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le monde, & que vous feul voulez ignorer. Il fuffit que vous me permettiez de vous dire, avec un profond respect, que je fuis,

MONSEIGNEUR,

Votre très-humble & trèsobéiffant ferviteur,

RACINE.

PRÉFACE.

LE lecteur me permettra de lui demander un peu plus

d'indulgence pour cette pièce, que pour les autres qui la fuivent. J'étois fort jeune quand je la fis. Quelques vers que j'avois faits alors, tombèrent par hafard entre les mains de quelques perfonnes d'efprit. Ils m'excitèrent à faire une tragédie, & me propofèrent le fujet de la Thébaïde. Ce fujet avoit été autrefois traité par Rotrou, fous le nom d'Antigone. Mais il faifoit mourir les deux frères dès le commencement de fon troisième acte. Le reste étoit en quelque forte le commencement d'une autre tragédie, où l'on entroit dans des intérêts tout nouveaux. Et il avoit réuni en une feule pièce deux actions différentes, dont l'une fert de matière aux Phéniciennes d'Euripide, & l'autre à l'Antigone de Sophocle. Je compris que cette duplicité d'actions avoit pu nuire à fa pièce, qui d'ailleurs étoit remplie de quan rité de beaux endroits. Je dreffai à-peu-près mon plan fur les Phéniciennes d'Euripide. Car pour la Thébaïde qui eft dans Sénèque, je fuis un peu dans l'opinion d'Heinfius, & je tiens comme lui, que non-feulement ce n'eft point un tragédie de Sénèque, mais que c'est plutôt l'ouvrage d'un déclamateur, qui ne favoit ce que c'étoit que tragédie.

La catastrophe de ma pièce eft peut-être un peu trop Langlante. En effet il n'y paroît presque pas un acteur qui ne meure à la fin. Mais auffi c'est la Thébaïde, c'est

à-dire, le fujet le plus tragique de l'antiquité.

L'amour qui a d'ordinaire tant de part dans les tragédies, n'en a prefque point ici. Et je doute que je lui en donnaffe davantage fi c'étoit à recommencer. Car il faudroit ou que l'un des deux frères fût amoureux, ou tous les deux enfemble. Et quelle apparence de leur donner d'autres intérêts que ceux de cette fameufe haine qui les occupoit tout entiers? Ou bien il faut jetter l'amour fur un des feconds perfonnages, comme j'ai fait. Et alors cette paffion qui devient comme étrangère au fujet, ne peut produire que de médiocres effets. En un mot je fuis perfuadé que les tendreffes ou les ja loufies des amans ne fauroient trouver que fort peu de place parmi les inceftes, les parricides & toutes les autres horreurs qui compofent l'hiftoire d'Edipe & de fa malheureufe famille.

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ACTEURS.

ÉTÉOCLE, roi de Thèbes.

POLINICE, frère d'Etéocle.

JOCASTE, mère de ces deux princes & d'Antigone.

ANTIGONE, fœur d'Étéocle & de Polinice.

CREON, oncle des princes & de la princesse.

HÉMON, fils de Créon, amant d'Antigone.

OLYMPE, confidente de Jocafte.

ATTALE, confident de Créon.

UN SOLD A T de l'armée de Polinice.

UN PAGE.

GARDES.

La scène eft à Thèbes dans une falle du palais royal.

LA THÉBAÏDE,

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ACTE PREMIE R.
SCENE PREMIERE.

JO CASTE, OLYMP E.
JO CASTE,

Its font fortis, Olympe? Ah! mortelles douleurs!
Qu'un moment de repos me va coûter de pleurs !
Mes yeux, depuis fix mois, étoient ouverts aux larmes;
Et le fommeil les ferme en de telles allarmes!
Puiffe plutôt la mort les fermer pour jamais,

Et m'empêcher de voir le plus noir des forfaits!
Mais en font-ils aux mains?

OLYMPE.

Du haut de la muraille

Je les ai vûs déja tous rangés en bataille;
J'ai vu déjà le fer briller de toutes parts;
Et, pour vous avertir, j'ai quitté les remparts.

Tome I.

A

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