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efficace. Il y a quatre ans, c'est lui qui prononçait le discours de clôture de votre congrès, et quel discours, Messieurs, vous vous en souvenez! Un chef-d'œuvre de grâce et de finesse. Vous avez tous dans la mémoire ces pages émues qu'il vous a lues sur la fécondité savante de la province, sur les inspirations de la solitude, sur les facilités que donne aux travaux les plus austères le voisinage des chênaies et des ruisseaux. » Il vous peignait la jolie maison qu'il rêvait dans les faubourgs d'une grande ville, « une longue salle de travail garnie de livres, tapissée extérieurement de roses du Bengale; un jardin aux allées droites, où l'on peut se distraire un moment avec ses fleurs, de la conversation de ses livres. » Mais il s'empressait d'ajouter que la solitude n'est pas l'isolement, qu'il ne pensait pas que la culture de l'esprit dût être régionale. Tout ce qui est, disait-il, goût littéraire, charme, poésie, amusement, sensations religieuses, souvenirs d'enfance et de jeunesse, peut revêtir une forme locale; mais la science est unique comme l'esprit humain, comme la vérité. » Belles et nobles paroles que vous avez en fait, Messieurs, prises pour programme de vos travaux, et qui résument et précisent votre œuvre de progrès et de civilisation.

J'aurais voulu, Messieurs, que le Gouvernement pût reconnaitre aujourd'hui les bienfaits de cette œuvre et les mérites de ceux qui l'accomplissent par une attribution plus large de récompenses. Celles que je vous apporte sont malheureusement très limitées. Il n'a pas dépendu du Gouvernement de les étendre davantage.

Vous connaissez tous, Messieurs, M. Errington de la Croix. Ingénieur civil des mines, il a été chargé de nombreuses missions scientifiques en Algérie, en Tunisie et dans la presqu'ile de Malacca. Il a rapporté de ses séjours répétés dans cette dernière région d'importantes collections dont il a enrichi les musées de l'État. Le Musée du Trocadéro lui doit plusieurs séries fort complètes qui représentent l'ethnologie malaise; et je suis sûr que M. le Dr Hamy, qui nous a tant intéressés tout à l'heure en nous parlant du Muséum, ne me démentira pas, si je dis que cet établissement n'a pas été moins bien partagé dans les générosités de M. de la Croix. Les travaux cartographiques et géographiques de ce savant et ses nombreuses publications, ne peuvent que le rendre plus digne encore de la distinction pour laquelle l'a proposé le Comité des travaux historiques et scientifiques.

En remettant aussi, au nom de M. le Président de la République, la croix de la Légion d'honneur à M. le Dr Lemoine, je ne

doute pas, Messieurs, que je répondrai au sentiment général de cette assemblée. A ses titres de professeur et de médecin, M. le Dr Lemoine joint ceux de membre des Sociétés de géologie, de botanique et de zoologie de France. Vous connaissez les mémoires qu'il a composés sur la faune fossile des terrains tertiaires des environs de Reims. Depuis vingt ans, il est un des hôtes les plus assidus de ce congrès, où il vous a fait, à maintes reprises, des communications pleines d'intérêt.

Le Comité des travaux historiques a vivement recommandé au Gouvernement M. Léon Palustre, l'archéologue distingué qui a consacré sa vie à l'étude des monuments français et dont vous avez tous admiré le beau livre sur la Renaissance. M. Léon Palustre a l'intention de continuer cette œuvre magistrale, et tous ceux qui ont le souci de l'art ne peuvent que s'en féliciter. En dehors de ce grand travail, M. Palustre a publié nombre d'autres ouvrages d'érudition artistique et il a pris une part exceptionnellement utile à la direction du Bulletin monumental. Le Gouvernement de la République, en accueillant les propositions de votre Comité, a rendu un hommage impartial et mérité aux services éminents de M. Léon Palustre.

Je n'ai pas besoin de rappeler à MM. les représentants des Sociétés des Beaux-Arts le concours que M. Henri Jouin n'a cessé de donner à leurs travaux. Il a publié tout récemment encore sous ce titre : L'art et la province, l'historique complet du Comité. Les rapports annuels qu'il rédige à l'issue des sessions ont grandement contribué à la prospérité de la section des Beaux-Arts et les nombreux volumes qu'il a écrits sur l'art français témoignent que ce fonctionnaire, si attaché à ses devoirs professionnels, est en même temps un artiste subtil et délicat. Le Comité des sociétés des Beaux-Arts l'a présenté à l'unanimité au choix de mon honorable prédécesseur, et je suis heureux qu'il me soit donné de proclamer cette distinction si légitime.

J'aurai, d'ailleurs, plaisir à vous donner lecture, dans un instant, de la liste des autres récompenses. Je répète qu'elle est trop courte au gré du Gouvernement. Mais comment marquer ici, Messieurs, tous les mérites? Ils sont aussi variés que vos travaux. On n'est jamais sûr de ne pas commettre d'oubli. Vous pardonnerez indulgemment ces oublis à un Ministre nouveau venu. Les ministres passent; le talent reste, et la science demeure. Vous avez le talent, Messieurs, vous avez la science. C'est le lot le plus sûr et le plus enviable.

Ecoles de travail libre et éclairé, vos sociétés sont, par une suite inévitable et naturelle, des écoles de haute moralité. Les esprits nourris et les intelligences saines préparent les cœurs droits et les caractères élevés. A une époque où les intérêts matériels sont souvent trop éveillés et trop exigeants, vous donnez l'exemple salutaire du labeur opiniâtre et de l'absolu désintéressement. Et vous qui avez tant fait pour la recherche de nos vieilles traditions nationales, vous n'avez pas moins fait pour les conserver dans ce qu'elles ont de plus fier et de plus pur, et pour augmenter cet héritage intangible d'honneur et de probité, qui est la fortune de la France et de la République.

M. le Ministre a donné ensuite lecture du décret et des arrêtés ministériels conférant des distinctions dans l'ordre de la Légion d'honneur et des palmes d'Officier de l'Instruction publique et d'Officier d'Académie.

Ont été nommés Officiers d'Instruction publique :

M. Brutails (Jean-Auguste), lauréat de l'Institut, membre des sociétés archéologiques et des archives historiques de Bordeaux, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, archiviste du département de la Gironde.

M. Fage (René), membre de la société archéologique et historique du Limousin, correspondant du Ministère de l'Instruction publique.

M. Prudhomme (Marie-Antoine-Auguste), secrétaire perpétuel de l'Académie delphinale, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, archiviste du département de l'Isère.

M. l'abbé Morel, membre de la société historique de Compiègne, correspondant du Ministère de l'Instruction publique.

ANNEXE

AUX PROCÈS-VERBAUX DU CONGRÈS DE LA SORBONNE

DESASTRES CAUSÉS PAR LA GUERRE DE CENT ANS AU PAYS DE VERDUN-SURGARONNE A LA FIN DU XIVe SIÈCLE.

Communication de M. l'abbé Galabert.

La judicature de Verdun, vaste circonscription administrative, créée sous saint Louis, était limitrophe des possessions anglaises avant comme après le traité de Brétigny; elle dut à sa situation géographique à l'extrémité du Languedoc, dont elle devait être détachée plus tard, de grandement souffrir pendant la guerre de Cent ans ; les incursions des bandes anglaises y portèrent la désolation, et firent de la plupart des villes et villages de cette contrée fort riche, sinon un désert, du moins une ruine fumante.

Nous n'avons pu recueillir d'assez nombreux documents sur toute la judicature; c'est pourquoi nous avons restreint notre travail au pays de Verdun et aux cantons limitrophes, et encore pour la seconde moitié du XIVe siècle seulement.

Dès que les soldats anglais avides de pillage, dépassant le territoire de la Guyenne, envahirent le territoire du Languedoc, les bourgeois comprirent la nécessité de fortifier leurs villes, et en demandèrent la permission au roi. A Castel-Sarrasin, dès 1337, on avait clos d'un mur la porte de Garonne et enduit la tour de l'avenue de Moissac (").

Verdun avait obtenu, en 1342, la faveur de relever son enceinte détruite en vertu d'un article du traité de Paris (2), Grenade avait obtenu cette permission l'année d'auparavant (3). En 1345, Saint-Nicolas-de-la

(1) Histoire de Languedoc, t. X, Preuves, no 308.

(*) A. Jougla, Monographie de l'abbaye de Mas-Grenier, p. 92. Malheureusement, cet auteur, dont les assertions sont sujettes à caution, ne donne pas de références, quand il dit que le Prince Noir donna l'assaut à la ville et en brûla les principaux édifices au retour de la brillante expédition de 1354. (3) Histoire de Languedoc, t. IX, p. 630, note. - Grenade obtint cette permis

Grave était une forteresse (1). Les villages, suivant l'impulsion donnée par les villes, sollicitèrent des seigneurs la permission de construire des forts, fortalices ou réduits en proportion avec leurs besoins. Faudoas était remparé en 1352 lorsque Jean de l'Isle chargea Béraud de Faudoas, seigneur du lieu, de défendre cette place (2). Dès avant 1359, Sérignac avait une enceinte fortifiée; le périmètre en était même tellement étendu que les habitants ne pouvaient le remplir; aussi le 4 février ils obtinrent du prieur, G. d'Aigrefeuil, la permission de fermer une porte au midi par où l'ennemi aurait pu facilement s'introduire, faute d'habitants (3).

Le village de Saint-Porquier était muré en 1359 quand, de concert avec les bourgeois d'Escatalens, et les moines gardiens du château abbatial, Jean Ayméric, chef des Routiers de Cordes, pilla les maisons bâties en dehors des fossés de la place (4). Aucamville s'imposa en 1360 une contribution de 35 florins d'or pour relever ses murailles (5). Les habitants du Burgaud avaient à leur frais.remparé leur ville; aussi, le 9 novembre 1360, le commandeur du lieu les exempta de tout acopte à sa mort, à la mort du prieur de Toulouse et à la mort du grand-maître (5).

Au lieu de mettre un terme aux incursions de la soldatesque, le traité de Brétigny y donna un nouvel élan; les bandes licenciées et sans solde formèrent les Grandes compagnies. Celles-ci, composées d'aventuriers français, anglais et même gascons, de cadets et de bâtards qui portaient haut l'écu paternel chargé d'une brisure, vivant de pillage et de rapines, fondaient au cri de « Guyane et Saint-Jorge », sur le laboureur, lui enlevaient son bétail, détroussaient les marchands, puis, repassant la frontière, allaient mettre leur butin en sûreté à Moissac ou à Puymirol, ou dans tout autre repaire. Aussi les populations des campagnes ne pensaient qu'à se mettre à l'abri, elles et leurs bestiaux, derrière des remparts.

D'accord avec l'abbé de Moissac, leur seigneur, les habitants d'Escatalens résolurent, en 1366, de construire un fort au milieu de la bastide ou auprès du château abbatial; ils s'engagèrent à fournir dix hommes la nuit et quatre le jour pour la garde du château ("). Cordes-Tolosanes

sion de Guillaume de Flavacourt, archevêque d'Auch, avec le droit d'exproprier les censitaires du roi et de l'abbé de Grandselve dont les tenures se trouveraient sur le tracé des fortifications projetées.

(1) Histoire de Languedoc, t. IX, p. 573. Les commissaires du roi vendirent aux moines de Moissac, afin de se procurer des ressources pour la guerre, cette forteresse qui avait appartenu aux comtes de l'Isle-Jourdain.

(*) Idem, t. IX, p. 637.

(3) Archives de Tarn-et-Garonne, fonds de Moissac, G. 705, établi par M. Dumas de Rauly, archiviste.

(4) Idem, G. 700.

(5) Archives communales d'Aucamville. Comptes consulaires.

(4) Archives communales du Burgaud. Pièce en parchemin. (7) Archives de Tarn-et-Garonne, fonds de Moissac, G. 700.

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