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UN des plus grands faits, le fait le plus fécond, peut-être, de l'histoire des XIII et XIVe siècles, c'est le magnifique, l'immense développement que reçoit durant ces deux siècles, au sein de l'Europe occidentale, le principe d'association. Ce principe, déjà ancien, mais rajeuni et comme transfiguré par la Croisade, soumet alors toutes les populations à son irrésistible ascendant, devient l'âme et la force de toute société. Il se déploie dans le monde politique par le progrès des communes et l'accroissement des principaux états, dans le monde

T. III.

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industriel par l'organisation des jurandes et la multiplication des ligues commerciales, dans le monde religieux par l'apparition de nouveaux instituts monastiques, dans le monde savant, enfin, par l'établissement des Universités. Montpellier est, sous ces divers rapports, une des villes qui ont le plus ressenti son action. Nous l'avons constaté çà et là dans les deux premiers volumes de ce travail. Il nous reste, pour donner une idée complète de l'action dont il s'agit, à en retracer l'exercice dans nos vieilles Écoles. Il y a beaucoup à dire sur notre Commune à ce point de vue; car, par une coïncidence, ou plutôt par une solidarité des plus heureuses, l'âge d'or de ses libertés municipales a été en même temps celui de ses associations savantes. La période la plus originale de sa vie scientifique fait partie de son histoire sous les rois d'Aragon, de Majorque et de Navarre.

Ce fut vers la fin du XIIIe siècle seulement, et en 1289, que l'ensemble des Écoles de Montpellier fut érigé en Université par le pape Nicolas IV. Mais ces Écoles existaient alors depuis long-temps. Elles avaient même déjà leurs statuts particuliers. Nicolas IV n'en a pas été le fondateur, comme on l'a prétendu; il n'a fait qu'y substituer un régime général à un régime individuel', et y régulariser, dans l'intérêt des évêques de Maguelone,

1 C'est à peu près le mot employé par Nicolas IV dans sa bulle d'érection, lorsqu'il qualifie de Studium generale l'ensemble de nos études ou de nos écoles. Voy. nos Pièces justificatives.

dont l'autorité éprouvait quelque contradiction, un système d'études antérieurement en vigueur. Il a élargi pour elles, si l'on veut, le cercle de l'association; mais il n'a pas créé l'association elle-même; elle était debout dès le XIIe siècle. La théologie ne figure point dans la bulle destinée par Nicolas IV à régler en ce sens le système qui régissait avant lui nos Écoles. La théologie n'était encore enseignée chez nous que dans les couvents, et il faut aller jusqu'à l'année 1421 pour voir le pape Martin V l'adjoindre à notre Université. Il n'y est point non plus question des sciences proprement dites. Elles n'avaient pas alors, comme aujourd'hui, d'enseignement à part, et il est même très-douteux que l'arithmétique, qui leur sert de base, eût été encore à cette époque professée d'une manière spéciale dans notre ville'. Montpellier ne renfermait, à la fin du XIIIe siècle, que trois Facultés, trois Écoles publiques, une pour le droit, une pour la médecine et une autre pour les arts ou les lettres, et ce furent celles-là que Nicolas IV réunit en Université en 1289. Mais, nous le répétons, il ne les créa pas; il ne fit que les soumettre à un principe général et uniforme. Avant d'exister collectivement, les trois Facultés dont nous parlons existaient individuelle

«Si quis vellet legere arithmeticam, quæ nullo forsitan ibi >> tempore lecta fuit..», écrivait en 1268 Clément IV à Jayme I°r. Voy. Martène et Durand, Thes. nov. anecdot., II, 603; Cf. Astruc, Mém. pour l'hist. de la Fac. de méd. de Montp., p. 42 sq.

ment. Elles avaient même chacune en particulier le titre d'Université', preuve de l'antériorité d'un esprit de corps déjà fixe et profondément enraciné dans chacune d'elles. De là, pour l'historien, l'obligation de les considérer l'une après l'autre et d'étudier successivement leur marche respective.

Des trois Écoles ou Facultés comprises par Nicolas IV dans l'organisation de l'Université de Montpellier, deux surtout ont brillé, au moyen-âge, d'un vif éclat, celles de droit et de médecine. Notre ville, pour ces deux enseignements, peut sans hésitation revendiquer l'honneur de la priorité; car elle a précédé la plupart des autres cités dans cette double carrière, et une fois en chemin elle y a dépassé ses rivales. L'enseignement du droit et de la médecine a pris dans nos murs de telles proportions, qu'il semblerait presque y avoir étouffé celui des lettres. La Faculté des arts ne paraît pas y avoir balancé, du moins, la splendeur de ses illustres voisines. Disciplinée, en 1242, par l'évêque de Maguelone Jean de Montlaur, elle donne dans l'histoire d'assez rares signes de vie. Aucune originalité dans sa constitution, rien de caractéristique dans sa manière d'être : tout au plus s'aperçoit-on par intervalles de son existence. Il n'en est pas ainsi de nos Facultés de droit et de mé

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* Deux d'entre elles le gardèrent postérieurement à Nicolas IV, celle de médecine et celle de droit. L'ancienne Université des arts perdit seule son titre, eu égard sans doute à sa moindre importance.

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