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connaitre le chiffre des recettes encaissées à NewYork, par la famille Félix; c'est à Figaro qu'il appȧrtient de raconter l'Odyssée dont mademoiselle Rachel a été l'Ulysse en Amérique.-M. Léon Beauvallet, l'Hippolyte de la muse de la tragédie dans la chasse aux millions sur le sol du Nouveau-Monde, a bien voulu se charger, sur notre demande, de faire, en sept ou huit articles, un récit succinct, mais complet, de cette aventureuse pérégrination. »

Il est bien entendu que ce n'est pas ce récit pur et simple que nous allons vous offrir aujourd'hui.-Cela ne serait que d'un attrait médiocre, et les feuillets de ce livre courraient grand risque de rester incoupés.

Non! non! cette deuxième édition de notre promenade en Amérique, a été,-nous n'aurons pas l'outrecuidance de dire «revue et corrigée»; mais, à coup sûr, démesurément augmentée.-Ah! nous vous avions jadis menacés de ces nombreuses additions, daignez vous en souvenir, et nous les pardonner en faveur de l'intention.

Avant de clore cette préface, remarquez, je vous prie, ô vous qui lisez les préfaces (ce qui est une méchante habitude, croyez-le), remarquez que nous ne nous sommes servi nullement à votre endroit de l'expression consacrée de «chers lecteurs », et cela par un motif bien naturel; c'est que nous ne connaissons rien de plus faux et de plus illogique que cette expression.

<< Chers lecteurs », comme si l'on n'était lu que par des amis intimes!..

Nous en savons plus d'un parmi vous, au contraire, qui ne manquera pas, c'est trop certain, d'accabler ce pauvre livre et son pauvre auteur des épithètes les moins charitables, ce sera triste; mais comme nous n'y pouvons rien, nous en prendrons notre parti...

Nous proscrirons donc impitoyablement de ce volume. les deux mots en question et nous saisirons au vol cette occasion pour ne point nous servir davantage de ceux de belles lectrices», expression aussi absurde que l'autre.

Si nos lectrices sont belles, elles n'ont certes pas besoin de nous pour se le faire dire; si elles ne le sont pas, nous aurions l'air tout bonnement de leur jeter au visage une flatterie ou une insolence.-Deux choses également inutiles, que nous haïssons comme la peste, et que nous fuirons de toute la vitesse de notre plume.

Ceci posé, nous commençons.

RACHEL

ET LE NOUVEAU MONDE.

PREMIÈRE PARTIB.

AVANT LE DÉPART.

CHAPITRE I.

Qui peut servir de deuxième préface, si l'on veut.

Il n'eut peut-être pas été totalement hors de saison d'entamer ce petit volume par une biographie quelconque de mademoiselle Rachel et par une relation plus ou moins succincte de ses précédentes pérégrinations dramatiques en France, en Angleterre, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, et dans l'empire des czars.

Mais tout cela eût été une histoire à n'en plus finir, et notre pauvre petit diable de volume fut devenu tout bonnement un immense in-folio !

Dangereuse transformation! qui n'eut pas manqué de faire dire à tout le monde la fameuse phrase de Perrin Dandin :

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Ah! passons au déluge! » C'est ce que nous fimes! Et, laissant de côté les jeunes ans de notre grande tragédienne, tout accidentés qu'ils fussent, ne donnant même pas un souvenir à ses nombreuses excursions dans la vieille Europe, nous en revînmes naturellement et forcément à nos moutons du Figaro, c'est-à-dire à l'odyssée de la muse tragique dans la jeune Amérique!

Evénement prodigieux, impossible, dont tous les journaux de la terre se font un devoir d'entretenir leurs lecteurs depuis trois cent soixante cinq longs jours, c'est à-dire depuis une année entière !.. Et le dernier mot n'est pas dit!

Rachel en Amérique!..

Cette nouvelle stupéfia d'abord; irrita ensuite!

On ne pouvait admettre une semblable fantaisie !.. On lui pardonnait à peu près toutes ses anciennes escapades, y compris celle de Saint-Pétersbourg et de Moscou; mais un voyage dans l'autre monde ! Ah! pour le coup, cela passait la plaisanterie, et le public se mit à murmurer tout de bon ! S'il n'avait fait que murmurer, encore!.. mais il ne se contenta pas de cela!

Il était jaloux comme plusieurs tigres, ce brave public, et il voulait, à tout prix, se venger de cette ingrate Rachel qu'il aimait tant et qui le trahissait encore! Et pour qui, grand Dieu? Pour des sauvages!

Et voyez un peu la chance de ce Public-Othello!.. A peine a-t-il parlé, que cette vengeance qu'il demande à cor et à cris, vient s'offrir à lui d'elle-même, sous les traits d'une belle italienne, une inconnue, qui joue la tragédie par hasard, qui, par bonheur, a du talent, et qui tombe des nues un beau matin, sans qu'on s'y attende, comme le Deus ex machind des pièces antiques.

CHAPITRE II.

Où il est naturellement question de la Ristori.

La Ristori! à compter de cet instant, c'est à elle, à elle seule que la foule enthousiaste apporte ces bouquets et ces acclamations, que l'imprudente Rachel ose dédaigner! La Ristori! elle devient « la grande aventure du Paris de l'exposition!» comme dit Auguste Villemot, dans l'une de ses charmantes causeries du Figaro.

La Ristori! « Qu'est-ce done? >> ajoute plus loin le spirituel chroniqueur. (Pardon, mon cher Villemot; je vous pille comme dans un bois!) « Qu'est-ce donc ? un talent, un génie ou un hasard? Faut-il accepter son succès en valeur intrinsèque, ou faut-il en déduire le malin plaisir qu'on semble avoir à s'en servir comme d'une machine de guerre pour battre en ruine la réputation de mademoiselle Rachel. Celle-ci, avec ses sorties dédaigneuses et ses rentrées triomphantes, trouve enfin à qui parler. La critique hostile a maintenant une base d'opération, et l'œuvre de démolition, menée à la sape souterraine, va d'un train d'enfer. La synagogue est fort émue, et le grand rabbin a

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