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ACTES OFFICIELS.

I.

Rapport au Roi et arrêté royal du 22 juillet 1834, portant création de la Commission royale d'histoire.

SIRE,

L'histoire de la Belgique, comme celle de la plupart des nations de l'Europe, n'est encore qu'imparfaitement connue, malgré les travaux recommandables de plusieurs écrivains distingués.

Ce qui a manqué à ces écrivains, c'est moins le talent, il est juste de le reconnaître, que les matériaux qu'ils auraient pu mettre en œuvre avec succès, et qui étaient restés enfouis dans la poussière des archives et des bibliothèques.

Cependant, depuis que la Belgique, après tant de vicissitudes, a recouvré une existence indépendante, la connaissance de tous les faits qui se rattachent à son histoire a acquis un degré d'importance qu'elle n'eut à aucune autre époque aussi les esprits se sont-ils reportés, avec une activité remarquable, vers les traditions du passé, et l'étude de nos fastes civiques a pris un essor qui s'est manifesté par des indices non équivoques.

Il appartenait au gouvernement auquel le vœu national a confié

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les destinées du pays, de seconder de tout son pouvoir une tendance non moins favorable au développement du patriotisme qu'au progrès des lettres.

Dans un rapport que j'ai soumis récemment à Votre Majesté, j`ai retracé ce qui, dès le principe de notre régénération politique, et malgré les embarras de tout genre qui préoccupaient l'administration, a été fait pour la mise en ordre de nos dépôts d'archives; j'ai proposé à Votre Majesté, comme l'une des mesures les plus propres à encourager les investigations sur l'histoire nationale, la publication des catalogues de ces dépôts. Votre Majesté a donné son assentiment à cette mesure (1).

Là ne s'est pas bornée la sollicitude du gouvernement.

Par une disposition qui date de l'année 1832, la mise en lumière des documents intéressants pour l'histoire générale de la Belgique, que renferment non pas seulement les Archives de l'État, mais tous les dépôts de titres du pays, a été ordonnée : cette publication, confiée aux soins de l'archiviste général du royaume, se poursuit avec activité. Déjà deux volumes de documents ont paru; le troisième sera imprimé dans le courant de cette année.

Mais il est une autre source précieuse pour l'histoire, et à laquelle jusqu'ici il a été trop peu puisé: je veux parler des chroniques, des mémoires, des relations de tel ou tel événement, rédigés par des contemporains.

La Belgique était autrefois très-riche en monuments de ce genre: on y comptait peu d'abbayes et de chapitres dans lesquels il ne s'en conservât; les archives des corps administratifs et judiciaires en recélaient aussi, quoiqu'en moins grand nombre.

Les événements qui marquèrent la fin du dernier siècle, ont mal

(1) Arrêté royal du 17 juillet 1834.

Il a paru quatre volumes in-folio d'inventaires des archives, savoir: en 1837, en 1845 et en 1851, trois volumes consacrés à l'inventaire des archives des chambres des comptes, et, en 1848, un volume contenant les inventaires des cartes et plans manuscrits et gravés.

Le quatrième volume de l'Inventaire des archives des chambres des comptes verra le jour en 1860.

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heureusement occasionné la perte de beaucoup de nos chroniques, comme d'une quantité considérable de nos chartes les unes ont été détruites, d'autres sont passées à l'étranger; toutefois il nous en est resté qui méritent l'attention des savants: telle est la chronique de Vander Heyden, dit A Thymo, pensionnaire ou secrétaire de la ville de Bruxelles pendant près d'un demi-siècle, et de plus chanoine et trésorier de Ste-Gudule, mort en 1473; on crut longtemps qu'elle avait été la proie des flammes, lors du bombardement de Bruxelles en 1695. Tels sont encore: la chronique d'Edmond De Dynter, qui fut successivement secrétaire des ducs de Brabant Antoine Ier, Jean III, Philippe er et Philippe II; les chroniques flamandes rimées de Jean Van Heelu et de De Klerk; les voyages de Philippe le Beau et de Charles-Quint, et d'autres ouvrages sans doute qui ne sont pas

connus.

Je viens proposer à Votre Majesté la publication de ces chroniques.

Bien des fois déjà, Sire, la même entreprise a été tentée, sans avoir eu jamais un résultat satisfaisant.

Dans le xvime et le xviime siècle, des savants isolés en conçurent le projet; mais leurs plans reçurent à peine un commencement d'exécution.

Sous le règne de l'impératrice Marie-Thérèse, ce fut le gouvernement lui-même qui le forma: le comte de Cobenzl fit faire beaucoup de recherches et d'écrits dans ce but; il s'assura de la coopération d'hommes distingués par leurs connaissances dans l'histoire du pays, le comte de Nény, chef et président du conseil privé, l'abbé Paquot, historiographe de l'Impératrice, l'abbé Nélis, bibliothécaire de l'université de Louvain, MM. Van Heurck et Verdussen. Différentes circonstances, mais principalement la mort du comte de Cobenzl, arrivée en 1770, rendirent infructueux tous les travaux préparatoires qui avaient été faits pour la publication du recueil dont le plan avait été adopté par lui.

Plus tard, l'Académie impériale et royale des sciences et belleslettres de Bruxelles créa dans son sein un comité qu'elle chargea de la mise au jour des chroniques, mémoires et autres monuments propres à servir de matériaux à une histoire générale de la Belgique.

Cette création semblait promettre de grands résultats : mais, soit défaut de zèle ou de loisir de la part des membres du comité, soit manque des fonds nécessaires, tout ce qui en sortit se réduisit à l'édition, par le marquis du Chasteler, de la chronique de Gilbert, chancelier des comtes de Hainaut sur la fin du xime et au commencement du XIIIe siècle.

L'œuvre pour l'accomplissement de laquelle l'Académie et le gouvernement lui-même s'étaient en quelque sorte montrés impuissants, M. de Nélis, devenu évêque d'Anvers, crut pouvoir l'entreprendre, aidé de ses seules forces. Il s'était livré à des recherches étendues sur l'histoire de la Belgique; il avait eu accès aux bibliothèques et aux chartriers qui contenaient le plus de richesses: il annonça, en 1783, le dessein de publier, en trente à trente-cinq volumes in-4o, une collection' d'historiens des Pays-Bas.

Cette entreprise, ainsi que toutes celles dont le projet avait été précédemment conçu, n'eut point de suite. Il faut d'autant plus le regretter que, dans son Prodromus rerum Belgicarum, le seul monument que nous possédions de ses longs et importants travaux, le savant évêque d'Anvers a prouvé qu'il eût été capable de s'acquitter de la tâche difficile qu'il s'était imposée.

Dans les dernières années de notre communauté politique avec la Hollande, le gouvernement avait résolu de faire publier, aux frais de l'État, les chroniques belges inédites, et il avait institué une Commission à cet effet (1).

Au mois de septembre 1850, la Commission dont je viens de parler n'avait encore livré au public aucun des ouvrages qu'elle avait annoncé l'intention d'éditer; seulement deux de ces ouvrages se trouvaient entre les mains de l'imprimeur : le premier volume de la chronique d'A Thymo et quelques feuilles de la chronique flamande de Jean Van Heelu venaient de sortir de la presse.

(1) Cette Commission fut composée de MM. Bernardi, bibliothécaire de l'université de Louvain; Raoul, professeur à l'université de Gand; le baron de Reiffenberg, professeur de philosophie à l'université de Louvain; Sylvain Vande Weyer, bibliothécaire de la ville de Bruxelles; Van Hulthem, membre des états généraux; Willems, membre de l'institut des Pays-Bas. M. J-J.

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