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quefois pris pour un espace quel qu'il soit, ayant un rapport facile à saisir avec un autre espace; 2° il se prend encore pour la manière dont une phrase se termine. Entrons dans le développement de ces deux acceptions du mot nombre, dont chacune présentera une règle importante de prononciation.

I.

Du nombre considéré comme espace.

Cicéron nous a donné du nombre considéré comme espace, une idée qui en détermine la nature avec la plus grande précision. « Il n'est point, nous dit-il, de nombre sans espace terminé. Le nombre, dans le discours, est une étendue coupée en portions, tantôt égales, souvent inégales, et marquées dans la prononciation par des pulsations plus ou moins sensibles. On en voit l'exemple dans la goutte d'eau qui tombe du toît, d'espace en espace; tandis que l'exemple du contraire existe dans le murmure d'un ruisseau qui coule continuellement et sans interruption (1) ».

Le nombre considéré sous ce rapport a, sans contredit, sa première origine dans le besoin de respirer; mais indépendamment de ce motif, il en compte d'autres. Toutes les facultés qui concourent à former le discours, concourent de même à former les nom

(1) Numerus in continuatione nullus est. Distinctio et æqualium et sæpè variorum intervallorum percussio numerum conficit. Quem in cadentibus guttis quod intervallis distinguntur, notare possumus amni præcipitante non possumus.

bres. L'esprit ne fait éclore ses idées et ses jugemens que les uns après les autres : c'est une marche où les pas se succèdent distinctement. D'un autre côté, la coupe des objets y porte encore un nouveau principe de division; car après tout, les objets sont dans un discours, comme ils sont dans un tableau, comme ils sont dans toute la nature; c'est-à-dire, qu'il n'en est pas un qui n'ait son trait qui le sépare des autres objets, même de ceux qui le touchent. Enfin l'oreille a en elle-même une sorte de mesure ou de portée naturelle qu'elle ne dépasse qu'avec peine. Ainsi, dans le discours, il y a quatre sortes de repos, celui de la respiration et celui des objets, celui de l'esprit et celui de l'oreille.

Des repos de la respiration et des objets.

Les repos de la respiration et des objets sont déterminés dans le discours par la coupe des périodes, et par la ponctuation. Nous allons d'abord donner une idée des périodes, nous passerons ensuite à la ponctuation qui distingue leurs diverses parties, et indique la nature des repos qu'elles exigent.

Des Périodes.

La période est un petit discours composé de parties tellement liées les unes aux autres, que le sens demeure toujours suspendu jusqu'à la fin. Les parties qui composent la période sont de deux sortes, le membre et la section.

Le membre est une proposition qui renferme en elle-même un certain sens, mais un sens imparfait et

dépendant des autres parties de la période, comme dans cet exemple:

« Si, manquer aux devoirs de l'amitié est un tort dont il est difficile de trouver grâce auprès des êtres sensibles...... » Voilà un membre complet, et qui renferme un sens bien marqué; et cependant l'esprit ni l'oreille ne sont point encore satisfaits: on ne voit pas même sur quoi porte cette proposition, ni où elle doit aboutir; pour la déterminer et former un sens parfait, il faut nécessairement ajouter le membre qui suit:

<< Combien sont coupables à leurs yeux ces hommes faux qui la trahissent, et la font servir aux plus odieux projets! >>

La section est une partie du discours qui renferme aussi en elle-même un certain sens, et qui, par cette raison, ferait un membre, si elle était seule, mais qui, étant associée à diverses autres parties qui aboutissent immédiatement au même point, concourt unanimement avec elles à former ce qu'on appelle le membre. En voici un exemple tiré des poésies de mademoiselle Deshoulières :

Vous de qui les prudens conseils

Veulent soulager ma tristesse;

Vous, hélas! dont les maux aux miens furent pareils;
Vous qui savez d'un cœur jusqu'où va la tendresse,
Et qui vîtes ravir à la clarté du jour,

Une aimable et jeune maîtresse.

Une de ces quatre sections suffirait seule pour faire un membre, comme on le voit évidemment; cepen

dant toutes les quatre n'en forment qu'un, parce qu'elles aboutissent toutes ensemble au même point, qui est le membre suivant :

Sage Célimedon, regardez ma faiblesse

En homme qui connaît le pouvoir de l'amour.

11

Il y a des périodes de deux, de trois et de quatre membres. Voici des exemples de chacune en particulier.

Période à deux membres.

Fléchier, Oraison funèbre de Turenne :

« Ce héros était aussi admirable, lorsqu'avec jugement et avec fierté il sauvait le reste des troupes battues à Mariendal, que lorsqu'avec des troupes triomphantes, il battait lui-même les Impériaux et les Bavarois. >»

Période à trois membres.

Bossuet, Oraison funèbre du grand Condé :

« Trois fois le jeune vainqueur s'efforça de rompre ces intrépides combattans; trois fois il fut repoussé par le valeureux comte de Fontaines, qui, porté de rang en rang dans sa chaise, faisait voir, malgré ses infirmités, qu'une âme guerrière est maîtresse du corps qu'elle anime. >>

Période à quatre membres.

Extrait du monologue de Polyeucte dans la prison :

Monde! n'espère pas qu'après toi je soupire.
Tu m'étales en vain tes charmes impuissans;

Tu me montres en vain par tout ce vaste empire,
Les ennemis de Dieu, pompeux et florissans :

Il étale à son tour des revers équitables,

Par qui les grands sont confondus;
Et les glaives qu'il tient pendus
Sur les plus fortunés coupables,

Sont d'autant plus inévitables,

Que leurs coups sont moins attendus.

De la ponctuation et des repos gradués qu'elle détermine dans le discours.

« La ponctuation, dit l'abbé Girard, tom. II, disc. XVI, page 455, soulage et conduit le lecteur; elle lui indique les endroits où il convient de se reposer pour prendre sa respiration, et combien de temps il doit y mettre; elle contribue à l'honneur de l'intelligence, en dirigeant la lecture de manière que le stupide paraisse, comme l'homme d'esprit, comprendre ce qu'il lit; elle tient en règle l'attention de ceux qui écoutent, et leur fixe les bornes du sens; elle remédie aux obscurités qui viennent du style ».

Les repos de la voix dans le discours, dit ailleurs Diderot, et les signes de la ponctuation dans l'écriture, se correspondent toujours; ils indiquent également la liaison ou la disjonction des idées ».

D'après ces principes, il est évident que la ponctuation a été réglée sur les besoins de la respiration, combinés avec les sens partiels qui constituent les proportions totales. Voilà pourquoi nous avons associé aux repos de la respiration les repos des objets. Si l'on n'avait eu égard, en effet, en fixant les signes de la

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