Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tions privées de la Vie civile, que de pouvoir émouvoir les Coeurs, & les renedre fenfibles aux Raifons par lefquelles con veut les engager.

Tous les Grands - Hommes ne doivent la Moitié de leur Gloire, qu'à l'Avantage qu'ils ont retiré du Talent qu'ils avoient d'entrainer les Efprits. JulesCéfar dut autant à fon Eloquence, qu'à fes Armes. Si Cicéron fauva la République, & la garentit des Suites funeftes de la Conjuration de Catilina, & s'il rendit ce grand Service à fa Patrie, ce fut autant comme Orateur, que comme Conful. Il n'y a donc que des Ignorans, qui appuient leurs Préjugés, & leur Pareffe, de quelques Difcours généraux, qui puiffent méprifer l'Art, qui nous aprend à parler, & par lequel nous nous perfectionnons dans le Talent de perfuader.

JE fçai bien, que quelques Perfonnes ont cru que l'Eloquence étoit plus pernicieuse à la Société, qu'elle ne lui étoit utile; & qu'ils ont regardé la Rhétorique comme un Art dangereux, capable d'entrainer dans l'Erreur les Efprits foibles, qu'on féduifoit par les Charmes d'un Difcours d'un Difcours

[ocr errors]

enchanteur,

Ceux

Ceux qui mafquent & fardent les Femme dit Montagne en parlant des Rhétor ciens, font moins de Mal; car, c'est cho de peu de Perte de ne les voir pas en lev Naturel: là où ceux-ci font état de tromper non pas nos Yeux, mais notre Jugement, & d'abatardir & corompre l'Effence des Cho fes. Les Républiques, qui fe font mainte nues en un Etat réglé & bien policé, com me la Cretenfe, & la Lacedemoniene, n'on pas fait grand Compte de l'Orateur

JE conviens, qu'on ne cultivoit poin à Sparte la Rhétorique avec autant de Soin qu'à Athenes. Mais, je ne vois point que cette derniere Ville ait été inférieure en rien aux autres Républiques de la Grece. Elle a toujours été celle, qui a montré le plus d'Amour pour la Gloire & pour la Liberté. Elle fut la derniere à fe foumettre au Joug des Macédoniens: & cette même Eloquence, que l'on condamnoit à Sparte, fut le plus terrible Ennemi que Philippe y trouva. Démofthene lui fit plus de Peine, que toute la Grece enfemble: & l'Afie couta moins de Fatigues à conquérir à fon Fils

*Effais de Michel de Montagne, Livr. I, Chap. XV. pag. 607.

Fils Alexandre, que les Obftacles de ce fameux Orateur ne lui donnerent d'Embarras & d'Inquiétudes.

Il y auroit de la Folie, fi l'on condamnoit une Science, parce que certaines Perfonnes vicieufes & mal-intentionées peuvent en abufer. Il faudroit généralement renoncer à toutes les Connoiffances qui fervent à orner l'Esprit & à régler le Cœur. La Philofophie peut conduire dans des Principes peu favorables à la Société. La Théologie a fouvent jetté des Docteurs dans des Erreurs contraires à la Religion. L'Hif toire même a fervi quelque-fois de Prétexte à autorifer de mauvaises Actions. Il faudroit donc abbandonner toutes les Sciences: &, femblables à quelques Nations fauvages, n'avoir que la Figure qui nous diftinguât des Animaux.

CEUX, qui veulent condamner l'Etude de la Rhétorique comme pernicicufe à la Société, doivent foutenir néceffairement l'Abfurdité de condamner généralement toutes les Sciences. L'Ecriture même ne doit point trouver grace à leurs Yeux: car, quel Abus n'en peut-on pas faire? Pour être vertueux faudra-t'il étre réduit au feul Inftinct?

[ocr errors][merged small]

Un Sentiment auffi étrange ne mér pas que je m'arrête plus long-tems à réfuter: & l'on doit être, ou bien ign rant, ou bien vifionaire, pour ôfer foutenir.

UN Homme fenfé connoit la Néce fité des Sciences, qui honorent en que que façon l'Humanité, & l'élevent a deffus de fa Sphere. Par l'Etude, Philofophe devient plus fage, le Guer rier plus intrépide & plus expérimenté le Souverain aprend à gouverner ave Equité: & il n'eft perfonne dans l'Uni vers, en quelque Rang que la Fortun l'ait placé, à qui l'Etude des Science: ne communique & ne donne de nouvel les Perfections. Defiderabilis Eruditio Literarum, quæ Naturam laudabilem eximie reddit ornatam. Ibi Prudens invenit unde fapientior fiat; ibi Bellator reperit unde Animi Virtute roboretur; inde Princeps accipit quemadmodum Populos fub qualitate componat: nec aliqua in Mundo poteft effe Fortuna, quam Literarum non augeat gloriofa Notitia *.

C'EST en vain, que l'Ignorance affecte de méprifer les Savans. Elle eft

* Caffiodor. Var. Libr. I, pag. 3.

elle

elle-même forcée de leur rendre Hommage dans cent Occafions différentes; &, malgré la folle Vanité dont elle eft toujours accompagnée, il faut qu'elle avoue fa Honte & fa Foibleffe. Ĉeux, qui veulent s'appliquer aux Sciences ne doivent donc pas prendre garde aux Difcours de quelques Perfonnes qui blament fans connoitre ce qu'ils blament, & qui font femblables à des Aveuglesnez, qui, n'aiant aucune Notion de la Clarté, condamneroient ceux qui loueroient la Splendeur du Soleil, & traiteroient d'infenfez tous ceux qui ne préféreroient pas les Tenebres à la Clarté. LES Jeunes-Gens, fur-tout, ne fauroient affez prendre garde à ne point fe laiffer féduire par des Difcours qui les plongent dans des Erreurs éternelles. Ils doivent fe fouvenir fans ceffe, que les Sciences font les feules Chofes qui nous diftinguent des Animaux, & que nous ne nous rendons dignes de l'Etat où le Ciel nous a fait naitre, qu'en cultivant & en perfectionnant les Talents qu'il nous a donnez. Or, la Rhétorique décide des prémiers Pas qu'on fait dans l'Etude. Čar, comme elle apprend principalement l'Ufage & la véritable Signi+5

fica

« AnteriorContinuar »