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cessera de rèver le démembrement du royaume et la réalisation de l'ambitieux programme qu'il avait exposé en 1589 (1). Il faut mettre en garde le roi de France contre les pratiques d'un ennemi qui ne désarme point, qui est décidé à recourir à tous les moyens : ce sera le rôle de Lesdiguières. Ouvrir les yeux au roi, lui montrer les rancunes implacables et l'ambition inassouvie de Charles-Emmanuel, veiller à la frontière des Alpes, faire le guet aussi bien vers Genève que dans les vallées vaudoises, préparer la guerre pour faire exécuter la paix telle sera la politique du lieutenant général. L'Archivio di Stato nous renseigne admirablement sur ce rôle de Lesdiguières et complète heureusement sa correspondance (2). Les renseignements abondent sur la conspiration de Biron et surtout sur l'affaire de Genève, dans laquelle Charles-Emmanuel dut en partie son échec à l'habileté de Lesdiguières (3). Au milieu de cette paix équivoque, comme dans la guerre qui l'avait précédée, Lesdiguières se dresse sur notre frontière des Alpes comme une sentinelle active, infatigable, toujours sur le qui-vive, ne se laissant jamais surprendre. Avec un ennemi comme celui qu'il avait à combattre, il ne fallait jamais s'endormir. Si la période qui s'étend de 1601 à 1608 fut pour notre frontière du sud-est une période de calme relatif, si Grenoble n'eut pas son escalade comme Genève, si les laboureurs du Grésivaudan et les pâtres de l'Embrunois purent vaquer paisiblement à leurs occupations, c'est surtout à Lesdiguières qu'ils en furent redevables. Les Archives piémontaises nous montrent que le lieutenant général du Dauphiné était fait pour comprendre et appliquer la vieille maxime du droit international que nul ne sut mieux préparer la guerre pour avoir la paix.

Henri IV et Lesdiguières avaient, pendant de longues années, combattu la Maison de Savoie sur les Alpes. Mais, durant la dernière partie du règne, un grand revirement va s'opérer dans leur politique. Les Archives de Turin sont d'un grand secours à l'historien qui cherche à démêler, dans l'imbroglio fort enchevêtré de la diplomatie comtemporaine, les ¡dées qui présidèrent à nos relations avec la Maison de Savoie, les idées que Lesdiguières inspira pour une large part, et dont il eut tant de fois la confidence.

Devant la crainte de plus en plus pressante de la domination hispanoallemande, l'Europe entière se tournait vers la France, et, dans l'Europe, particulièrement l'Italie. C'est le moment où Fra Paolo Sarpi déclare que si Paris succombe, l'Europe est en proie à l'Espagne; où Boccalini écrit son mordant pamphlet La Pietra del Parragone politico et prédit la chute du colosse espagnol sous les coups de la France. Le duc de Savoie com

() Mem. du duc de Nevers, éd. de 1665, tome 1, p. 847.

(*) Actes et correspondance, I, p. 391 et suiv.; Archivio di Stato: Negoz. con Francia, mazzo VII. Mazzi supplém., novembre 1601; Lettere ministri, mazzo XI. (3) Archives de Turin, Affaires de Genève, mazzo XXI; — Imprese Militari, mazzo I.

mence à comprendre que Philippe III tend à la suprématie dans toute la péninsule italienne: après de longues fluctuations, il se retourne brusquement vers la France et inaugure une politique nouvelle (").

Le duc s'abouche avec Henri IV qui lui envoie le cardinal de Joyeuse; le Piémontais Gattinara se rend à Paris, demande le mariage du prince de Piémont avec Élisabeth de France, l'organisation d'une ligue offensive contre l'Espagne entre la Savoie, Venise et la France). Les pourparlers se prolongent pendant plusieurs mois ils aboutissent enfin à la conclusion du traité de Brusol. Ce traité allait changer la face de l'Italie; déjà Lesdiguières s'apprête à franchir les Alpes, lorsqu'il est arrêté par une fatale nouvelle Henri IV est tombé sous le couteau de Ravaillac (3).

« Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit souffrir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henry. » Ce cri du saint évêque de Genève fut celui de tous les hommes sensés et surtout de Lesdiguières. Il voyait le pouvoir aux mains d'une femme dont il s'était toujours défié; il voyait tous les amis du feu roi, tous ceux qui avaient soutenu sa politique, abandonner le pouvoir. Quelle allait être l'attitude de la régente à l'égard de la Savoie? Le traité de Brusol, que Lesdiguières avait tant contribué à faire signer, allait-il être exécuté? M. Zeller a su judicieusement mettre à profit les documents de l'Archivio di Stato pour étudier les vicissitudes du traité de Brusol et l'abandon de l'alliance savoyarde. Sans revenir sur l'œuvre si parfaite du savant historien, nous nous sommes attaché à rechercher dans les Archives piémontaises ce qui peut mettre en lumière le rôle de Lesdiguières dans la diplomatie de la régence. Ce rôle a été considérable, et de nombreux documents tirés surtout des Negoziazioni con Francia), des lettres de Charles-Emmanuel (5), des Lettere ministri(") nous montrent les efforts prodigieux qu'il a faits pour faire respecter les engagements du prince qu'il avait servi avec tant de fidélité.

Vivement sollicité par le duc de Savoie (7) et en même temps habilement gagné par la régente qui lui confie l'administration de la justice

Ricotti, Storia della monarchia piemontese, II, p. 16 et suiv.; Carutti, Storia della diplomazia della corte di Savoja, II, 10 et suiv.; Arch. de Turin, mazzo VII; Lettere ministri, mazzo XI.

(Negoz. con Francia, mazzo VII, no 32; Carutti, II, 33.

"Il est impossible de donner l'indication détaillée de tous les documents relatifs au traité de Brusol qui sont renfermés dans les Archives de Turin. Ils ont été utilisés par MM. Ricotti, Carutti et M. Berthold Zeller (De dissolutione contracli apud Brusolium fœderis, p. 1-16). Ils se trouvent surtout dans la catégorie Negoz. con Francia, mazzo VII, nos 35 et suiv.

(*) Mazzo VII, nos 41 et suiv.; mazzo VIII, nos 48 et suiv.

(*) Mazzi XVIII, XIX, etc.

(6) Mazzi XIII, XIV, XV.

() Negoz. con Francia, mazzo VII, nos 45, 47, etc.; Lettere di Carlo Emanuele, mazzo XVIII.

en Dauphiné, Lesdiguières écrit à l'un pour l'assurer « de la continuation de son service()», à l'autre pour protester de son inaltérable fidélité. Il est placé dans une situation singulière; partisan de la politique d'Henri IV et de l'alliance savoisienne, il est en même temps disposé à exécuter les ordres de la régente il cherche à concilier ce double devoir sans froisser le duc et sans désobéir à la reine. Il en trouve bientôt l'occasion dans la guerre du Montferrat (*).

S'il résiste aux conseils de Charles-Emmanuel qui le pousse à donner la main aux princes révoltés (3), il n'hésite pas, malgré les ordres formels de la régente, à lever des troupes pour soutenir la cause du duc. Les Archives de Turin sont particulièrement précieuses pour cette période si active et si peu connue de l'histoire de Lesdiguières; elles mettent en pleine lumière le rôle glorieux et patriotique du futur connétable, font connaître l'homme d'État en même temps que l'homme de guerre (". Quand il revient vainqueur en Dauphiné, il reçoit les félicitations de la France tout entière, et la ville de Grenoble lui décerne le titre de père de la patrie (5),

Après la mort de Concini, le pouvoir passe aux mains d'un favori qui va être, pendant quatre ans, le maître absolu des volontés du prince. Sous ce ministère d'Albert de Luynes, Lesdiguières travaille activement à ramener la France à l'alliance savoisienne. Les efforts persévérants de sa diplomatie et les éclatants succès de son armée de Piémont sont mis en pleine lumière par les documents italiens (6),

Il avait obtenu un point important en amenant le gouvernement de Louis XIII à se mettre ouvertement du côté de la Savoie il voulut obtenir plus encore, Il voulait mettre cette confiance à l'abri d'un caprice de cour ou d'un changement de favori; pour cela, il fallait donner en mariage une princesse française au prince héréditaire du Piémont, défaire par les mariages savoyards ce qu'avaient fait les mariages espagnols. L'union de Christine de France avec le fils aîné de Charles-Emmanuel fut surtout l'œuvre de l'infatigable Dauphinois : les documents piémontais nous montrent l'opiniâtre persévérance qu'il mit à faire accomplir ce mariage qui marquait un retour définitif à la politique de Henri IV (7), Ils nous révèlent en même temps d'intéressants détails sur la façon dont

(1) Actes et correspondance, II, 36.

(2) Archivio di Stato, catégorie Monferrato,« Lettere ministri », mazzo XII. (4)«Negoziati da intavolare con principi di Francia, etc.,» Negaz, con Francia, mazzo VII, no 57,

Negoz, con Francia, mazzo VII, nos 54-56; mazzo VIII, nos 1, 2, 4, etc.: Lettere di Carlo Emanuele, mazzi XIX et XX.

(5) Archives de Grenoble, BB. 84, fol. 69.

() Negoz. con Francia, mazzo VIII, mazzo supplém.; Lettere di Carlo Emanuele, mazzo XIX; Lettere ministri, mazzo XIV.

(Negoz. con Francia, mazzo VIII no 7, «Relazione sugli intrighi che ebbero luogo nella corte di Francia durante il soggiorno in essa del principe di Pie

Charles-Emmanuel sait conserver les bonnes grâces et l'alliance du lieu. tenant général du Dauphiné, invoquant auprès de lui la raison d'Etat et l'intérêt de la France, flattant en même temps son amour-propre, ne dédaignant pas de recourir aux cadeaux et prodiguant les flatteries à cette Marie Vignon que l'on débarrasse d'un mari gênant pour qu'elle puisse épouser Lesdiguières ("). Les ambassadeurs piémontais viennent baiser les maius de la toute-puissante maîtresse que l'on ménage comme une souveraine; et la femme du petit marchand grenoblois, devenue veuve grace à l'obligeance d'un colonel piémontais, prend en main la cause du duc, parle à M. de Modène et déclare à Son Altesse « que personne au monde n'exécutera ses commandemens avec plus de passion qu'elle » (*). Le mariage du prince de Piémont, qui retentit dans toute l'Italie, raffermit les espérances de ceux qui cherchaient une occasion de secouer enfin le joug de Philippe III. C'est alors qu'un étranger, un Espagnol, se lève dans la péninsule, cherche à faire triompher la politique de CharlesEmmanuel et de Lesdiguières: c'est don Pedro Giron, duc d'Ossuna, viceroi de Sicile et de Naples. On savait jusqu'à maintenant d'une façon très vague, grâce aux récits de Videl et de Leti, que Lesdiguières et CharlesEmmanuel avaient trempé dans ce mystérieux complot qui faillit arracher l'Italie à l'Espagne. Les lettres du duc de Savoie nous renseignent exactement sur l'affaire de Naples, nous montrent l'active intervention des deux alliés dans la révolte du duc d'Ossuna et complètent heureusement les historiens contemporains (").

Pour les événements qui remplissent les six dernières années de la vie de Lesdiguières, les documents deviennent de plus en plus nombreux, de plus en plus importants. Ce sont d'abord de longues négociations au sujet de Genève et de la Suisse ("). Puis viennent d'importants pourparlers sur la conduite à tenir à l'égard de l'Espagne, la fameuse affaire de la Valteline qui provoque plusieurs fois l'attention de Lesdiguières (5); enfin la guerre de Gênes, sur laquelle l'Archivio di Stato nous fournit d'importants renseignements diplomatiques et militaires (6).

Ajoutons à ces documents ceux que renferment les autres catégories de l'Archivio di Stato sur l'affaire de Saluces(7), sur la politique de Les

monte.

Trattative di matrimonio, etc. »; Lettere ministri, mazzi XV-XVI; Lettere di Carlo Emanuele, mazzo XX.

Letlere particolari, lettres de Marie Vignon; Lettere di Carlo Emanuele, mazzi XIX et XX.

(20 juin 1618 (Lettere particolari).

Catégorie Real Casa, « Lettere di Carlo Emanuele, » mazzo XX, Lettres du 24 juillet et du 17 août 1619, etc.; Letlere ministri « Francia », mazzo XVIII (Negoz. con Francia, mazzo VIII, no 9.

(*) Ibid. « Istruzioni sulle afari della Valtellina. ›

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(Ibid., mazzo VIII, nos 8, 10, 11, 18, 19, 20, 26, 27, 30, etc.; Lettere di Carlo Emanuele, mazzo XXI.

(1) Catégorie Saluzzo.

diguières et de Charles-Emmanuel à l'égard de Genève (0), sur le voyage du cardinal de Savoie à Paris et le mariage de Christine de France (*); ajoutons-y surtout les lettres si intéressantes de Charles-Emmanuel et de Lesdiguières, les rapports des ambassadeurs savoyards sur les intrigues de la cour de France, les notes détaillées de ses agents diplomatiques si fins, si curieux, si fureteurs(3), et l'on aura une idée de la richesse incomparable de ces archives piémontaises pour tout ce qui concerne Lesdiguières et la France du xvre siècle.

RAPPORT DE M. DE BOISLISLE SUR UNE COMMUNICATION DE M. MONGELOUS, Juge de paix a Branne (Gironde).

M. Mongélous nous envoie la copie de quatre lettres adressées par le gouvernement de la régence à M. du Bernet, premier président du parlement de Bordeaux, en 1644 et 1646. Ces documents, dont la provenance n'est pas indiquée, ont un caractère purement administratif. Le premier a trait à la constitution de la Chambre de l'édit de Guyenne; le second, à la nécessité urgente de fournir des galériens pour le service des chiourmes; le troisième, à l'internement d'une fille « licencieuse et déréglée » dans la maison des Madelonnettes de Bordeaux, et le quatrième, à l'enregistrement des provisions du gouvernement de Brouage pour la reine-régente.

Je propose le dépôt de ces copies aux archives du Comité.

A. DE BOISLISLE,
Membre du Comité.

REGLEMENT DU COLLEGE SAINT-MICHEL DE PARIS (1568), CONFIRMÉ BN 1571.

Communication de M. Alfred Leroux, archiviste, correspondant du Ministère à Limoges.

Charles Jourdain a signalé ce règlement dans son Index chronologicus chartarum pertinentium ad historiam Universitatis Parisiensis (p. 391). II

(4) Catégorie Ginevra.

Catégorie Cerimoniale.

(3) Francia, «Lettere ministri », mazzi 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et suiv.

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