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on peut joindre la plupart de ceux qui prouvent la corrélation entre les divisions ecclésiastiques et les divisions civiles, démontrent, ce nous semble, assez clairement l'existence des diocèses en Belgique avant l'avénement de S. Remi à l'archevêché de Reims.

Mais, si ce grand apôtre n'a pas érigé nos siéges épiscopaux, il est cependant certain qu'il a été le restaurateur de plusieurs d'entre eux, désorganisés par les irruptions des Francs. La lutte que ce peuple encore payen soutint contre les Romains, fut si funeste à la religion, que, du temps de S. Remi, presque tous les diocèses étaient dépourvus d'évêques titulaires. Après la conversion de Clovis, S. Remi usa de son influence auprès de ce nonarque pour procurer de nouveaux pasteurs aux siéges vacants. C'est dans ce sens seulement, que l'on doit attribuer à l'archevêque de Reims l'organisation de nos diocèses'. Le seul évêché nouveau, établi par lui, est celui de Laon, diocèse qui ne correspond à aucune cité romaine. Quelques auteurs attribuent également à S. Remi l'érection de l'évêché de Téroüanne; mais les preuves font défaut3.

Les paroles de l'auteur de la Chronique de Cambrai et d'Arras que nous avons rapportées plus haut, ne prouvent pas seulement l'existence des évêchés dans les Gaules dès le troisième siècle, elles nous fournissent aussi un argument décisif pour établir que déjà, à cette époque, l'organisation des diocèses était complète, et leurs circonscriptions fixes et bien déterminées. Il attribue, en termes précis et formels, au pape S. Denis, élevé au souverain pontificat en 259, la délimitation exacte des

1) Ut belgicos nostrates episcopatus non novos Remigius erexit, sed priscos dumtaxat atque romanos restituit, ita neque novos eis limites sed antiquos et qui sub romanis extiterant, addixit. » BUCHERIUS, Belgium Rom. p. 252, 584, et suiv. Il développe, en cet endroit, et prouve longuement la proposition que nous venons de citer.

2) Voyez plus haut, p. 18.

3) Voyez sur la part que prit S. Remi au rétablissement des évêchés, les Acta SS. Belgii, t. I, p. 583 et suiv.

diocèses, et en particulier celle des évêchés de Cambrai et d'Arras.

Nous trouvons encore la confirmation de notre opinion dans une lettre adressée par S. Remi à Falcon, évêque de Tongres ou de Maestricht. Nouvellement promu à l'épiscopat, Falcon avait exercé des actes de juridiction aux environs de Mouson, petite ville dépendant du siége de Reims et située sur la Meuse, à proximité des confins du diocèse de Tongres. S. Remi reprocha durement à Falcon la faute que celui-ci venait de commettre. « Les archevêques de Reims, dit-il, ont toujours joui de l'administration de l'église de Mouson; il ne vous était donc pas permis de vous en emparer. » Puis, il lui pose le dilemme suivant «< Ou bien vous ignoriez les saints canons, ou bien vous en aviez connaissance. Si vous les ignoriez, il était de votre devoir d'apprendre à les connaître avant d'agir; si vous les connaissiez, votre faute en est d'autant plus grave, parce qu'en la commettant, vous avez transgressé sciemment les prescriptions des grands pontifes d'autrefois. » Voici quelques extraits de cette lettre remarquable : « Domino vere sancto, et in Christo beatissimo fratri Falconi, episcopo, Remigius episcopus..... In ipso episcopatus exordio jus ingredi tentas alienum, qui adhuc tuum verecunde debueras introire. Fas ergo fuit, ut illicitis ordinationibus tuis a te credideris occupandam loci Mosomagensis ecclesiam, quam metropolitani urbis Rhemorum sub ope Christi sua semper ordinatione rexerunt? Adhuc, arbitror, tua nescis, et jam aliena pervadis.... Si enim canones tua sanctitas ignorabat, satis praeproperum fuit, ut transgredereris, antequam disceres. At vero ecclesiarum statuta si noveras, tanto gravius tantoque periculosius insipientia tua priscorum magnificorum pontificum decreta calcavit'. » S. Remi, comme on le voit par le pas

1) SIRMONDUS, Concilia Galliae, p. 205; LABEE et COSSART, op. cit., V, col. 749; et GHESQUIÈRE, Acta SS. Belgii, I, p. 583, reproduisent en entier ce curieux document.

sage que nous venons de reproduire, fait dériver son droit des décrets mêmes des papes; et il invoque contre Falcon qui avait violé les limites de son territoire, la possession antique de Mouson, acquise conformément aux prescriptions des anciens pontifes.

Les défenseurs de l'opinion qui fixe au temps de Charlemagne l'organisation définitive de la circonscription ecclésiastique, prétendent que, du sixième au huitième siècle, nos évêques n'étaient que régionnaires, c'est-à-dire qu'ils avaient une résidence déterminée, mais nullement un diocèse exactement circonscrit. Ils comparent l'organisation ecclésiastique de notre pays, à cette époque, à celle de nos missions d'aujourd'hui chez les peuples sauvages et nomades. Ils fondent leur opinion sur les travaux apostoliques de nos premiers apôtres en dehors des limites des diocèses dont ils sont, d'après eux, devenus plus tard les titulaires. Comme exemple, ils aiment à citer les prédications faites successivement à Anvers, par S. Eloi, évêque de Tournai, S. Amand, évêque de Maestricht (Liége) et S. Willibrord, évêque d'Utrecht. Il en fut de même, disent-ils, dans maintes autres localités. De ces faits ils tirent la conclusion que tous nos évêques, en ces temps-là, n'étaient que régionnaires, et qu'ils pouvaient prêcher partout où ils trouvaient des infidèles à convertir.

Nous ne pouvons admettre cette conclusion. Il est vrai que quelques évêques de la Belgique ont prêché la foi au sixième et au septième siècle, en dehors du territoire de leurs diocèses. Mais ce n'était nullement en qualité d'évêques régionnaires, c'était comme simples missionnaires, envoyés par le Souverain Pontife, ou admis par les évéques diocésains.

Pour établir notre assertion, nous nous contenterons de faire quelques réflexions. Si, comme nos adversaires le prétendent, nos évêques d'alors n'étaient que régionnaires, d'où vient-il qu'ils n'aient pas conservé, à l'exemple de S. Willibrord et de S. Boniface, la juridiction sur les infidèles.

qu'ils avaient convertis? Pourquoi S. Willibrord, évêque d'Utrecht et apôtre des Frisons, n'a-t-il pas réuni à son diocèse les tribus voisines qu'il avait évangélisées et converties à la foi chrétienne?

Anvers, que nos adversaires allèguent ordinairement avec complaisance, appartenait autrefois à Cambrai; bien qu'aucun des évêques de ce diocèse n'y eût jamais annoncé l'Evangile. Et cependant Anvers touchait aux territoires de Tournai, de Liége et d'Utrecht dont les siéges avaient été occupés par S. Eloi, S. Amand et S. Willibrord, ses premiers apôtres. L'Escaut seul séparait la ville du diocèse de Tournai; Liége et Utrecht s'avançaient jusqu'à ses portes'.

S. Hubert, évêque de Liége, prêche la foi dans tout le Brabant; il consacre une église et meurt dans son domaine particulier de Tervueren. Néanmoins cette paroisse, à peine éloignée d'une lieu des limites du diocèse de Liége, ne cesse pas de ressortir à l'évêché de Cambrai.

S. Willibrord, dans son testament, rappelle les donations qui lui ont été faites de plusieurs localités du Brabant Septentrional. Quoique situées sur les confins d'Utrecht, elles n'en demeurent pas moins sous la juridiction de l'évêque de Liége.

Comment expliquer ces faits, sinon par l'existence d'une circonscription établie antérieurement, d'une manière précise et déterminée?

Nous croyons avoir prouvé clairement que l'organisation de la plupart de nos diocèses date, pour le moins, du quatrième siècle; que S. Remi, archevêque de Reims, n'en a été que le restaurateur, et que les évêques missionnaires des siècles suivants ne leur ont fait subir aucun changement notable.

1) Le village d'Eeckeren qui est situé à une lieu d'Anvers, appartenait au diocèse de Liége. D'après une opinion très-probable, Santvliet qui se trouvait sur les confins d'Utrecht, était primitivement une dépendance de la ville d'Anvers.

CHAPITRE II.

ÉTENDUE, LIMITES ET DIVISIONS DE L'ANCIEN DIOCÈSE

DE LIÉGE.

Le plus ancien de nos diocèses est, sans contredit, celui de Liége'. Fixé d'abord à Tongres, il fut transféré à Maestricht sous le règne de Constantin le Grand, et établi définitivement à Liége par S. Hubert, au commencement du huitième siècle.

Nos meilleurs historiens sont généralement d'accord sur ces faits. Ils sont même presque unanimes à désigner S. Materne comme premier évêque de Tongres. Mais, lorsqu'il s'agit de fixer l'époque de l'érection de cet évêché, les opinions sont divisées.

Deux de nos plus savants hagiographes, Bollandus et Henschenius, soutiennent que S. Materne, premier évêque des Tongrois vécut au premier siècle de l'ère chrétienne, qu'il fut disciple de S. Pierre, et qu'on ne peut, en aucune manière, le confondre avec l'évêque du même nom, qui, au quatrième siècle, occupa le siége de Trèves et de Cologne. Ils énumèrent même neuf successeurs de S. Materne qui ont administré le diocèse de Tongres, jusqu'à l'avènement de S. Servais, au commencement du quatrième siècle de notre ère. Ils reconnaissent cependant que, vers cette époque, le siége resta vacant pendant quelques années, à cause des cruelles persécutions qui avaient désolé l'Eglise2.

Ghesquière n'est pas tout-à-fait d'accord avec Bollandus. Il combat l'épiscopat de S. Materne à Tongres, pendant le premier siècle, et prétend que l'évêque de ce nom n'est

1) L'évêché de Trèves qui est plus ancien, appartient à l'Allemagne. *) Acta SS. Belgii, I, p. 224 et suiv., et passim.

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