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et même de nos plus chétives bourgades. Il faut qu'à l'avenir nos annales ne soient plus ce qu'elles ont trop long-temps été, un enchaînement de récits, où les acteurs secondaires n'étaient même pas nommés, où les peuples n'apparaissaient point, où les lois qui les régissaient étaient condamnées à l'oubli. Dom Vaissete, beaucoup plus judicieux que la plupart des écrivains de son époque, est entré dans cette voie historique, presque inconnue avant lui, et nous sommes fier de l'avoir suivi, et d'avoir même agrandi le cadre qu'il avait tracé.

Qu'il nous soit permis de dire ici un mot sur la pensée qui a présidé à la rédaction des Notes de ce volume. Persuadé de la vérité des dogmes catholiques, nous avons cru devoir montrer tout notre éloignement pour les erreurs des sectaires Albigeois ; nous avons blamé le comte de Toulouse de n'avoir pas proscrit ces erreurs, par des mesures efficaces, par des ordres absolus, et d'avoir, au contraire, en observant une tolérance fatale, fourni un invincible prétexte aux ambitieux qui voulaient envahir les riches provinces du midi de la France. Mais, nous nous sommes élevé aussi contre les fanatiques, qui, sans pitié, ont porté la désolation, le ravage et la mort dans ces contrées, sous le fallacieux prétexte d'y poursuivre les fauteurs de l'hérésie : nous avons rappelé tous les crimes de ces hommes qui, infidèles au mandat qu'ils avaient reçu, et méconnaissant les ordres du Saint Siége, parurent ignorer que le Père commun des fidèles ne voulait ni l'exhérédation de la noble dynastie de Toulouse, ni la mort de ceux qui s'étaient involontairement engagés dans les sentiers de l'erreur. La conduite du pape Innocent III fut, en effet, digne d'admiration en ces grandes circonstances, et elle contraste de la manière la plus éclatante avec les actes des légats, et surtout avec la conduite de Foulques, cet ancien troubadour, appelé sur le siége de Toulouse, pour le malheur de cette ville. Ainsi, notre pensée a été toute religieuse. Le respect le plus profond pour le pape Innocent III, de sainte mémoire, s'est uni dans notre ame à la haine des sectaires et à l'indignation excitée par la mauvaise foi, par la cruauté de quelques prétendus religieux qui ont couvert le Languedoc de sang et de ruines; hommes atroces, que le pieux Dom Vaissete avait d'ailleurs voués,

depuis long-temps, à l'exécration de tous les siècles. Mais, s'il a été pénible de retracer tant de crimes, nous avons éprouvé une satisfaction bien vive en justifiant l'un des missionnaires envoyés, non pour égorger, mais pour convertir les Albigeois. S. Dominique, fondateur de l'ordre des Frères Prêcheurs, a été, en effet, audacieusement outragé par les écrivains des XVII et XVIII° siècles. Ils l'ont peint au milieu des bourreaux et des victimes, faisant dresser des bûchers et des échafauds, et ils ont avancé qu'il fut le fondateur de l'Inquisition. Nous avons donné, il y a dix-sept ans, la preuve que S. Dominique n'avait combattu les opinions des sectaires que par la prédication ; nous avons démontré, avant tout autre, peut-être, que sa vie entière avait été une suite d'œuvres évangéliques, et que, mort huit ans avant l'institution du Saint Office, ou de l'Inquisition, il ne pouvait avoir fondé ce tribunal redoutable. C'est avec bonheur que nous avons donné, dans nos Annotations, une nouvelle publicité à ces faits authentiques. Ils infirment, pour toujours, les assertions de plusieurs écrivains trop célèbres, et ils prouvent que l'église n'a pas erré alors qu'elle a placé au rang des saints cet homme vénérable, si étrangement calomnié, si étrangement méconnu.

1 Séance publique de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, tenue le 25 août 1825, page 65.

SOMMAIRES DES NOTES.

I. Sur l'expedition que Richard duc d'Aquitaine entreprit en 1188. contre Raymond V. comte de Toulouse. page 399 II. Sur les femmes et les enfans de Raymond VI. dit le Vieux, comte de Toulouse. 401 III. Sur l'épitaphe de Pons de Toulouse qui est dans la cathedrale de Nismes. 404

IV. Sur Hugues II. comte de Rodez et ses descendans.

405

XI. Sur le siege de Toulouse par Louis fils du roi Phi-
lippe Auguste.
page 429
XII. Sur S. Pierre Nolasque fondateur de l'ordre de la
Merci.
429

XIII. Epoque de la prise de Castelnau-d'Arri par Ray-
mond le jeune comte de Toulouse sur Amauri de Mont-
fort, du siege de cette place par le dernier, et de la
mort de Gui comte de Bigorre son frere.
XIV. Epoque de la soustraction de Beziers à la domina-
434

V. Sur l'origine du nom d'Albigeois, donné aux héreti-tion de la maison de Montfort.
ques de la province au XII. et au XIII. siecles. 408
VI. Sur l'époque et les circonstances de la naissance de
Jacques I. roi d'Aragon, seigneur de Montpellier. 412
VII. Epoque de la mission de S. Dominique dans la pro-
vince pour la conversion des héretiques.
415
VIII. Sur quelques conciles tenus durant la guerre des
Albigeois.
418
IX. Sur quelques circonstances de la bataille de Muret.
421

X. Si Beaudouin frere de Raymond V. comte de Tou-
louse, laissa postérité, et si les branches de la maison
de Lautrec qui subsistent encore, descendent de lui.

432

434

XV. Sur l'époque de la mort de Raymond-Roger, de
Roger-Bernard II. et de Roger IV. comtes de Foix,
sur leurs femmes, leurs enfans, etc.
XVI. Epoque et circonstances du siege et de la prise
d'Avignon par Louis VIII. roi de France.
XVII. Sur l'époque de la mort de Gui de Montfort frere
de Simon, et celle de quelques autres évenemens arri-
vez depuis l'an 1226. jusqu'en 1229.

437

438

441

XVIII. Sur la pairie des comtes de Toulouse.
XIX. Sur l'union des comté et vicomté de Fenouilledes
à la couronne,
et sur les comtes et les vicomtes de ce
447

païs.

425

GÉNÉRALE

DE LANGUEDOC.

LIVRE VINGTIÈME.

1.

Le roi d'Aragon échange le comté de Provence, et les vicomtés de Milhaud et de Gevaudan, avec Sanche son frere pour le comté de Roussillon. Il rompt la paix avec le comte de Toulouse.

Le roi d'Aragon, aprés la conclusion de sa paix avec le comte de Toulouse, fit quelque séjour aux environs du Rhône. Etant au mois de Mars suivant au château d'Albaron dans l'isle de Camargue, il fit une donation à l'abbaye de Franquevaux dans le diocèse de Nismes, « pour la dédommager >>> des pertes qu'il lui avoit causées, lorsqu'il >> avoit assiegé le château de Fourques. » Ce prince tint 2 le même mois à Aix une assemblée des principaux du païs. Il donna alors une charte en faveur de la cathédrale de

mond-Berenger son frere, le comté de Provence, et les vicomtez de Milhaud et de Gevaudan à Sanche son autre frere, pour les posseder sous son autorité comme une espece d'appanage, les retira des mains de ce prince au mois de Mars de l'an 1185. après qu'il eut fait sa paix avec le comte de Toulouse. En effet Sanche se qualifioit encore comte de Pro

vence au mois d'Août de l'an 1184. Un moderne 1 prouve fort bien que ce roi en rctirant la Provence des mains de Sanche, lui donna en échange les comtés de Roussillon et de Cerdagne : ainsi l'ancien 2 auteur des gestes des comtes de Barcelone se trompe, lorsqu'il assûre «< que Sanche n'eut aucune >>> part dans les domaines du roi Alfonse son >>> frere, et que ce dernier ne voulut jamais >> lui en rien donner *. » Au reste, le roi

cette ville, dans laquelle il se qualifie par la d'Aragon fit cet échange avec Sanche son grace de Dieu roi d'Aragon, comte de Barce-frere, dans la vue de disposer, comme il le

lone et prince de Provence, et qu'il datte ainsi : « donné à Aix, lorsque nous avons >> repris la Provence des mains de Sanche >> notre frere, en présence du comte de >> Foix, que nous avons établi alors baile (ou >> gouverneur) de Provence, de Bertrand de

» Baux, de Guillaume de Sabran, etc. ››

On voit par-là que le roi d'Aragon, qui avoit donné en 1181. après la mort de Ray

1 Preuves.

2 Bouche. tom. 2. p. 170. et seq.

TOME V.

fit en effet, du comté de Provence, et des vicomtez de Milhaud et de Gevaudan en faveur d'Alfonse son fils puîné. On voit encore par la donation que le roi d'Aragon fit en 1185. en faveur de l'église d'Aix, que ce prince après avoir repris le comté de Pro

1 Bouche ibid. p. 170. 2 Marc. Hisp. p. 331.

* I'. Additions et Notes du Livre xx, no 1.

1

vence, en confia le gouvernement à RogerBernard comte de Foix son cousin, qui s'étoit sans doute ligué avec lui contre le comte de Toulouse.

La paix entre ces deux princes ne fut pas de longue durée. En effet, le roi d'Aragon étant allé au mois d'Avril suivant à Najac en Rouergue, où Richard dục d'Aquitaine, ennemi du comte de Toulouse, lui avoit donné rendez-vous, ils formerent ensemble une nouvelle ligue 1. Par le traité Richard ceda à Alfonse « les domaines que Roger vicomte >>> de Beziers et Trencavel son frere avoient » tenus de lui en fief, et s'engagea 1o. de faire ›› restituer à ce prince le château d'Hariza, >>> que le roi de Castille lui détenoit, avec >> quelques autres châteaux qui étoient au >> pouvoir du roi de Navarre. 2°. En cas qu'il » n'exécutat pas fidellement cette promesse, >> de se remettre en ôtage dans une place » d'Alfonse, quarante jours après que ce >> dernier l'auroit sommé de l'exécution. » Nous comprenons par-là que le vicomte Roger II. s'étoit soumis à la suzeraineté du duc d'Aquitaine pour la vicomté de Carcassonne, et qu'il l'avoit reconnu pour seigneur dominant dans le comté de Toulouse.

II.

Le vicomte Roger adopte Alfonse infant d'Aragon. Droits de l'évèque et du vicomte sur la ville de Beziers.

Le roi d'Aragon après ce traité en conclut un autre avec le mème Roger, qui s'exprime ainsi dans l'acte. « Moi seigneur 2 Roger, >> vicomte de Beziers, de Carcassone, de Ra>> sez et d'Albi, confesse et reconnois de >>> bonne foi, que vous mon seigneur Alfonse, >> par la grace de Dieu roi des Aragonois, >>> comte de Barcelone, marquis de Provence, >> m'avez défendu et protegé contre tous >> mes ennemis. Je reconnois véritablement >> que j'aurais été dépouillé de tous mes do>> maines, si vous ne m'aviez secouru avec » vos vassaux. Vous m'avez comblé de biens, >> aussi-bien que mes sujets, dans tous nos >>> besoins ; vous avez toûjours fait la guerre

1 Zurit. annal. 1. 2. c. 40.

2 Preuves.

» pour moi, et vous avez regardé mes que>>>relles comme les vôtres. Enfin, je vous >> suis entierement redevable de la conser>>>vation de mon patrimoine : c'est pourquoi » je donne à vôtre fils Alfonse, ou à son de>> faut à tout autre de vos fils, que j'adopte » pour mon fils, toutes mes terres, citez, » villes, bourgs, châteaux, villages, hom>>mes, femmes, évêchez, abbayes, prieu>> rez; et en un mot tous mes biens quels » qu'ils soient, avec tout ce qui doit me re» venir de la succession de mes proches; à >> condition que ce fils héritera de tout ce » que vous avez en Provence et à Milhaud, >> de tout le comté de ce nom, et de tout ce >>> que vous possedez dans les païs de Gevau>> dan et de Rouergue. » Le roi d'Aragon de son côté donna par le même acte à son fils Alfonse toute la terre de Provence et Milhaud, avec ce qu'il possedoit dans le comté de ce nom, et dans le Gevaudan et le Rouergue, ou à un autre de ses fils au défaut d'Alfonse. Berenger archevêque de Tarragone, et plusieurs seigneurs séculiers furent présens à ce traité, qui fut passé à Beziers.

Geofroy élu évêque, et les abbez de cette ville, Guillaume de Montpellier, plusieurs autres barons du païs, et tout le peuple se rendirent ensuite dans la cathédrale de S. Nazaire, pour fixer les droits qui appartenoient à l'évêque et au vicomte, tant sur la ville de Beziers que sur les faux bourgs, et sçavoir au juste en quoi consistoit le domaine de Roger sur cette ville, et ce que le roi d'Aragon pourroit prétendre en vertu de cette donation. L'enquête fut dressée, du consentement de l'évêque, de son chapitre, de Roger et de sa cour, sur le témoignage de trois principaux bourgeois. On convint que le vicomte n'avoit aucun droit de tolte, de queste, et d'albergue, sur les habitans vassaux de l'église et sur les siens ; qu'il n'avoit aucune justice sur ceux-là, excepté les cas d'homicide et d'adultere; et que l'évêque et le vicomte avoient chacun droit de chevauchée sur leurs vassaux, mais pour les faire servir seulement dans l'étendue du diocése. On verifia quelques autres articles

1 Catel mem. p. 644.

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