Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de Jean XXII, mais ne prit pas la peine de venir visiter son Église. Il alla régir, neuf mois après, la métropole d'Arles; et le souverain pontife, essayant cette fois de tout concilier, mit à Maguelone André de Fredol 1.

André avait naguère fait partie de notre chapitre maguelonais, et il était alors évêque d'Uzès. Jean XXII le rendit à ses anciens confrères, le croyant plus propre que tout autre à rétablir l'ordre parmi eux. L'élu du pape se prêta à cette pensée, et se mit même sérieusement à l'œuvre. Mais quelle opposition n'éprouva-t-il pas, de la part du prévôt surtout !

Jean XXII eut beau vouloir le seconder, en astreignant de nouveau à la résidence nos chanoines, toujours en quête de prétextes pour se soustraire aux devoirs de la vie claustrale, et en s'efforçant de les y ramener par le tableau des vertus de leurs pieux fondateurs, dont le simple rappel eût dû suffire à des hommes animés d'une généreuse émulation 2; André de Fredol mourut impuissant, après dix ans d'épiscopat.

Le même pape, fidèle à son système de sage conciliation, lui donna pour successeur, en 1328, un autre ancien chanoine de Maguelone, Jean de Vissec, alors auditeur de rote; et Jean XXII eut, cette fois, à s'applaudir de sa persistance. Elle fut couronnée d'un très-heureux succès : car Jean de Vissec, loyalement aidé par le prévôt de Maguelone, Raymond de Canillac, parvint à apaiser les conflits et à rétablir la concorde au sein de notre Église.

et cum idem dominus Guillelmus Arnaudi vellet aperire ostium dicte fortalicie, fuerunt ibi de intra canonici, ut dicitur, et quidam alii infra dictum fortalicium existentes, et aliquis illorum qui ibi erant dixit quod, si aliquis intraret, amitteret corpus. Et tunc predictus dominus Guillelmus Arnaudi interrogavit predictum dominum priorem si ipse sciebat qui fuerint illi qui erant infra dictum fortalicium; qui discretus dominus prior respondit quod nesciebat, et dixit quod ipso tenente clavem dicte fortalicie furtive et occulte ibi qui sunt ibi intraverunt infra dictum fortalicium, et per alium locum quam per portam, et ignorat qui sunt illi............. Acta fuerunt hec apud Magalonam, anno et die quibus supra, in presencia et testimonio domini Jacobi Imberti, canonici Magalonensis, etc., et mei Andree Ruffi publici notarii. » Cartul. de Mag., Reg. C, fol. 84 vo. Voy. les deux bulles de Jean XXII; du 8 février 1348, publiées dans le Gallia Christiana, VI, Instrum. 380 et 381.

2 Bulle du 24 janvier 4322, ap. Privil. de Mag., fol. 31 vo. Voy, P. J., No XXXIX.

II.

I. Jean de Vissec, pour perpétuer le rétablissement du bon ordre dans son chapitre, entreprit de dresser un état des devoirs et des droits de chaque membre de la communauté. Ce règlement eut lieu d'un commun accord, et la promulgation en fut faite dans une assemblée générale, qui se prolongea pendant deux jours à Maguelone, le 4 et le 5 novembre 1331.

Règlement de la plus haute importance. Je dois d'autant mieux m'y arrêter, que De Grefeuille ne l'a analysé qu'imparfaitement, faute d'en avoir eu entre les mains le manuscrit intégral. Je remplirai ses lacunes, et je m'efforcerai de donner de l'ensemble un exact aperçu, d'où résultera comme un tableau vivant de ce qu'était Maguelone à cette époque.

Commençons par nous orienter quant aux bâtiments. La connaissance des lieux nous aidera à comprendre le rôle des divers membres de notre monde canonial.

II. Il ne reste aujourd'hui, des anciennes constructions de Maguelone, que la cathédrale, accompagnée à peu de distance, et en vue de la mer, d'une petite église, presque insignifiante. Mais il y avait là autrefois un groupe assez considérable d'édifices. Ils étaient reliés entre eux par un mur d'enceinte, et on n'y pénétrait qu'au moyen de portes défendues par des ravelins, dont la principale se trouvait en outre fortifiée d'un pont-levis.

Les Statuts de 1331 mentionnent dans cette enceinte les églises de Saint-Pierre, de Saint-Augustin et de Saint-Pancrace, une tour SainteMarie et une tour Saint-Jacques, un cloître, un chapitre, un dortoir, une cuisine, un réfectoire et un fort.

[ocr errors]

L'église Saint-Pierre servait de cathédrale; mais elle était alors, quoique ni plus longue ni plus large, beaucoup plus complète qu'elle ne l'est aujourd'hui. La chapelle Sainte-Marie, placée à la partie méri

dionale du transsept, se présentait surmontée d'une tour; et une autre tour se dessinait au-dessus de la chapelle correspondante du côté septentrional, dite chapelle du Saint-Sépulcre, où devait s'élever en 1373 le mausolée du cardinal Raymond de Canillac 1, et où la tradition populaire, plus poétique que vraie, plaçait aussi le tombeau de Pierre de Provence et de la belle Maguelone.

L'église se trouvait extérieurement de plain-pied avec le sol environnant. Mais il y avait, au bout du seuil, quatre marches à descendre, pour arriver au pavé de la nef. Au-dessus se développait, sur toute la largeur de l'édifice, une tribune ou galerie en pierre, servant de chœur aux chanoines, et leur permettant de communiquer du cloître supérieur avec l'église, sans se mêler au public. C'était là que se réunissait, pou r le chant ou la récitation des heures canoniales du jour et de la nuit, la communauté; le célébrant seul, entouré du nombre d'assistants nécessaire, officiant dans l'église inférieure. Les chanoines pouvaient de la sorte tout voir, tout embrasser d'un coup d'œil; ils pouvaient suivre, en s'y associant, tout le drame liturgique, et personne ne les voyait. Ils se trouvaient dans l'église, comme n'y étant pas, sans avoir beaucoup à se déplacer, pour y venir et pour s'en retourner.

1 De-là le nom de chapelle de Canillac, qu'elle a long-temps gardé. On y voit encore un certain nombre de tombes de cette famille.

2 N'y officiant même pas toujours; car nos chanoines finirent par avoir un autel auxiliaire dans la tribune, pour s'épargner la peine de descendre au grand autel, la nuit surtout. Cet autel de secours figure dans un inventaire de 1614, où il est dit qu'il était en pierre. On peut hésiter, quant à son vocable, entre S. Michel et S. Nicolas ; mais si l'on optait en faveur de S. Nicolas, il faudrait supposer ou que l'autel SaintNicolas a été transféré là, après avoir été ailleurs, ou que la tribune, quoique déjà bien vieille, en aurait remplacé une autre, plus vieille encore. L'autel Saint-Nicolas est mentionné dès l'année 1164, dans une prestation d'hommage du seigneur de Montpellier Guillem VII à l'évêque de Maguelone Jean de Montlaur Ier, ap. Teulet (Layettes du Trésor des Chartes, 1, 84). Or la tribune actuelle, même dans sa partie la plus ancienne, ne paraît pas antérieure au portail de l'église; et j'ai déjà dit que celui-ci conservait sa date inaugurale de 4178. La comparaison attentive des documents me ferait plutôt choisir pour la tribune l'autel Saint-Michel, en laissant à de mieux renseignés le soin de déterminer l'emplacement de l'autel Saint-Nicolas.

Cette église Saint-Pierre englobait, du reste, les deux autres églises mentionnées dans les Statuts de 1331. On éprouvait jusqu'ici quelque difficulté à préciser l'endroit qu'occupait celle de Saint-Augustin. Mais la découverte de nouveaux documents me permet d'affirmer que ce n'était qu'une simple chapelle intérieure1. Il en était de même des sanctuaires consacrés à Sainte-Marie et à Saint-Pancrace. Celui de SainteMarie se voit encore au bas de la partie droite du transsept, et l'église Saint-Pancrace n'a pas cessé d'exister, au-dessus de la chapelle du SaintSépulcre, du côté gauche du même transsept, au niveau de l'emplacement du cloître supérieur 2. La tour Sainte-Marie surmontait l'église ou chapelle de ce nom, et la tour Saint-Jacques, dite aussi tour du SaintSépulcre, formait, par manière de correspondance, le couronnement de la chapelle de Saint-Pancrace, superposée à celle du Saint-Sépulcre. Une troisième tour, mentionnée dans les anciens actes sous la dénomination un peu ambitieuse de tour de la Cuisine, ou plutôt une cheminée monumentale, ajoutait, ainsi que la terrasse crénelée d'un petit fort, au pittoresque du panorama.

L'église Saint-Pierre, avec ces annexes, était la seule que contînt l'enceinte canoniale. Les églises Saint-Blaise et Saint-Jean, dont parlent les anciens actes, se trouvaient en dehors de cette enceinte, entre l'enceinte même et l'étang voisin de Villeneuve; et celle qu'on aperçoit aujourd'hui dans l'île, du côté de la mer, est une fondation postérieure, étrangère au groupe primitif. C'est le reste d'une collégiale établie, au déclin du XIVe siècle, par le cardinal Raymond de Canillac en l'honneur de la Sainte-Trinité; et cette petite église a été, à son tour, bâtie hors de l'enceinte canoniale.

L'enceinte canoniale n'embrassait que les constructions spécialement

1 Elle subsiste en son entier dans l'enfoncement, d'architecture plus ancienne, situé sur la droite de la nef, avant d'arriver aux marches du chœur.

2 Nul doute que telle ait été sa place. Le procès-verbal de la visite faite à Maguelone par l'évêque François Bosquet, le 9 novembre 4658, la lui assigne d'une manière expresse, et ajoute que l'évêque prescrivit d'en réparer la toiture, en même temps que celle de l'église. Cette position est également fixée par un inventaire de 1641.

affectées à l'usage des chanoines,

[ocr errors]

c'est-à-dire la cathédrale SaintPierre, avec ses chapelles intérieures et sa tribune servant de chœur ; le cloître juxtaposé, dont les vestiges se distinguent encore; le chapitre, ou la salle capitulaire, servant aux assemblées quotidiennes pour les exercices communs; le dortoir, avec ses deux rangées de cellules, séparées par un long corridor; la cuisine et le réfectoire; le fort, contigu à la façade de l'église, au haut duquel se tenait en observation un garde, chargé d'annoncer à son de trompe les heures de la nuit.

Tel était le groupe de bâtiments compris, en 1331, dans l'enceinte canoniale de Maguelone. De bonnes murailles le protégeaient', et on n'y avait accès que par une porte bastionnée, ouverte seulement à certaines heures du jour. Quiconque se présentait avant ou passé ces heures attendait dans l'aumônerie: car l'aumônerie se trouvait, ainsi que l'infirmerie, en dehors de l'enceinte; et à ce second groupe extérieur appartenaient, je l'ai déjà dit, les églises ou chapelles Saint-Blaise et Saint-Jean.

Saint-Blaise servait de paroisse à ce qu'on appelait « la famille », c'est-à-dire à la domesticité maguelonaise, aux gens de service de divers ordres, cuisiniers, maçons, lavandiers, tailleurs, cordonniers, balayeurs, cultivateurs, boulangers, fossoyeurs, bateliers, pêcheurs, etc.

On arrivait à ce groupe extérieur, comme à l'autre, au moyen d'un pont qui reliait l'île à la lisière de l'étang, du côté de Villeneuve. Ce pont était l'objet d'un entretien assidu, et remédiait à l'ennui d'un trop complet isolement.

Voilà, pour l'intelligence des Statuts de 1331, l'aspect général de Maguelone. Il ne reste aujourd'hui de cet ensemble que l'église SaintPierre. Le désert a de nouveau succédé sur cette plage aux habitations.

Je ne m'arrêterai pas à décrire en détail l'antique cathédrale.

1 Ce système de défense légitimerait la leçon muro munitissima civitas, adoptée par M. Lecoy de la Marche, à la page 106 de sa nouvelle édition des OEuvres de Suger, pour le texte de la Vie de Louis le Gros, que j'ai précédemment rapporté en parlant de la visite du pape Gélase II. Ce serait déjà presque le mot de Louis XIII, qualifiant Maguelone de « château-forteresse », dans ses lettres patentes du 30 janvier 1632, qu'on lira aux Pièces justificatives.

་་

« AnteriorContinuar »