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LITTÉRATURE.

POÉSIES LYRIQUES D'HORACE,

Traduction nouvelle, accompagnée d'études analytiques, et du texte collationné sur les meilleures éditions critiques et sur un manuscrit de l'onzième siècle non encore consulté.

PAR M. STIÉVENART,

Docteur ès-lettres, membre titulaire de la Société.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

TROIS parties distinctes composent l'ouvrage que je soumets au public: le texte de chaque morceau, sa traduction, son analyse. Qu'il me soit permis d'indiquer sommairement pour toutes trois la marche que j'ai suivie, et les sources où j'ai puisé.

I.

Jusque dans ses détails les plus minutieux, le texte est le résultat d'une révision scrupuleuse, faite sur les éditions critiques les plus estimées. Il a pour base le beau travail de M. Vanderbourg sur les manuscrits de la bibliothèque du Roi. Il semble désormais im1827. N. III.

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possible que de nouvelles tentatives pour reproduire dans leur pureté première les inspirations du lyrique latin ne se rattachent pas aux recherches de ce judicieux et profond littérateur, également admirées de l'homme de goût et du savant. M. Vanderbourg a engagé d'avance la reconnaissance de tout Français, de tout étranger qui consacrera ses veilles à Horace, et, par une sorte de fatalité glorieuse, leur mérite sera toujours, en quelque chose, tributaire du sien.

Toutefois, depuis la publication de son livre, le temps a amené plusieurs découvertes précieuses. Il était difficile que, pendant quinze années, l'exemple que l'illustre éditeur français avait reçu de ses devanciers, et suivi avec tant de succès, demeurât stérile pour les philologues, et ne ranimât pas surtout l'émulation de ceux dont l'Allemagne s'honore. Ainsi, nous avons vu, il y a cinq ans, l'Horace de Baxter, déjà successivement amélioré par Gessner et par Zeune, devenir un livre de l'autorité la plus imposante dans les mains de M. Bothe, à qui nous devons la connaissance des remarques de Grævius sur une partie des odes; ainsi, M. Jaeck, en 1821, par les leçons que lui offraient six manuscrits allemands, compulsés pour la première fois, a confirmé ou détruit des hypothèses qu'il trouvait établies; ainsi, en 1823, M. Pottier a fait un choix éclairé parmi les nombreux matériaux que lui fournissaient quelques éditions savantes, et justifié ce choix par la tradition des anciens copistes, tandis qu'à la même époque un autre Français, M. Achaintre, réimprimait, en l'accompagnant d'un commentaire, le texte estimé qu'il avait déjà donné en 1806; ainsi, l'année suivante, M. Iahn répandit un

nouveau jour sur quelques passages de notre poëte; ainsi, en 1825, le recteur Sachse a mis à la portée de tous les amis des lettres latines les notes et les corrections de Bentley, en isolant d'un texte imprimé avec luxe ce travail où l'érudition s'allie à la finesse, et auquel j'ai été parfois obligé de revenir, malgré la méfiance qu'inspire plus d'une assertion hasardée. Entouré de ces nouveaux secours, dont je n'énumère qu'une partie, je leur ai toujours demandé, et j'en ai souvent obtenu la solution de plusieurs questions que M. Vanderbourg avait laissées indécises.

Un manuscrit d'Horace, qui appartient à la ville de Sélestat, et qui a échappé aux investigations du célèbre Oberlin, comme l'atteste la préface de ce savant, a été dépouillé avec le plus grand soin, mais aussi avec la plus grande réserve. J'indique, dans une notice, l'état de ce manuscrit, et les leçons les plus curieuses qu'il m'ait présentées. Je dois la communication de ce précieux document à M. Schweighæuser fils, dont la complaisance égale le savoir, et qui a bien voulu m'aider de son expérience, de ses livres et de ses conseils.

Du texte de notre poëte je n'ai retranché en totalité que deux épodes, infàmes caricatures qui ont traversé les siècles, grâce au zèle indiscret de quelques intrépides adorateurs de l'antiquité. On l'a dit avec raison, le cynisme est, dans Horace, la seule chose qu'il soit facile et défendu d'imiter. Son audace, étrangère à nos mœurs plus que jamais, n'est pas excusée, comme dans Juyénal, par l'intention avouée de forcer le vice à rougir en l'enchaînant devant sa propre image.

Je viens de déclarer, à très-peu de chose près, les seules suppressions que je me sois permises. Pourquoi ne pas l'avouer? avec les odes morales, les pièces érotiques de ce recueil sont depuis long-temps celles qui ont le plus de charmes pour tous les lecteurs. La gloire d'Auguste, les projets de Mécène ne nous. touchent guère aujourd'hui; il n'est plus, cet empire romain dont Horace a déploré les violentes convulsions, et célébré les antiques vertus : mais ce tendre sentiment qu'il a su peindre tantôt avec des touches brûlantes, tantôt sous les traits vifs et légers de la galanterie, l'amour a, comme l'amitié, dont le même poëte nous retrace et les transports et les paisibles douceurs, des accens qui trouvent toujours un écho dans notre âme. Le reste tient aux événemens d'un règne, et aux institutions humaines, qui passent : les émotions du cœur s'adressent aux hommes de tous les temps et de tous les lieux.

On ne trouvera pas ici deux odes faussement attribuées à Horace, et dont la prétendue découverte remonte à 1760 froides pastiches, d'une latinité suspecte dans un passage, et où l'on chercherait en vain le talent de ce grand poëte.

II.

J'ai eu constamment sous les yeux le commentaire de Mitscherlich, celui de tous les écrivains qui a pénétré le plus avant dans le génie lyrique d'Horace, comme Wieland, son compatriote et son maître, a le mieux connu l'auteur des épitres et des satires. Depuis que cet excellent livre a paru, plusieurs Français ont donné des versions nouvelles de notre poëte: mais

les uns, poëtes eux-mêmes, ont été souvent entraînés loin du sens plus fort et plus vrai du philologue allemand, par cela seul qu'ils n'avaient pas la liberté de la prose; tandis que les autres, dégagés des entraves du vers, semblent, il faut bien le dire, l'avoir à peine consulté. Je ne crains donc pas d'avancer que voici la première traduction pour laquelle une mine si riche d'interprétations ait été exploitée sans négligence comme sans contrainte. Une version de plus des odes d'Horace pouvait être encore, ne fût-ce qu'à raison de cet avantage, un ouvrage entièrement neuf.

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Dans un petit nombre de passages douteux, M. Mitscherlich, malgré son immense érudition, ne se prononce pas indécision savante, mais interdite au traducteur, condamné à opter lors même que les motifs de son choix ne méritent pas toute sa confiance, et à paraître persuadé tandis qu'il n'est qu'à demi convaincu. Parfois aussi des autorités encore plus récentes, l'abus de ce que les critiques appellent recherche du sens poétique, une leçon qu'il a fallu substituer aux altérations arbitraires de Cuningham, trop respectées par le professeur de Goettingue, m'ont forcé de recourir ailleurs. Alors, après de longues discussions et de laborieux rapprochemens, j'ai choisi exclusivement une note de notre Dacier, une heureuse construction de M. Féa, une dissertation solide de M. Vanderbourg, une de ces pages trop rares où Galiani devine, où Sivry n'est pas égaré par son étrange système, où Sanadon n'est pas novateur, une ponctuation lucide du chevalier Croft, un aperçu hardi de Klotz sur la partie figurée du style, une indication de Wagner, une découverte topographique de l'abbé de Chaupy,

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