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Guy, ses deux fils et quarante seigneurs se livrèrent au prince français, en stipulant la condition que si, dans un an, on ne convenait pas de la paix, ils recouvreraient la liberté.

Il n'est pas permis de taire que Philippe s'aveugla, ou feignit de s'aveugler sur ses droits. Il désavoue le traité consenti par son frère le comte de Valois; il retient prisonniers Guy, ses fils et les seigneurs flamands, prend possession de la Flandre et la réunit à la couronne.

Philippe fait, avec la reine son épouse, un voyage en Flandre, s'applique à gagner l'affection de ses nouveaux sujets, et y réussit d'abord par ses manières populaires et par l'abolition de quelques impôts.

Mais bientôt il reprend le caractère de sa politique: des citadelles sont bâties pour contenir les Flamands; les impôts sont rétablis.

Le pape, irrité de ce que la plupart des prélats et ecclésiastiques français ne s'étaient pas rendus à Rome, menaça de la

perte de leurs dignités, tous ceux qui n'obéiraient pas à la convocation.

Il prétendit que Dieu avait mis dans ses mains deux glaives, l'un spirituel et l'autre temporel; mais Philippe ne craignait ni l'un ni l'autre.

Le monarque assembla les Etats-Généraux, qui demandèrent la convocation d'un concile, et déclarèrent appel à ce concile contre Boniface, pour l'y faire déposer, à cause de ses excès et de l'invalidité de son élection.

Aussitôt le roi s'adresse aux églises, couvens et communes du royaume afin d'obtenir leur adhésion à cette démarche extraordinaire: des commissaires parcourent la France, et dans peu de temps s'élève, en faveur du trône, l'hommage de l'opinion publique.

Il faut le dire; ce fut à ce soin habile d'associer le clergé, les grands et le peuple à sa résistance contre le pape, que Philippe dut la soumission apparente des esprits et la tranquillité réelle du royaume.

L'abbé de Cîteaux expiait dans les prisons du Châtelet son refus d'adhérer à ces délibérations; il recouvra la liberté et se démit de son abbaye. (1)

Le clergé de Paris avait donné l'exemple de la soumission. Un seul prêtre, Martin Rippa, chanoine de Notre-Dame et régent de la Faculté de Théologie, avait fait des protestations contraires; bientôt il les désavoua en plein chapitre, et donna, comme les autres, son vœu d'adhésion.

A Montpellier, les Frères-Prêcheurs demandèrent du temps pour consulter leur prieur-général, qui était à Paris. On leur intima soudain, au nom du roi, un ordre de sortir, dans trois jours, de leur couvent et de la France : ils n'hésitèrent plus.

(1) J. abbate cistercensi detento et aliis.... aliquo tempore in Castelleto servatis, disait BONIFACE dans sa bulle Super Petri solio.

Joannes de Pontisara..... in conventu Parisiensi adversus Bonifacium papam solus restitit..... suæ ecclesiæ et aliarum per orbem regimen dimisit. Gallia Christiana.

Ce prieur - général des Frères - Prêcheurs écrivait de Paris à tous les couvens de son Ordre, et les invitait à ne pas refuser leur adhésion, CRAIGNANT SAGEMENT, disait-il, D'ENCOURIR L'INDIGNATION DE NOTRE SEIGNEUR-ROI (1). On peut présumer que les autres chefs d'Ordre avaient écrit de la même manière.

A toutes ces mesures le roi ajouta la défense de sortir du royaume, sous peine de mort et de confiscation des biens, et il déclara qu'il punirait, comme trahison d'état, la fraude ou même la négligence de ses officiers.

Dès les mois d'août et de septembre 1303, le roi avait obtenu des corps ecclésiastiques et des communes plus de sept cents actes d'adhésion.

Telle était, cependant, l'espèce de terreur superstitieuse qui pesait sur les es

(1) Ut et vos, aperto considerationis oculo, sic agatis ne indignationem domini nostri regis incurrere, vel ab aliquo alio possitis meritò reprehendi.

prits, que le roi crut nécessaire de promettre solennellement, ainsi que son épouse et ses fils, de ne jamais abandonner ceux qui adhéraient à la résistance que la France opposait à la cour de Rome.

Boniface, toujours plus irrité, lance enfin contre le roi une bulle d'excommunication, défend à tout ecclésiastique de célébrer les saints mystères devant lui, et mande à Rome son confesseur, auquel il reprochait d'être trop indulgent (1).

A cette démarche violente,qui outrageait également les lois de la religion et celles de l'Etat, le roi n'opposa d'abord que des

(1) On sera peut-être surpris aujourd'hui que le pape ait mandé à Rome ce confesseur; mais les souverains pontifes ont exercé long-temps une juridiction particulière, une autorité directe sur les confesseurs des rois et des reines. Voici, entre autres, la lettre que Clément V écrivait à Frédéric, roi de Sicile:

« Nous vous permettons de faire choix d'un confes<< seur apte et discret, qui, toutes les fois que la cir«< constance l'exigera, entende la confession de vos «< péchés, vous en accorde l'absolution, en vous impo

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