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INTRODUCTION.

DE PHILIPPE-LE-BEL.

PHILIPPE-LE-BEL fut roi de France à l'âge de dix-sept ans. Son éducation avait été confiée aux soins du célèbre Gilles Colonne, depuis archevêque de Bourges, primat d'Aquitaine, qui mérita dans l'école le surnom de DOCTEUR TRÈS-FONDÉ. Ce maître habile composa, pour son auguste élève, un traité de l'ÉDUCATION DU PRINCE. Il répandit dans ses ouvrages de théologie quelques maximes alors remarquables, surtout celles que JÉSUS-CHRIST N'A POINT DONNÉ DE DOMAINE TEMPOREL A SON EGLISE et que LE ROI DE France ne tient SON AUTORITÉ QUE DE DIEU (1).

On reconnut bientôt dans Philippe une volonté ferme et constante d'ajouter sans

(1) Art de vérifier les dates, t. I, p. 59o.

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cesse à sa puissance et à son autorité. C'est le premier roi de France qui ait employé la formule: PAR LA PLÉNITUDE DE LA PUISSANCE ROYALE; et il ne se borna point à faire de cette formule une vaine décoration de ses diplômes.

Dès le commencement de ce règne, il eut en France une révolution administrative. Depuis long-temps, c'était principalement le caractère de nos rois qui dirigeait le gouvernement: sous Philippe-leBel, ce fut la raison d'état.

La France était en guerre avec la Castille et l'Arragon. Des traités de paix furent conclus, et Philippe fit l'essai de sa politique, en sacrifiant la cause des Lacerda, ses alliés, quand la France n'eut plus intérêt à la soutenir.

Edouard Ier avait rendu l'hommage qu'en sa qualité de vassal de la couronne de France, il devait à Philippe ; tout semblait assurer à ce jeune monarque la paix au dedans et au dehors: des ministres, habiles et dévoués, l'aidaient à gouverner; des

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savans distingués, des auteurs estimables promettaient à son règne la gloire des succès littéraires; les classiques grecs et latins étaient connus et recherchés; l'Université de Paris avait le droit ou le soin de taxer le prix des copies des livres, et il est permis de croire que, même avant la prise de Constantinople, événement auquel on affecte d'attribuer la renaissance des lettres en Occident, la France les aurait cultivées avec distinction, si les malheurs des règnes suivans n'avaient arrêté le progrès des lumières.

Tout-à-coup une rixe entre deux matelots, l'un Anglais, l'autre Normand, occasionne des voies de fait; elles sont suivies de représailles violentes qui amènent une guerre de nation à nation.

Philippe ne vit ou fit semblant de ne voir dans les hostilités du roi d'Angleterre que la félonie d'un vassal: au lieu de déclarer la guerre à Edouard comme monarque étranger, il le cita comme feudataire rebelle; procédure qui aujourd'hui paraît peut

être bizarre, mais qui alors servait d'heureux prétexte aux projets de la politique.

A cette époque, Boniface VIII fut élevé à la papauté. La cour de Rome était loin d'avoir renoncé au système de suprématie que les croisades avaient tant favorisé, en réunissant les rois, les princes et les grands de la chrétienté, sous l'autorité du pontife suprême et sous la bannière de la croix.

Philippe avait accueilli à sa cour les ennemis personnels de Boniface, qui, portant jusqu'à l'extravagance les prétentions ultramontaines, devait inévitablement se heurter contre la fermeté d'un monarque jaloux des droits et de l'indépendance de sa couronne. Des débats s'élevèrent entre eux, et le pape publia cette fameuse bulle qui défendait au clergé de payer aucun subside aux puissances laïques, sans une expresse permission de la cour de Rome.

Il y avait plus de présomption que d'adresse dans la conduite du pontife romain. Défendre au clergé de contribuer aux subsides exigés par les besoins des Etats,

c'était évidemment déplaire à tous les rois, et surtout aux grands et aux peuples, puisque l'exemption n'était accordée qu'à leur préjudice.

Philippe profita habilement de cette faute, pour mêler à ses propres intérêts l'intérêt des grands et du peuple, et faire de şa cause la cause de tous les autres princes. La cour de Rome retirait de la France des sommes considérables: le roi défendit l'exportation de l'or, de l'argent, des marchandises. Par ce moyen indirect, il priva le pape d'une partie de ses revenus. Cependant les cours de France et de Rome parurent se rapprocher.

Le pape avait interposé son autorité pour rétablir la paix entre la France et l'Angleterre. Philippe, qui devait à l'esprit de son siècle de ne pas refuser cette haute médiation, trouva un moyen heureux : ce fut de remettre la décision de, l'affaire non au pape, mais à l'homme privé, Benoît Gaëtan, qui accepta la fonction d'arbitre en cette seule qualité.

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