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comme étranger, je devais, avant d'agir, fournir une caution de cinquante mille francs. Il m'a diffamé à Paris auprès de nos amis communs pour justifier sa conduite, et il pense que je reculerai devant le scandale, les frais et les longueurs d'un procès pour obtenir justice Il se trompe, et, de façon ou d'autre, je ne reculerai devant rien pour avoir satisfaction des procédés dont il a usé envers moi. D'ailleurs, pour gagner tout de suite ma cause devant le public, avant que les tribunaux aient prononcé, je fais ici à M. Raphaël Félix une proposition que je le mets au défi d'accepter.

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Je lui propose de désigner lui-même deux arbitres, parmi les hommes de lettres ou les artistes le plus honorablement connus à Paris, et de nous en rapporter à leur jugement sur nos griefs communs. J'accepte à l'avance, pour nous juger, ceux qu'il aura lui-même choisis, persuadé qu'il ne peut pas se trouver deux hommes de sens et d'honneur qui, sur le vu des pièces, et après avoir entendu nos explications, ne déclarent que M. Raphaël Félix s'est conduit d'une façon odieuse à mon égard, et qu'il me doit l'indemnité spécifiée dans notre traité.

<< En donnant place dans le prochain numéro à cette épître écrite à la hâte, au débotté du Nouveau-Monde, tu obligeras ton vieux camarade,

« Gustave NAQuet. »

Il va sans dire que j'écrivis de suite à ce même Naquet pour savoir ce qui était résulté de cette épitre un peu chaude. Voici sa réponse : elle est dans les mêmes eaux.

« Mon cher Beauvallet,

"Tu me demandes où en est mon affaire contre les Fé

lix. Naturellement M. Raphaël n'a pas répondu à la proposition loyale que je lui avais faite. Il entre peut-être dans les calculs de ce Monsieur, qui se dit ruiné, de passer pour hors d'état d'acheter le style et l'orthographe de quelqu'un, ces deux arts d'agrément n'ayant pas fait partie de la brillante éducation de M. Raphaël. Le procès suivra donc son cours et le public connaîtra bientôt cette famille Martial de l'art dramatique, dont l'Ile des Ravageurs s'appelle la tragédie. Ce sera le complément naturel de ton petit livro, dans lequel tu ne me parais pas avoir rendu justice au public américain qui, appelé à venir payer et applaudir l'ombre de la Rachel d'autrefois, est venu malgré les procédés ontrecuidans de son homme-de-paille, entrepreneur-direc

teur.

Je te serre la main.

« Gustave NAQUET. »

CHAPITRE VI.

Qui se trouve être le dernier de tous.

Comme on peut facilement s'en apercevoir dans les quelques lignes que l'on vient de lire, Naquet n'est décidément pas de bonne humeur contre mademoiselle Rachel et sa famille. Sur sa demande, nous avons cru néanmoins devoir publier cette lettre. Nous pouvions d'autant moins nous en priver qu'il nous accuse dans sa réponse d'avoir quelque peu trompé nos lecteurs, quant à la réception faite à mademoiselle Rachel par les Américains. Nous n'avons qu'une chose à répondre à cela : les chiffres sont là,-il y en a même une assez jolie collection,-on n'a qu'à les regarder! Certes, nous n'avons pour les Américains du nord qu'une admiration très-restreinte; mais on a pu voir, dans tout ce volume, que nous saisissions au vol la moindre occasion d'en dire du bien. Nous avons rendu à la presse du Nouveau-Monde pleine et entière justice,―on le sait ;-et c'est la masse seule que nous avons attaquée. Quant à tous ces détails d'assassinats, d'incendie, etc., etc! nous n'avons dit que ce qui est, et pas un mot de plus. Pardieu, on n'a qu'à lire les journaux américains, et l'on verra! Seulement, là-bas, on

raconte cela comme une chose toute naturelle, et ici nous prenons la peine de le souligner. Voilà tout! Il est bien entendu, du reste, que nous avons entre les mains ces mêmes journaux dont nous parlons et qu'ils feront foi au besoin.

Maintenant, pour finir d'une façon complétement américaine, je vais vous offrir l'un des plus jolis canards qu'on ait pondus depuis bien longtemps. C'est Méry qui en est le père, à ce que nous apprend le Figaro.

Le public est depuis longtemps victime d'une double mystification. Madame Ristori n'est pas plus allée en Italie que mademoiselle Rachel en Amérique : elles ont toutes deux passé ces derniers neuf mois, en excellentes camarades, dans une charmante villa sise à Pantin, où elles ont dépensé leur temps à s'apprendre réciproquement leur langue respective. Seulement le succès n'a pas été aussi grand que leurs efforts et a produit un singulier résultat. Mademoiselle Rachel a oublié le français et madame Ristori ne sait plus l'italien. >>

Puisque je fais ce dernier emprunt à Figaro, je profiterai de l'occasion pour le remercier d'abord de la charmante hospitalité qu'il m'a octroyée jadis, et pour le féliciter ensuite de tous les bonheurs qui lui tombent sur le dos! C'est bien fait pour lui!

15 avril, — (jour du terme !)

FIN.

PRICE

CANTON

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