composait que de quatorze ouvrages, dont l'ensemble a quelque analogie avec la liste de Pimpenelli. On y voit, en effet, le Décret, les Décrétales, le Digestum vetus, le Code, le Sexte, la Somme d'Azo, un Speculum, l'Infortiatum, la Lectura de Cinus. Plusieurs de ces ouvrages y sont en double exemplaire.

l'université elle-même en 1342. Les universités désignaient les ouvrages que les stationarii devaient tenir à la disposition des étudiants.

Égasse du Boulay, dans l'Histoire de l'université de Paris, a aussi donné plusieurs indications sur ce sujet, et il n'est pas douteux que M. Taranne n'insère quelque liste semblable dans le recueil intéressant de pièces originales concernant l'histoire de cette même université, dont il prépare la publication.

On ne saurait trop recommander la recherche de ces sortes d'estimations à MM. les correspondants du ministère. C'est dans ce but, et pour témoigner à M. Merlet le prix qu'on y attache, que j'ai l'honneur de proposer l'impression dans le Bulletin de la copie du document qu'il a adressée.

DOCUMENTS HISTORIQUES ET ARCHÉOLOGIQUES.

XLI.

Lettre de Guillaume de Corguilleray aux gouverneur et conseil de la ville de Châlons-sur-Marne '.

(Communication de MM. Édouard de Barthélemy, correspondant, à Perpignan, et de M. Aniel, secrétaire de la mairie de Châlons3.)

A Messieurs lez gouverneux et ville de Chalons.

Messeurs, je me recommende a vous tant comme je puis, je vous advertis que je heu des nouvellez par quoy est de necessite de nous bien garder a Chalons, et pour ce je vous prie que, pour

'Guillaume de Corguilleray, prévôt des maréchaux de France, avait été nommé, par Louis XI, capitaine de Châlons pour le roi, le 10 avril 1468. Il est plusieurs fois fait mention de cet officier dans les lettres de Charles VIII aux habitants de Châlons, publiées ci-dessus p. 584 et suivantes.

2 Voir Balletin du comité, t. II, p. 335, 439, 665 et 712.

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