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doint (« donne », 3e pers. du subjonctif) répond en anc. w. don, dan (dõ, dã) dans des souhaits de forme stéréotypée (1). De même, *ombion, diminutif de ombe « ombre », a passé par *ambion pour devenir le liég, moderne abion « ombre d'une personne, d'un objet » (G., I 4), sous l'influence probable de abe « arbre ». Le lieu dit Cronmouse (2) est devenu Cramoûse à Jupille. Comparez encore le liég. måquer« manquer »> et les formes ȧwèye, wågnî que le Dict. liégeois de Hubert donne pour anwèye « anguille », wangnî « gagner ». - Dès lors, rien d'étonnant que de vieux Liégeois prononcent, comme je l'ai entendu d'îrè, a må quéque (ou d'ine) astådje, au lieu de a mons.

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D'autre part, le latin minus triginta diebus (Cic., de Divin., I 68) signifiant « dans moins de trente jours, avant trente jours » (telle chose arrivera), il paraît légitime de voir une syntaxe analogue dans le liég. må (ou a må) trinte djoûs : c'est à cause du contexte que « moins » a pris le sens de « avant ». Les plus anciens exemples de cette construction se rencontrent dans des pasquilles du XVIIe siècle (3) où, deux fois, nous lisons aman qui « avant que »; on remarquera cette forme archaïque man, qui répond à l'anc. fr. mans « moins » (voy. un exemple dans God.) et qui confirme ce que nous avons dit plus haut à propos de mỡ <ma. Dans le parler moderne, j'ai entendu mâ à Huy : mâ pô d' tins, mâ qu' çoula n' seûye fêt ; må, amȧ à Liège : (a)må pô d' djoûs ou d' tins « avant peu de jours, de temps » (4), vos-årez d' mès novèles; dj'ènn'a co po 'ne hapêye (a)må d'èsse riwèri; (a)må dè djouwer, i jåt ovrer ; (a)må qu' vos 'nn'alése, dji sèrè rim'nou ; il èsteût la (a)må qui dỷ n'î fouhe.

J'estime donc, contrairement à Grandgagnage, que må (moins) est une forme variée de mons et que a må (avant) ne diffère pas étymolog.quement de a må (à moins).

(1) Voici les quatre exemples que je connais: Dief don bon iour (1690 : Ann. Soc. Wall., 19, p. 110); Dief dan bonne nutte et bonne santé (1631; l'éditeur du Choix, p. 79, a corrigé en donn'!); Dief dan bonjour (1672: Hennen, Pamphlets, I,v.1); Dif dan bone nutte et bone santé (1700 : BSW 6, 11, p. 18).

(2) Coude formé par la Meuse à Liège ; du néerl. krom, adj., courbe. Altéré en Coronmoûse sous l'influence de coron (bout) et francisé en « Coronmeuse ». (3) Vos-îrîz tot-avâ l' Holonde,

Aman qu' vos vièrîz fé ainsi. (Pièce inédite, ms.).

A man qu' l-avint stu èlèvés,

Il a falou bin dès broûlés (1672: G. Hennen, Pamphlets, I, v. 103-4). Comparez encore manrai dans la Geste de Liege, v. 600, qui répond au liég. mod. monrè « mènerai ».

(4) On trouve même dans H. Simon, Pan dè bon Diu, p. 114: ossu, so må pô d' tins, li tére ni sèrè pus...

w. amaule (St-Hubert)

Pour M. Marchot, amaule « importun, ennuyeux », qui se dit à St-Hubert en parlant surtout d'un enfant, représente le latin amabilem (aimable), employé par antiphrase (1). Le suffixe équivaut évidemment au fr. -able; mais, si l'on dit également amâle à Fosset-Amberloup, on prononce hamâle à Laroche, hamaule à Rossignol, et l'aspirée initiale suffit à indiquer une origine germanique. Dès lors, il faut sans doute s'adresser à l'adjectif allemand hem qui, au xve siècle, signifiait «< appliqué à nuire, rebelle, insoumis », et à l'all. hämisch « malin, malicieux », au xve siècle hamisch « sournois, artificieux » (2).

A l'Est du Brabant wallon, on relève amauve (St-Géry, ChastreVilleroux, Ste-Marie-Geest) « rapace, avide du bien d'autrui ». Il convient d'y voir le même mot, dont le sens a évolué différemment.

nam. am’bô, an’bô; liég. hèn và

Grandgagnage a les articles suivants :

I, 20: ambau, nam.(hangar). ¦ II, 1x: Ce mot paraît être l'all. anbau,holl. aanbouw (construction ajoutée à une autre, bâtiment accessoire).

II, XXXI et 535: hènevâ (soupente: petite pièce pratiquée dans une cuisine, etc.) SIMONON.

Je n'hésite pas à rapprocher ces deux mots : il ne peut donc être question, à mes yeux, de l'all. anbau.

Dans le Bull. du Dict., 1914, p. 49, M. H. Gaillard note une forme namuroise albô « grosse pièce de bois dans le gerbier d'une grange ». A Denée (Namur), à St-Géry et à Chastre-Villeroux (Brabant), am❜bô désigne une espèce de grenier situé au-dessus de l'aire de la grange : on y entasse les gerbes quand les mafes (gerbiers à côté de l'aire) sont remplis jusqu'au toit. Non loin de là, à Fosses-lez-Namur (3), à Meux et à Thorembais-St-Trond, on prononce an' bô. Enfin, plus à l'Est. dans la région qui a gardé l'aspirée germanique (4), nous relevons hèn' bả (Hannut, Ambresin) « espèce d'étage formé, au-dessus de l'aire de la grange, au moyen de longues perches, pour y mettre le foin et les gerbes », ainsi que hèn' bô (Huy, Neuville-sous-Huy), avec le sens plus

(1) Phonologie d'un patois wallon (1892), pp. 33, 57, 121.

(2) Voyez Wiegand HäмISCH.

(3) BSW, t. 52, p. 110.

(*) Cette aspirée tombe régulièrement en namurois.

général et dépréciatif de « bâtiment vieux et délabré » (1) ; à Gives (BenAhin) on vî ham'bår qui n'tint på « un vieux bâtiment qui ne tient plus». Ces formes aspirées rattachent clairement an' bô (et ses altérations am' bô, al' bô) au flamand hanebalk « traverse destinée notamment à supporter les ais d'un plancher, par exemple dans une grange : de hanebalken in een schuur » (2). Du hesb. hèn' bå au liég. hèn’vå (auj. inusité),

le passage ne fait pas difficulté : la permutation de b et de v dans nos dialectes n'est nullement isolée; elle s'explique de plus, en l'espèce, par l'influence probable de cava (trappe, plancher mobile, fenil).

wall. am'djoû (Charleroi), rouchi èm'djou (Mons)

Le w. am'djoû « jour ouvrable, jour de la semaine » est bien connu dans l'Ouest de la Belgique romane (Charleroi, Viesville, Nivelles, Genappe). On dit am'jou à Maubeuge, èm'djou à Mons (3). Pour expliquer la première syllabe èm'djou, Sigart, p. 209, avec sa fantaisie coutumière, invoque tour à tour, et sans conclure d'ailleurs, l'all. heim, le breton pem, l'all. amt, le grec hebdomada ! On est surpris de voir que Meyer-Lübke, Rom. Etym. Wort., no 4090, adopte sans réserve cette dernière conjecture. Notre explication sera autrement simple : ame, ème sont des altérations de ome (= homme). Dans son Glossaire des poésies de Froissart, Scheler a relevé deux fois l'expression « ne homme jour ne dimance », c'est-à-dire ni jour ouvrable ni dimanche (4) ; il voit dans homme jour : jour de l'homme, une « simple analogie avec domini dies jour du Seigneur ». C'est exact; mais il vaut la peine d'ajouter que Froissart — né à Valenciennes en 1338 — n'a point créé cette expression, comme paraît le croire Scheler; il la tenait du parler populaire, où elle a survécu jusqu'à nos jours.

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[BD 1920, p. 3. Un exemple plus ancien de homme jour se lit dans les poésies de Gilles li Muisis (né à Tournai en 1272), éd. Kervyn, t. II, p. 28, 1. 21. Voyez l'Etude lexicologique de Scheler sur ces poésies.]

(1) Exemple: dji n' mi sâreû plêre è ç' mohone là, c'èst co pîre qu'on hèn❜bô ou c'è-st-on tro grand hèn' bô (Henri Gaillard). Dans le BSW 53, p. 268, le même auteur a employé ce mot, par métaphore, en parlant d'une vieille charrette qui n'est plus qu'un hèn bô désfoncé : un assemblage de planches défoncé, disloqué. Pour l'emploi péjoratif, comp. nos art. håbiêr, bèrôdî.

(2) De Bo: HANEBALK et SCHEERBALK (Voy. ci-après l'art. skèrbalik); comp. l'all. hahnenbalken. Pour la sémantique, comp. ci-après l'art. bèrôdi et le chestrolais travure (fenil; lat. trabatura).— On sait que le germ. balk a donné le fr. et le rouchi bau « poutre » ; on le retrouve dans le w. inte-bå; voy. ci-après l'art. bå. (3) Les graphies améjour (Hécart), hemme djou (Sigart) sont inexactes. (*) Homme jour manque dans Godefroy.

w. amèder

G., I 20, signale le mot en liégeois-namurois avec cette explication: fr. amender? ou fr. émonder? » Pour M. Marchot, amèdè (St-Hubert) est altéré du liég. ham'ler, all. hammeln (1): erreur évidente, puisque amèder et ham'ler coexistent en liégeois. Il est certain que amèder répond au fr. amender (Meyer-Lübke, no 2860), qui a pris chez nous (2) le sens technique de « châtrer (un animal) ». Amèder est la forme archaïque et purement wallonne (3), conservée dans une acception spéciale. Le doublet aminder, qui a le sens général de « améliorer », est postérieur et refait sur le fr. amender. Au surplus, le composé raminder (liég.) « amender », conserve la forme ancienne dans ramèder (nam.), -è (Ciney) « réparer grossièrement ».

Certes, il peut paraître étrange que la castration soit considérée comme un «< amendement »; mais, au point de vue de l'éleveur qui engraisse le bétail, cette opération améliore l'animal. Des patois français (Normandie, Anjou) donnent de même à affranchir le sens de « châtrer ».

Godefroy cite deux exemples de Valenciennes : « amendeur de bestes, de pourchiaux » (en 1414 et 1449), sans voir qu'il faut traduire par «< châtreur », w. amèdeû.

[BD 1914, p. 30.]

fr. anacoste, r. anscote, W. hanscote

Le Dict. gén., vo anacoste « espèce de serge », nous apprend qu'on disait au XVIIIe siècle anascot, ascot, arscot et qu'il faut y voir « des altérations de la ville d'Arschot ou Aerschoot, en Brabant »> (4). C'est aussi l'étymologie que donne Ulrix et que propose même le plus récent dictionnaire étymologique de la langue française, celui de von Wartburg (1922), vo Aarschot, lequel ajoute que du français dérive le catalan anascot.

(1) Phonol. d'un patois w. (1892), pp. 1-2. (1905), § 9 b, commet la même erreur.

Niederländer, Mundart von Namur

(2) Amèder Liège (G., Forir; auj. désuet), Jeneffe (Hesbaye), Ben-Ahin, Meux, Namur, Jodoigne, Cembloux, Chastre-Villeroux, etc.; amèdè en Famenne, SaintHubert, Ciney, Dinant, Givet, etc.; amader Oisy (archaïque); am'der Houdeng, Viesville, Nivelles, Mons, etc. Se dit surtout du porc et de la truie

(2) Pour è protonique, voy. l'art. gårmèter.

(4) On renvoie à l'art. ascot (lire : escot) « sorte de serge ; cité pour la première fois dans un texte de Toulouse : « serges d'escot » (en 1568).

Une note que j'ai insérée dans le n° d'octobre 1921 de Romania (t. XLVII, p. 547) exprime une opinion différente. En voici le résumé : << Sans prétendre examiner par le menu les formes françaises du XVIIIe siècle et leur authenticité, je crois utile de signaler un terme qui mérite d'entrer dans le débat et qui ne s'accommode guère de la dérivation proposée : c'est le w. hanscote (espèce d'étoffe anciennement bure; aujourd'hui, tissu de coton duveté). G., I 272, ne donne pas d'étymologie (1). Bormans, Glossaire des drapiers (BSW 9, p. 266) cite des textes de 1589, 1637, 1659, etc., où le mot est écrit hanskotte. Enfin Hécart note le rouchi anscote (étoffe grossière en laine). La forme liégeoise est assurément la plus pure: elle atteste que le primitif doit avoir à l'initiale une aspirée germanique, laquelle disparaît normalement en français et en rouchi. Dès lors, je crois qu'il faut remonter au flamand Hondschoote, nom d'une petite ville du département du Nord, située sur la frontière non loin de Dunkerque. Cette ville fut très florissante au XVIe siècle et comptait des filatures renommées. »

Des recherches nouvelles me permettent de reprendre aujourd'hui le problème, avec la conviction que l'histoire confirme pleinement les suggestions de la phonétique.

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Pour les formes anciennes que cite le Dictionnaire général, je dois à l'obligeante érudition de M. Antoine Thomas l'indication des sources suivantes : « Serge d'Escosse demy-estroite... serge de seigneur et d'Ascot, L'Isle, Cipre, Angleterre et autres païs estrangers >> (tarif de 1667, cité par Littré, vo escot, qui propose dubitativement d'interpréter par « écossais »); Serges d'Amiens façon d'Arscot... Serges appellees d'Ypres et d'Arscot... » règlement de 1669, articles XII et XIII; cité par Savary des Bruslons (2); le Tarif de la Douane de Lyon (sans date, cité par Savary, II, 1533) mentionne « les sarges d'Ascot Françoises » ; — Savary, I 97, dit en 1723 que cette serge se fabrique notamment à Bruges et à Ascot dans les Pays-Bas Espagnols. Le Dictionnaire de Trévoux (1771) le copie, mais imprime Arscot.

Telle est la source de l'opinion qui voit dans le fr. anacoste le nom d'Aerschot, petite ville au N.-E. de Louvain. Elle implique que cette localité aurait eu, dans les derniers siècles, une industrie textile des

(1) Plus loin (II, 606), G. prétend que Lobet a une forme anascote, sans faire attention que Lobet, p. 236, vo Lanskott, ne donne ce mot que comme traduction française. Martin Lejeune, Voc. de l'apprêteur en draps du pays de Verviers (BSW 40, p. 431) insère bravement anascote, d'après Lobet, comme étant un terme verviétois ! En revanche, il n'a pas d'article hanscote !

(2) Dictionnaire du Commerce (1723), II, 1525-6.

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