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La sentence de Benoît Gaëtan proposa les mariages de la sœur et de la fille de Philippe avec le roi d'Angleterre et son fils aîné, fixa les dots, et ordonna que les deux rois se restitueraient réciproquement ce qu'ils avaient pris l'un sur l'autre, depuis la guerre.

Philippe avait seul gagné dans cette guerre; il possédait les terres conquises sur Edouard: ainsi, sous cette feinte modération, Boniface prononçait, contre Philippe, la sentence la plus sévère. Philippe n'acquiesca point.

Bientôt il fut en rupture ouverte avec la cour de Rome. Boniface déclara que les rois lui devaient être soumis, même dans le temporel.

Le roi, offensé, mit dans sa réponse un ton de hauteur et de mépris qui n'était convenable ni à la justice de sa cause, à la dignité de son rang (1).

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(1) La réponse du roi fut conçue en ces termes : « PHILIPPE, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DES

Il défendit plus noblement l'indépendance de la couronne contre les usurpations de la tiare, lorsqu'il réfuta les prétentions de Boniface, en lui opposant le fait incontestable que « les rois exerçaient << leur pouvoir en France, et y donnaient << des lois, avant qu'il y eût un clergé (t). » Le souverain pontife, persistant dans ses menaces et dans ses entreprises, le roi déploya une habileté et une hardiesse inconnues jusqu'alors, dans les cours de la chrétienté.

Au milieu d'une illustre et nombreuse

« FRANÇAIS, A BONIFACE, PRÉTENDU SOUVERAIN

« PONTIFE; PEU OU POINT DE SALUT.

« QUE VOTRE SUPRÊME DÉMENCE SACHE QUE, « DANS LE TEMPOREL, NOUS NE SOMMES SOUMIS A << PERSONNE. >>

Philippus, Dei graciâ, Francorum rex, Bonifacio, se gerenti pro summo pontifice, salutem modicam, seu nullam.

Sciat maxima tua fatuitas, in temporalibus, alicui nos non subesse.

(1) Antequam essent Clerici, rex Franciæ habebat custodiam regni et poterat statuta facere.

assemblée, il fit brûler une bulle du pape ; cet acte d'autorité fut annoncé dans Paris

à son de trompe, et peu de temps après, en présence de tous les grands du royaume, il prononça l'exhérédation du trône contre ses propres fils, s'ils reconnaissaient jamais que la couronne de France relève d'homme vivant et d'autre que de Dieu.

Le pape se montra fort scandalisé de l'affront fait à sa bulle. « Quoi! s'écria«<t-il, mes bulles ont été brûlées en pré<< sence du roi lui-même et des grands, « ce que n'ont jamais fait hérétiques, « païens ou tyrans! »

Il convoqua à Rome les prélats et les ecclésiastiques de France, pour aviser à la conservation des libertés de l'Eglise, à la correction des excès du roi, à la réforma. tion de son administration et au bon vernement de son royaume (1).

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(1) Conservationem ecclesiasticæ libertatis, et reformationem regni et regis, correctionem præteritorum excessuum, et bonum regimen regni.

De son côté, Philippe prit ses mesures. Bientôt Paris reçut dans ses murs une assemblée de la nation, où, pour la première fois, parurent les députés des com

munes.

Il ne fut pas difficile d'obtenir des Français, réunis devant le roi, une adhésion à sa juste résistance contre le pape.

Doutera-t-on de la nécessité des mesures que le roi avait prises, quand on saura que, malgré la décision des Etats malgré les ordres du roi et la surveillance de ses officiers, trente-cinq évêques, quatre archevêques et six abbés se rendirent à la convocation du pape?

Le roi ordonna sur-le-champ la saisie de leur temporel. Cette démarche hardie est d'autant plus remarquable, que Philippe était alors dans tous les embarras de la guerre.

Bailleul, roi d'Ecosse, allié de Philippe, avait pris les armes contre l'Angleterre. Guy, comte de Flandre, allié d'Edouard, s'était à son tour déclaré contre la France.

Philippe, accablant aussitôt son vassal rebelle, eut l'art de se créer un parti parmi les Flamands: il affecta de flatter les communes; il annonça qu'il protégerait leurs priviléges contre le comte, et ne dédaigna pas la ressource d'une excommunication, qu'il fit fulminer par l'archevêque de Reims et l'évêque de Senlis ; la Flandre fut mise en interdit.

Ainsi, tandis qu'il bravait avec succès les entreprises de la cour de Rome, il empruntait les foudres de la religion contre ceux qui résistaient aux projets de sa politique.

Ce trait caractérise Philippe et son siècle (1).

Le comte de Valois, qui commandait l'armée du roi, fut vainqueur en Flandre;

(1) Autre trait également caractéristique: Philippele-Bel sollicita et obtint de Clément V une bulle par laquelle il fut absous d'avoir enlevé les biens de l'Eglise, sous le prétexte des besoins de l'Etat; la même bulle dispensa le monarque de rendre ce qu'il avait pris aux Juifs (1305).

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