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ET LES TOMBELLES DE MONS

PRÈS SAINT-FLOUR (CANTAL)

Rapport présenté à l'Académie dans sa séance du 7 juin 1877
Par M. Michel COHENDY, Archiviste du Puy-de-Dôme.

Aujourd'hui que les travaux de savants spécialistes ont donné une si vive impulsion aux études anté-historiques, il y a une grande importance à appeler leur attention sur les découvertes de monuments et d'objets de haute antiquité que des circonstances fortuites ou le zèle des explorateurs font surgir du sol ou dont ils révèlent l'existence. Ce n'est que d'un grand ensemble de faits coordonnés, comparés entre eux et avec les témoignages fournis par la géologie, la zoologie et la botanique, que peuvent se déduire des séries d'observations propres à répandre la lumière sur le mouvement des races. humaines et leur distribution géographique dans les régions habitées. C'est donc un devoir pour tous ceux qui s'intéressent aux progrès de la science anthropologique de signaler et de livrer à la publicité toutes les découvertes de ce genre, monuments, armes, instruments, ustensiles, objets quelconques des divers âges de la pierre, du bronze et du fer, trouvés isolés ou associés les uns aux autres, avec ou sans mélange de poteries, d'ossements humains ou d'ossements d'animaux. Aussi avons-nous, sous l'empire de ces considérations, vivement engagé l'auteur d'une découverte récente dans les environs de St-Flour, M. Delort, à mettre sous les yeux de l'Académie de Clermont les précieux objets qu'il avait recueillis dans ses fouilles et qu'il avait eu l'obligeance de venir nous montrer, ainsi qu'à quelques-uns de nos Collègues, convaincus, comme nous, qu'un très-bon accueil serait fait à cette communication.

1877.

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Vous avez, Messieurs, donné la preuve de l'intérêt que vous ont inspiré ces monuments successifs des périodes les plus reculées de l'histoire de notre vieille Auvergne, remontant jusqu'à l'âge de pierre, en désignant une Commission, composée de M. Bouillet, de M. Vimont et de votre serviteur, pour les examiner et vous en faire un rapport.

Je viens, en conséquence, au nom de votre Commission, vous rendre compte de cet examer, auquel nous avons apporté tout le soin qu'il méritait, et vous présenter, après une attentive lecture des notes sommaires fournies par M. Delort, après de nouveaux renseignements complémentaires donnés à la Commission par d'autres personnes ayant une parfaite connaissance des localités et des particularités des fouilles, nos observations personnelles sur le sujet de l'étude que vous nous avez confiée.

Le Dictionnaire statistique et historique du Cantal, cette précieuse source d'informations détaillées sur l'histoire particulière des communes de la Haute-Auvergne, signale dans la commune de St-Georges, dépendant du canton Nord et de l'arrondissement de St-Flour, au village de Mons, un large plateau, situé au Nord et dominant une voie ancienne qui circule dans la vallée, comme une station Romaine. Le Dictionnaire est très-explicite à cet égard: « On remarque aussi à Mons, dans les champs qui occupent au Nord un vaste plateau, une certaine quantité de poterie Romaine et de briques éparses et brisées, ce qui ferait supposer que les Romains auraient séjourné dans cette localité; des débris de leur ciment le confirmeraient. >>

M. Delort, qui avait depuis plusieurs années porté se; investigations sur cet emplacement, y avait recueilli divers menus objets, notamment des fragments de silex taillés; il y avait aussi remarqué plusieurs monticules coniques dispersés sur la superficie du plateau, et conclu de ces indices qu'il se trouvait sur l'emplacement d'un vaste et antique campement, presque aussi étendu que celui de Gergovia. Il résolut done d'y faire des fouilles et il a mis ce projet à exécution pendant les dernières vacances de Pâques.

Les monticules qu'il a fouillés, au nombre de trois, sont un Tumulus de l'âge préhistorique et deux Tombelles de l'époque antérieure à la civilisation Romaine, peut-être même à l'immigration Celtique. Le mobilier funéraire qu'il en a retiré et qui a été mis sous nos yeux nous en fournit d'irrécusables témoignages. D'autres nombreuses Tombelles, non encore fouillées, que l'on remarque sur l'étendue du même plateau, ainsi que sur un autre plateau des environs, démontrent que nous sommes ici, non pas sur un lieu de campement ni sur un champ de bataille proprement dit, bien qu'il ait pu et dû y avoir des luttes à diverses époques entre les possesseurs du sol et des envahisseurs, mais bien sur l'emplacement d'un centre de population, dont l'occupation remonte aux temps antéhistoriques. Résumons nos preuves : ce qui a fixé particulièrement notre attention dans le Dolmen sous tumulus décrit par M. Delort, et dont le mobilier funéraire ne se compose d'ossements, de quatre têtes de lances ou couteaux en silex, et de quelques débris de poteries grossières, sans la moindre trace d'incinération, c'est la forme et la construction tout à fait rudimentaires de ce monument; la chambre sépulcrale était formée simplement de pierres brutes en gneiss schisteux, posées de champ, sur les deux faces latérales et sur la postérieure, et recouvertes par une grande dalle de plus d'un mètre de largeur, dispositions caractéristiques des temps mégalithiques.

que

On sait que les peuplades préhistoriques plaçaient de préférence leurs asiles sur les côtes escarpées et qu'elles faisaient volontiers leur séjour sur les plateaux des montagnes, parce que leur sécurité y paraissait plus assurée par le difficile accès des altitudes et par la déclivité des rampes, allant le plus souvent aboutir à des sources ou à un cours d'eau. Ne doit-on pas conclure de la quantité de ces Tumuli et Tombelles, avec ou sans foyer d'incinération suivant les habitudes variables des époques, de ces divers monuments funéraires de civilisations successives, disséminés dans les champs du village de Mons et des autres plateaux des environs, que cette contrée monta

gneuse a été, dès les temps primitifs, un centre de population devenu, par la pérennité d'une constante occupation, un cimetière mixte des populations qui s'y sont succédé jusqu'à nos jours.

Ces considérations et celles qui suivent nous empêchent de voir dans cette localité uniquement un champ de bataille proprement dit, et, par suite, de n'y reconnaître que des lieux de sépulture de guerriers qui y auraient succombé. Le champ de bataille implique des armées en marche, et, dans ces conditions, le temps manque toujours pour dresser des tombeaux aux morts.

A ces premières preuves que nous invoquons, les poteries des différents âges viennent en ajouter d'autres plus concluantes encore depuis les tessons de poterie primitive, trouvés par M. Delort dans le Dolmen sous tumulus en compagnie des ossements et des quatre silex que nous croyons de la première époque de la pierre polie, poterie très-grossière de façon et de matière, composée d'argile non tamisée et mélangée de grains de quartz, de cristaux feldspathiques et de parcelles de mica, terne, poreuse et fragile, partout la même dans les abris sous roches, dans les cavernes, dans les terramares de l'Italie, dans les palafittes ou cités lacustres de la Suisse ; jusqu'aux poteries Gauloises plus correctes, dont les dessins de feuilles de fougères et les stries circulaires tracées à la pointe révèlent déjà des intuitions artistiques; jusqu'aux autres poteries Gauloises à la teinte de graphite, à décoration incuse, d'un art plus avancé encore; jusqu'aux poteries vernissées, à la belle teinte de corail et à l'ornementation sigillée des Gallo-Romains; jusqu'aux briques et aux restes de constructions cimentées, signalées par le Dictionnaire du Cantal, toutes ces épaves de populations successives, rencontrées dans ces champs de Mons (1), ne démontrent-ils pas le cimetière mixte, conséquence naturelle de l'occupation continue, remontant peut

(4) On voit encore, au village mème de Mons, deux cippes Romains, dont l'un a ete surmonté du symbole chrétien.

être à la période la plus reculée des premières immigrations dans notre vieille Celtique.

Étaient-ils les premiers immigrants, ces hommes des temps mégalithiques qui construisaient des Dolmens pour préserver leurs morts des dents des carnassiers, qui savaient polir des pierres pour s'en faire des armes et des instruments, qui se rendaient compte des lois de la dynamique pour le déplacement de masses énormes et pour les oscillations des roches branlantes, auxquels un sentiment de l'art inspirait des idées de sculpture et de gravure et des dessins d'imitation grossière assurément, mais qui n'en prouvaient pas moins une organisation intellectuelle, douée de sentiments d'essence supérieure ?.... D'où venaient-ils ?.... La science ne veut pas que nous les considérions comme autochthones.... Faut-il croire avec d'éminents ethnologistes, avec notre savant compatriote et ami, M. Roujou, qu'ils ont pu faire partie de ces populations hyperboréennes que « les grands phénomènes

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glaciaires de l'époque quaternaire ont fait refluer, comme » les plantes et les animaux de ces contrées, jusque dans te » Centre et dans le Midi de l'Europe?.... » Sont-ils venus des hauts plateaux de l'Asie et de cette belle race Caucasique, d'origine Aryane, aux membres puissants, au crâne arrondi dolichocéphale, comme semble le démontrer la forte et vigoureuse constitution de la belle population de nos montagnes, et comme tendraient à nous le faire penser les renseignements fournis par un témoin ayant assisté à la fouille du Dolmen, qui a compté au milieu des ossements de grande taille retirés de la chambre sépulcrale, neuf crânes, dont cinq de la race dolichocéphale, au grand diamètre longitudinal, ont particulièrement attiré son attention?

C'est à l'ostéotomie que la science demande les éléments principaux de détermination des races de ces occupants primitifs et envahisseurs successifs de notre sol. Il est regrettable que l'exposition à l'air et la mise en sacs de tous ces ossements, crânes compris, les aient réduits en fragments et pour ainsi dire fait tomber en poussière, et n'aient pu en permettre

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