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NOTICE

SUR

LA GÉOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUE

DE LA BELGIQUE

AVANT L'ERECTION DES NOUVEAUX ÉVÊCHÉS
AU SEIZIÈME SIÈCLE.

INTRODUCTION.

CONSIDERATIONS GÉNÉRALES SUR LA GÉOGRAPHIE
ECCLÉSIASTIQUE DE LA GAULE'.

La Belgique renferme actuellement six diocèses dont les limites extérieures correspondent, à peu d'exceptions près, à celles du royaume. Il n'en était pas de même avant la révolution française. Plusieurs de nos diocèses s'étendaient alors sur le territoire de pays voisins, et quelques évêques étrangers exerçaient la juridiction épiscopale sur une partie du territoire belge. Trois causes avaient surtout contribué à produire cette anomalie la séparation des Provinces

1) On consultera avantageusement sur cette question les ouvrages suivants: GUÉRARD, Essai sur le système des divisions territoriales de la Gaule, Paris 1832, in-8°; DESNOYERS, Topographie ecclésiastique de la France pendant le moyen áge publiée dans les Annuaires de la société de l'histoire de France pour les années 1853, 1859 et suiv.; BUCHERIUS, Belgium Romanum, Leodii 1655, in-fol.; et la Notice sur les limites de l'ancien diocèse de Liége depuis la Meuse (Hollande) jusqu'à la Dyle (Belgique) que nous avons publiée, en 1859, dans la Revue d'histoire et d'archéologie de Bruxelles.

Unies, les conquêtes de Louis XIV, et les tentatives infructueuses faites par Philippe II et par ses successeurs, pour obtenir l'érection d'un évêché au Luxembourg1.

Il est aisé de refaire la division ecclésiastique du pays, telle qu'elle existait avant le concordat les nombreuses cartes géographiques, éditées depuis environ deux siècles, et les relevés des paroisses, faits à différentes époques par l'ordre des évêques, fournissent les matériaux nécessaires à ce travail. De plus, la plupart des diocèses, érigés au seizième siècle, ont eu leur historien propre. Enfin, un excellent travail d'ensemble sur cet objet a paru en 1859 dans la Revue catholique.

Quant à la division ecclésiastique antérieure à l'érection des nouveaux évêchés, elle est plus difficile à rétablir. Les cartes et les documents imprimés font défaut; et jusqu'ici, aucun historien n'a traité cette question d'une manière complète. Bucherius qui a le mieux approfondi cette matière, ne fait qu'indiquer les archidiaconés et les doyennés, sans rien préciser touchant leur étendue et leurs limites respectives. Desnoyers a marché sur les traces de Bucherius, et reproduit les données de son devancier.

Cependant la connaissance de la circonscription des anciens diocèses est très-importante, non-seulement au point de vue de l'histoire ecclésiastique, mais aussi au point de vue de l'histoire profane. En effet, à l'origine, les divisions ecclésiastiques correspondaient exactement aux divisions civiles, établies dans nos contrées sous la domination romaine3.

<< La géographie ecclésiastique de la France ancienne, dit

1) Cette érection aurait soustrait à la juridiction de l'évêque de Trèves la partie du diocèse soumise au roi Philippe II et à ses successeurs.

2) Ce travail est dû à la plume savante du chanoine Claessens, inspecteur diocésain de l'enseignement primaire dans la province d'Anvers. Des exemplaires ont été tirés à part, et portent le titre suivant : Quelques éclaircissements sur l'établissement des évéchés dans les Pays-Bas.

3) BUCHERIUS, Belgium Romanum, pag. 251.

M. Desnoyers, est, à juste titre, considérée comme l'une des bases les plus solides de la connaissance de sa géographie politique et civile, ou, tout au moins, comme l'un des auxiliaires les plus sûrs de l'étude des subdivisions et des transformations successives que le territoire de la Gaule a subies, au milieu des nombreuses vicissitudes du moyen-âge. » La fixité et la durée des règles de la discipline de l'Eglise chrétienne ont été, sous ce point de vue, comme sous beaucoup d'autres, une cause essentielle de conservation et de transmission des éléments de la civilisation antique, qu'elle s'était appropriés dès son origine.

» C'est à elle seule que l'on doit d'avoir pu retrouver et rétablir complétement l'ensemble de la topographie politique de la Gaule romaine', »

Ces remarques s'appliquent à tout le territoire gaulois et germanique, soumis aux empereurs romains, et conséquemment, à toute la Belgique actuelle et à la partie méridionale de la Hollande.

L'empire romain était divisé en provinces et cités. A la tête de la province civile se trouvait la Metropolis appelée aussi Caput Provinciae. La métropole renfermait plusieurs cités. Il est à remarquer, qu'anciennement la signification du mot civitas ou cité était beaucoup plus vaste qu'elle ne l'est aujourd'hui. La cité était « une universalité d'hommes jouissant des mêmes lois et des mémes droits3. » César, en parlant des Suisses, les désigne sous le nom de Civitas Helvetiorum. Dans la Belgique, nous rencontrons les cités des Tongrois, des Nerviens, des Ménapiens, etc., qui étaient autant de vastes territoires occupés par ces peuples.

Les successeurs des Apôtres, dès le premier siècle du christianisme, avaient modelé exactement les circonscrip

1) DESNOVERS, Annuaire de 1853, p. 117.

2) Le nom de métropole est employé encore aujourd'hui pour indiquer l'église principale ou le siége d'un archevêché.

3) RAEPSAET, OEuvres, III, p. 73.

tions ecclésiastiques sur les divisions civiles de l'Empire romain. A chacune des grandes provinces politiques correspondait une province religieuse, ayant à sa tête un archevêque ou métropolitain. Celui-ci avait sous lui un ou plusieurs évêques dont les diocèses avaient les mêmes limites que les cités ou divisions territoriales secondaires'. Cette organisation, à laquelle l'Eglise avait librement donné la préférence, a de tout temps contribué puissamment au développement de la religion et au maintien de la discipline. En la suivant, l'autorité ecclésiastique évitait, d'abord, les difficultés que devait nécessairement présenter une première délimitation des diocèses, difficultés, qui, à cette époque, auraient été bien plus grandes, qu'elles ne le sont aujourd'hui. Ensuite, en ne dépendant, sous le rapport civil, que d'un seul gouverneur, et n'ayant à administrer qu'une seule et même peuplade ou cité, l'évêque était moins exposé a subir les funestes conséquences des rivalités et des dissentiments qui surgissent fréquemment entre des peuples voisins, ou entre leurs gouvernements respectifs. L'expérience de ces derniers siècles n'a malheureusement que trop confirmé la vérité de cette assertion. L'histoire nous montre combien les parties des anciens diocèses de Gand, de Bruges, et d'Anvers, soumises aux Etats-Généraux de Hollande, ont eu à souffrir de la part de ce gouvernement, par la défense faite aux évêques d'y faire les visites pastorales, ou d'y exercer personnellement la moindre juridiction".

Cette règle, adoptée aux premiers temps de l'Eglise, fut invariablement observée pendant trois siècles. Elle reçut même une consécration solennelle par les canons apostoliques et par les décrets des conciles de Nicée et d'Antioche'. Du moment, où l'Empereur divisait une pro

1) GUÉRARD, op. cit. p. 80 et suiv. BUCHERIUS, op. cit. pp. 251 et suiv. 2) Voyez BINGHAM, Origines ecclesiasticae, Halae 1723, t. III, p. 386. 3) Voyez notre Mémoire couronné sur la vie et les ouvrages d'Aubert Le Mire, p. 23.

THOMASSIN, Ancienne et nouvelle discipline, I" part., liv. I, ch. 11.

vince ancienne, l'Eglise plaçait un métropolitain à la tête de chaque nouvelle province. Ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, lorsque la province gauloise, appelée Lyonnaise, fut partagée en quatre parties, chacune d'elles obtint aussitôt un siége archiépiscopal. Rouen, Tours et Sens, jusqu'alors simples évêchés, furent, par cette division, élevées au rang de métropoles'.

L'Eglise en se conformant à ce changement, avait un excellent motif qui nous est expliqué par le concile d'Antioche. «Les canons apostoliques, dit Thomassin, le concile de Nicée, et celui d'Antioche, avaient ordonné que chaque province aurait son métropolitain, qu'elle tiendrait son concile provincial, et qu'elle userait pour cela des facilités qu'il y a de se rendre de tous côtés pour toutes sortes d'affaires dans la métropole de chaque province. Cette facilité et ce concours ne se trouvait plus de même dans la nouvelle province pour l'ancienne métropole civile; elle se trouvait toute entière pour la métropole nouvelle. Voici le canon du concile d'Antioche, où les canons précédents sont renouvelés, et où cette considération des facilités de la métropole civile, est plus particulièrement pesée Episcopos qui sunt in unaquaque provincia, scire oportet episcopum qui praeest metropoli, etiam curam suscipere totius provinciae, eo quod undequaque concurrunt omnes qui habent negotia2. »

La malveillance de quelques empereurs d'Orient, vers la fin du quatrième siècle, obligea l'Eglise d'abandonner, en partie, la discipline primitive. Plusieurs fois, ces empereurs, partisans de l'arianisme, divisèrent une province ancienne, uniquement pour établir un siége métropolitain dans les résidences des évêques hérétiques qu'ils voulaient favoriser. L'Eglise ne toléra guère cet abus; elle s'opposa de toutes ses forces aux excès du pouvoir impérial. Dès l'année 375, nous voyons S. Basile, archevêque de Césarée

1) THOMASSIN, op. cit., II. part., liv. I, ch. 9.; et CHRIST. LUPUS, In canonem XII concilii Chalcedonensis.

2) Op. cit., I" part., liv. I, ch. 11, § III.

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