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Ces dispositions du droit commun suffiraient à révéler le principe de l'autorité administrative et judiciaire des évêques de Bâle, si l'expression paroisse ne prêtait à une équivoque difficile à concilier avec les faits historiques. Les capitulaires et les chartes contemporaines nous offrent le mot parochia dans des acceptions différentes : il désigne ou une simple paroisse, dans le sens actuel, administrée par un prêtre ; ou un diocèse, ou une portion de territoire, qui a pour église paroissiale la cathédrale elle-même. Cette dernière version, qui peut être justifiée par le témoignage des mêmes documents, nous donne la clé de l'autorité temporelle des évêques de Bâle; elle nous en découvre l'origine et nous montre le territoire sur lequel cette autorité s'exerçait primitivement. Cette paroisse, qui comprenait la ville de Bâle, chef-lieu diocésain, fut en effet le noyau du domaine temporel de nos évêques, et leur plus ancien apanage, où l'autorité des comtes se borne à remplir les fonctions de grand avoué. Dans le langage administratif, ce territoire paroissial prend le nom de ban; un acte qui remonte vers 1262, nous en trace ainsi les limites étroites: « Depuis l'hôpital de la Krutenau jusqu'à Chreften ; " de là jusqu'à Buschwiller, le milieu du ruisseau formant limite; de Buschwiller à Hagenthal; de ce lieu jusqu'au ruisseau nommé Flinsbach; depuis ce ruisseau jusqu'à la pile du pont de la Birse, et delà dans le Rhin. » Ces limites ceignent la ville de Bâle ; elles dessinent un heptagone très-irrégulier, qui comprend à peine une lieue carrée de territoire. Tel fut le premier domaine temporel des évêques de ce diocèse.

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Ces dispositions du droit commun doivent s'appliquer non-seule

sandos, et ut obedientes sint eis ad eorum christianitatem servandam, et episcopi consentientes sint comitibus et judicibus ad justitias faciendas; et nullatenus per aliquorum mendacium vel falsum testimonium, neque per perjurium aut per præmium lex justa depravetur.» Goldast. Constitutiones imperiales. III. 225.

4. Ut non liceat episcopo principalem cathedram sux parochia negligere, et aliquam ecclesiam in sua dioecesi magis frequentare. Baluze. Capit. Caroli Magni. I, 709. Voir le n° 81 de ce volume, à la

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Major advocatus. Voir le n° 247 du tome Ier. page 117.-Chreften, villages détruit, qui existait entre Alschwiller, Bâle et Huningue. Flinsbach ou Vlinsbach, aujourd'hui Fleischbach, ruisseau qui existe au-dessous de Reinach, entre la route de Bâle et le Bruderholtz. (Communication du R. P. Anselme Dietler.)

ment aux évêques de Bâle, mais à tous les prélats qui ont exercé une autorité temporelle au chef-lieu de leurs diocèses respectifs, après avoir pris une part directe ou indirecte aux décisions des assemblées délibérantes, où ces mêmes dispositions furent consenties, arrêtées, promulguées. Si l'on examine avec un peu d'attention quelle était la nature du pouvoir temporel des princes ecclésiastiques, on est frappé de la grande analogie si pas de la ressemblance entière, qui existait dans leurs différentes attributions, comme dans le mode de leur administration civile, politique et judiciaire. Ces attributions temporelles émanaient du pouvoir séculier; elles étaient basées sur le droit commun et réglementées quelques fois par des actes spéciaux, relatifs à de pures questions de détail, propres à une cité, à une église, ou à une certaine étendue de territoire, ou par des coutumes, nées d'une convention réciproque. A ces attributions communes aux évêques, les rois ou les empereurs ajoutaient, par une faveur particulière, et à des époques successives, quelques unes de leurs prérogatives régaliennes, quoddam juris nostri, telles que le droit de monnaie, de chasse, de péages, l'exploitation des mines, l'exemption de certaines prestations en nature ou en argent, la juridiction sur telle abbaye, sur tel territoire non compris dans la paroisse épiscopale. C'est l'ensemble de ces prérogatives, affectées en partie de droit aux princes ecclésiastiques, accordées en partie par faveur, que plusieurs auteurs qualifient du nom impropre de comitive: l'autorité et les fonctions des comtes présentaient dans leur nature et dans leur mode, des différences notables. Ainsi, Schoepflin, et les historiens de l'Alsace après lui, nous paraissent commettre une erreur, en attribuant la comitive des évêques de Strasbourg à une donation de l'empereur Otton II, en 982; l'acte cité à l'appui de cette assertion en démontre l'erreur et justifie nos allégués; car l'empereur y déclare confirmer les résolutions de ses prédécesseurs et des rois des Francs, pour la prospérité de l'empire. Alsatia illustrata. II. 329. 2 Alsatia diplomatica. I. 131. «... Qualiter Erchenbaldus Argentinensis civitatis episcopus nostram adiit clementiam, rogando ut,........ id renovantes quod nostri predecessores, imperatores scilicet et reges Francorum eidem ecclesic pro

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Le principe de l'autorité temporelle des évêques de Strasbourg est donc antérieur au règne d'Otton II; il a la même source et la même origine que celui des évêques de Bâle.

La prérogative donnée aux évêques par le capitulaire du roi Pepin en 755, fut confirmée et développée dans l'article IV du capitulaire de Charlemagne, promulgué dans le synode de Francfort, en 894; en voici la traduction littérale : « Sa majesté le roi et la sainte assemblée synodale ont statué, que les évêques rendent la justice dans leurs paroisses. Si dans une de ces paroisses, il se trouve parmi les abbés, les prêtres, les diacres, les sous-diacres, les moines et les autres clercs, et aussi parmi les autres personnes, quelqu'un qui n'accepte pas la décision de son évêque, qu'ils aient recours au métropolitain, lequel jugera la cause avec ses suffragants. Nos comtes aussi sont soumis à la judicature des évêques. Et s'il y a quelque chose que le métropolitain ne puisse corriger ou pacifier, alors les accusateurs et l'accusé, munis de lettres du métropolitain, viendront enfin nous trouver, afin que nous connaissions véritablement la chose. >> On observera que cet article ne distingue nullement les cas qui sont de la compétence de l'évêque, mais qu'il les soumet tous, sans exception, à la juridiction épiscopale. Voilà donc le principe de l'autorité temporelle des évêques de Bâle suffisamment établi, sans qu'il soit besoin de recourir aux actes spéciaux, ni de multiplier les citations qui corroborent les premières. Pour découvrir l'origine de leur autorité politique, il suffit d'observer que, dès le 8° siècle, ces prélats ont pris part soit en personne, soit par délégation, aux assemblées synodales, en compagnie des rois, des empereurs et des grands dignitaires de la couronnc. Le capitulaire de

sui statu, et augmento imperii contulerunt, confirmaremus. Cujus petitioni libenter annuentes.... firmiter jubemus, sicuti nostri predecessores statuerunt... etc. »

↑ Baluze. Capitul. I. 264. « Statutum est a Domno Rege et sancta synodo ut episcopi justicias faciant in suas parochias. Si non obedierit aliqua persona episcopo suo de abbatibus, presbyteris, diaconibus, subdiaconibus, monachis et cæteris clericis vel etiam aliis in ejus parochia, veniant ad metropolitanum suum, et ille dijudicet causam cum suffraganeis suis. Comites quoque nostri veniant ad judicium episcoporum. Et si aliquid est quod episcopus metropolitanus non possit corrigere vel pacificare, tunc tandem veniant accusatores cum accusato, cum litteris metropolitani ut sciamus veritatem rci. »

Charles-le-Chauve, de 876, donne aux évêques une autorité politique incontestable, en leur conférant le pouvoir des Missi dominici, au siége de leurs cathédrales. Ce capitulaire est souscrit par Thierry, archevêque de Besançon, métropolitain de l'évêque de Bâle, par plusieurs évêques des diocèses voisins, tels que Sigenand, évêque de Constance, Arnold, évêque de Toul, Isaac de Langres, Adalgaire d'Autun, et par plusieurs autres personnages, archevêques, évêques, abbés ou comtes.

Le pouvoir temporel des évêques de Bàle, de même que leur droit de monnaie, remonte ainsi aux premiers temps de l'institution de cette église, c'est-à-dire vers le milieu du 8e siècle.

Le droit commun nous offre différentes dispositions qui transforment en devoirs purement temporels, certaines exemptions attachées d'abord au caractère des évêques. Le capitulaire de Charlemagne de 797, dispense ces prélats de porter les armes et d'aller à la guerre, parceque les canons leur prescrivent de ne pas verser le sang; deux ou trois évêques, seulement, choisis par leurs collègues devront accompagner les combattants pour les exhorter et les bénir. Ceux qui resteront dans leurs diocèses, doivent néanmoins fournir un contingent d'hommes armés, et demander au ciel, par des prières et des aumônes, le succès des armes du prince. 2 L'article 10 du capitulaire de 812, défend aux évêques de donner ou de vendre à un étranger quel qu'il soit, sans la permission de l'empereur, une cuirasse ou des épées, si ce n'est à leurs vassaux. Ils ne doivent pas avoir ces sortes d'armes en plus grand nombre qu'il ne faut pour armer leurs hommes. Un décret de l'empereur Louis II, en 867, ordonne que les évêques envoient tous les laïques à la guerre ;" euxmêmes doivent s'y rendre, à moins qu'ils n'en soient empêchés par une infirmité manifeste; dans ce cas, ils doivent affirmer par serment qu'ils sont retenus par leur infirmité. Mais s'ils sont coupables

Baluze. Capitularia. tom. II. col. 242. « Ipsi nichilominus episcopi, singuli in suo episcopio, missatici nostri potestate et auctoritate fungantur.»> 2 Goldast. Constitutiones imperiales. tom III. p. 142. J. col. 496. Idem

Baluze. Capitularia. tom

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de négligence, ils ne sortiront pas du lieu où ils se trouvent, jusqu'à ce que l'armée vienne à y passer. C'est ainsi que le droit commun a donné aux évêques une importance militaire dont quelques-uns ont largement usé jusqu'au 15e siècle. Dès l'année 938, nous voyons l'archevêque de Mayence, l'évêque de Strasbourg, et plusieurs autres non désignés, accompagner le roi Otton Ier au siége de Brisack; ils quittent furtivement le camp pendant la nuit, en abandonnant leurs tentes et leurs bagages. En 1076, les évêques de Bâle, de Lausanne, de Strasbourg, et plusieurs autres campent autour d'Oppenheim avec l'empereur Henri IV; on les voit guerroyer pendant deux années consécutives pour soutenir le parti de ce prince. Ces circonstances se renouvellent fréquemment dans les annales de l'ancien évêché de Bâle : nous omettons ces détails étrangers à l'objet de cette introduction, pour signaler certaines régalies qui furent successivement accordées aux évêques de ce diocèse : 1o Le droit de monnaie. Nous avons avons vu que les évêques de Bale jouissaient de cette prérogative régalienne, dès les premiers temps de l'institution de cette église, avec la faculté de l'exercer dans tout leur évêché. Les monnaies se frappaient d'abord au coin de l'empire sur l'une des faces; l'autre portait l'indication du lieu où elles étaient frappées; " à la suite du privilége que le roi Conrad III. donna à nos évêques, en 1149, 5 ils émirent des monnaies avec une effigie particulière. Ce privilége leur fut con

Baluze. Capitulaires. II. 360.—2 Voir le tome 1er de cet ouvrage. No 78. 3 Tome fer. No 130-135. -On connait un sol de cette espèce : l'une de ses faces porte une croix au centre et pour légende: CHVONRADVS REX: L'autre face présente le mot SI LEA disposé sur deux lignes horizontales; dans une ligne médiane, perpendicueaux deux premières on lit: ++. Schoepflin en donne la figure dans la planSe annexée à la page 458 du tome 11. de l'Alsat. illustrata. La bibliothèque de Porrenpossède un exemplaire assez mal conservé d'un sol de l'empereur Henri IV. Il est emblable à celui de Conrad, sauf la légende qui porte HENRICVS. La plupart des histomens de l'ancien évêché de Bâle font remonter ce droit de monnaie seulement à l'année 1-49, date du diplôme de Conrad III; cette erreur les entraîne dans des conséquences fausses. Voir entr'autres: Ochs. Geschichte der Stadt Basel, tom. I. pages 152 et 156. 5 Voir le tome 1er de cet ouvrage, no 204. Schoepflin, loco citato, donne la figure d'un sol qui porte sur l'une de ses faces le nom CONRADO (allusion à Conrad III), et au centre le buste d'un évêque, cantonné de la crosse de Bâle et de la lettre B. Le revers représente une cathédrale. Cette monnaie fut frappée après le privilége de Conrad III,

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