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4° Suspension des appointements à compter du 26 décembre;

2o Trois pesos (15 francs) seulement par jour, jusqu'au 20 janvier 1856, pour les frais de séjour.

3o Remboursement intégral des appointements, si mademoiselle Rachel reprend le cours de ses représentations.

Ce qui fait que tout le monde fait des voeux pour que les susdites représentations reprennent le cours en question le plus vite possible.

Personne, cependant, ne le souhaite plus que Raphaël.

En effet, si l'on ne joue pas, il va falloir payer un dédit énorme à M. Marty, le directeur du théâtre Tacon. On parle déjà de procès. Et dame, c'est sérieux ici!.. et cher ! avec cela que ce M. Marty n'est pas excessivement commode, à ce qu'on dit! Quoique cependant, en affaires de commerce, on n'ait jamais eu le plus petit reproche à lui adresser.

Une chose vraiment étrange! c'est que c'est justement dans une maison appartenant à ce même M. Marty, qui va faire un procès à son frère, que mademoiselle Rachel va de

meurer.

Car elle suit à la lettre l'ordonnance du médecin, et, le lendemain même, elle quitte l'hôtel Legrand pour n'y plus revenir !

A compter de ce moment, elle devient à peu près invisible. A part les visites de ses trop nombreux docteurs, elle en reçoit peu d'autres. Elle reste cloîtrée dans l'élégante propriété du directeur du théâtre Tacon, où ses sœurs mêmes ne font que de courtes apparitions Un soir, je puis enfin la voir et causer avec elle. Elle me dit aller mieux. En effet, elle ne me semble vraiment pas malade. Ses traits ne sont nullement changés, et si, de temps à autre, elle ne

toussait légèrement, on se demanderait à propos de quoi elle se condamne si opiniâtrément à cette réclusion volontaire.

Enfin, ce soir, elle me parle de ses représentations futures, et semble parfaitement décidée à jouer le 10 janvier, comme on en a déjà parlé.

Je m'empresse de porter cette bonne nouvelle à Raphaël, qui ne l'accueille pas avec l'enthousiasme que j'attendais, et qui secoue la tête d'un air qui semble dire : Quand elle jouera à la Havane, il fera encore bien plus chaud que çà! Ce mouvement de tête directorial fut un trait de lumière pour moi, et, à compter de ce soir-là, je me mis à faire mes malles.

CHAPITRE VII.

La Noche Buena.

L'on a beau dire, c'est une triste et lugubre chose que de faire ses préparatifs de voyage!

Surtout quand c'est pour quitter la Havane !...

La Havane! ce rayon de soleil en permanence, ce perpétuel concert, cette fête éternelle!

Ainsi, tenez, ce soir encore, la ville entière possède un air de jubilation parfaite, une de ces physionomies qui font plaisir à voir et qu'on ne peut rencontrer qu'ici !...

Dans les rues, sous les palmiers du Paseo, voici venir d'innombrables troupes de ménestrels, blancs ou noirs ( au choix), ornés tous de la guitare traditionnelle, vous savez, la vraie guitare espagnole (il y en a encore!).

Et que chantent-ils ces joyeux troubadours?

Les merveilles de la Noche Buena, de la bonne nuit... de la nuit de Noël, enfin !

Du reste, nuit de Noël, bonne nuit, ou Noche Buena, quel que soit le nom dont on la nomme, cette fête n'en est

pas moins l'une des plus grandes, des plus gaies et surtout l'une des plus bruyantes de tout le calendrier havanais.

Les cloches s'en donnent à cœur joie. Quel charivari! quel vacarme! On dirait que cette cité en goguette est devenue le rendez-vous général de tous les chaudronniers et rétameurs de casserolles des cinq parties du Monde!

Ceci n'est pas une plaisanterie, au moins; ces pauvres cloches havanaises jouissent d'un organe impossible!

Il est vrai de dire qu'ici l'on ne les sonne pas. Un ordre supérieur, m'a-t-on dit, s'y oppose. On a uniquement le droit de frapper dessus avec un marteau ou un bâton, ad libitum. Ce qui produit un certain son légèrement faux et tant soit peu criard, qui a le don de vous irriter le sytème nerveux de la bonne manière. On dirait qu'on vous coupe du bouchon aux oreilles, ou qu'on vous fourre une plume dans le nez !...

Mais, il est minuit; ce que nous avons de mieux à faire, c'est d'aller visiter les nombreuses églises de la capitale. Toutes sont splendidement illuminées.

Des milliers de femmes, noires, blanches, jaunes, chocolat, café au lait, de toutes les nuances enfin, la plupart, étincelantes de parures, à moitié noyées sous des flots de dentelles, la tête nue, bien entendu (le chapeau est inconnu ici), sont agenouillées pêle-mêle, sans distinction de rang, de race, de couleur, sur la dalle même de l'église. (Généralement, ces dames ont soin d'apporter des petits tapis.)

On nous avait grandement parlé de la piété des Espagnoles. Nous avouons naïvement qu'elle ne nous a pas paru aussi austère qu'on avait bien voulu nous le dire. Mais il y a tant de jeunes et fringants cavaliers qui roucoulent autour d'elles !... Et puis, c'est bientôt l'heure du réveillon !...

Ah! ah! le réveillon! En voilà une scène qui se joue ici sans aucune espèce de coupures!

Aujourd'hui, personne ne se couche avant six heures du matin!..

Et tout ce monde-là mange, boit, rit, chante, danse, crie, hurle et se démène que le diable en prendrait les armes!... Ah! je sais maintenant pourquoi, à la Havane, cette nuitlà s'appelle la Bonne Nuit!... Quelle vie de polichinelle!

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