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RECORDS ECCLÉSIASTIQUES DE LA BELGIQUE.

Le mot record (en latin recordium, recordum, recordamentum ou recordatio) dérive du verbe recordari, se ressouvenir. Ce terme qui n'est guère usité que dans le langage juridique, a plusieurs significations. On s'en sert d'abord pour indiquer une enquête judiciaire par témoins qui affirment se souvenir soit de la loi, soit du fait sur lequel ils sont interrogés1. Il s'emploie aussi pour signifier l'assertion du témoin, le récit, l'attestation d'un fait, et même quelquefois le témoin lui-même qui certifie ce qui s'est passé. Enfin il est usité pour désigner la sentence de certaines cours souveraines, appelées cours de records2.

Les records ecclésiastiques que nous publions, sont des déclarations solennelles émanées des conciles des' chrétientés ou réunions des curés d'un décanat, à l'effet de constater l'existence du droit coutumier non-écrit et de certains usages locaux ayant obtenu force de loi. Une controverse venait-elle à surgir relativement à l'un ou à l'autre point de la discipline ecclésiastique, on s'adressait au doyen et aux curés assemblés en concile, pour en obtenir la solution3.

1) Recordum proprie dicitur inquisitio juridica de re aliqua dubia, quod qui in ea audiuntur testes, dicant se recordari eorum de quibus inquiruntur. Du CANGE, Glossarium ad voc. Recordum.

*) Recordum praeterea significat actum curiae ita authenticum, ut probationem contrarii non admittat. Hoc autem talis curiae esse debet, quae curia de recordo appellatur. Du CANGE, loc. cit. CARPENTIER, dans le supplément au glossaire de Du Cange donne encore deux autres significations moins importantes.

3) Les curés se réunissaient chaque année dans la capella clericorum,

Ceux-ci, après mûre délibération, vidaient le différend en déclarant de commun accord que telle ou telle coutume existait de temps immémorial.

La plupart des records que nous avons eus sous les yeux, sont des décisions qui se rapportent aux charges des décimateurs et aux droits à percevoir par les curés à l'occasion des fonctions du ministère pastoral. Chose étonnante, ils appartiennent tous à des conciles ayant fait partie du diocèse de Liége, tel qu'il existait avant l'érection des nouveaux évêchés, au seizième siècle.

Ce sont des documents du plus haut intérêt sous le rapport archéologique. Car, tout en nous faisant connaître les usages établis, ils font le relevé exact du mobilier des églises. Nous aurons soin d'appeler l'attention de nos lecteurs sur plusieurs points trèscurieux, concernant cette branche si importante des études historiques. Ils nous fournissent l'explication de plusieurs faits, qui, sans la connaissance du droit coutumier du moyen âge, pourraient paraître bien étranges à l'observateur consciencieux.

Ainsi, par exemple, pourquoi, dans un grand nombre de paroisses rurales de notre patrie, le chœur de l'église est-il en disproportion avec la nef principale? C'est, comme nous l'apprennent les records et les anciens statuts, parce que la bâtisse et l'entretien du chœur étaient à la charge du percepteur de la menue dime, tandis que la nef et la tour jusqu'à une élévation de sept pieds au-dessus du toit de l'église

située au chef-lieu du concile, pour y recevoir les saintes huiles. C'était dans le même endroit qu'avait lieu l'élection du doyen.

devaient être bâties et entretenues par celui qui levait la grosse dime.

On peut affirmer sans crainte de se tromper que les records ont plus tard donné naissance aux statuts archidiaconaux ; ils en sont pour ainsi dire la première ébauche, la première esquisse1.

Avant de terminer, il ne sera pas inutile de faire remarquer que la copie des records ecclésiastiques dont nous nous sommes servis, date du milieu du dix-huitième siècle. Elle fourmille de fautes tellement évidentes qu'en plusieurs endroits, nous nous sommes permis de les corriger. Cependant nous avons reproduit, sans le moindre changement, les passages dans lesquels l'erreur n'est pas manifeste.

RECORDS DE JODOIGNE.

I.

31 juillet 1466.

Anno Incarnationis Domini nostri Jesu millesimo quatringentesimo sexagesimo sexto, mensis julii ultima, in capella beate Marie Virginis fori oppidi Geldoniensis, tempore celebrationis concilii ejusdem, venerabilis vir et dominus dominus Gerardus Warnier, decanus christianitatis, artium magister, in Melin curatus, Joannes Marotius, officialis foranensis in Noduez, Joannes Alstricki, archidiaconus fori, in Bomalia investitus, necnon Wilhelmus de Tavier in Linsen, et Joanncs Fammingij in Monte sancti Andree curati, et reliqui in pleno dicto concilio congregati, etc.

1) Les statuts des différents archidiaconés du diocèse de Liége ont été publiés entre autres par MANIGART, Praxis pastoralis, III, pp. 317 et suiv.

Cum nonnulli sepenumero postularent edoceri, quis aut qui defectuum patentium circa ecclesias existentes reparationem, detentionem, et refectionem, manutentionem, juxta et secundum consuetudinem prelibati concilii, tenetur et tenentur, matura deliberatione prehabita et concilio, dominus decanus et confratres declaraverunt et declarant :

Decimas habentes seu majorem partem earum', juxta antiquam nostram laudabilem consuetudinem semper observatam, tenentur ad hec subscripta, et declarata :

Primo ad casulam, albam, stolam extremitatem albe tegentem, manipulum longitudine duorum pedum, cingulum, seu ornamenta singula ad celebrandum decentia et simplicia, ad mappas, ad detentionem supradictorum, etiam ad calicem argenteum, patenam, duo corporalia, panem, vinum, lumen cum candelabro in omnibus horis tam diurnis quam nocturnis habendum, vas honestum ad Venerabile Sacramentum recludendum, pixidem eburneam, seu cupream bene elimatam, similiter ad binos pocillos stanneos seu ampullas, signis notatas pro vino et aqua reponendis, lavatorium et ejus manutergium, pallium seu pannum cerice aut de tela extendendum super altare propter araneas et spurcitias, ad sudarium dependendum, et festivis duplicibus et omnibus festivitatibus, pro tergendis digitis post ablutionem piscine, ad cappam gaudij seu luctus3, thuribulum et thus, missale bene notatum, ad lineum pannum pro dicto missali intertinendum cum suo manutergio

1) Il s'agit ici de celui qui percevait la grosse dime. Plus loin par minuta decima il faut entendre le percepteur de la menue dime. Nous ferons remarquer aussi qu'il ne faut pas confondre la menue dîme avec les dimes novales, decimae novales. Voyez DENS, Theologia, IV, n" 72 et 73.

2) Les pixides ou ciboires dont on se servait pour la réserve du SaintSacrement, étaient assez souvent en ivoire ou en cuivre doré. Voyez TEXIER, Dictionnaire d'orfévrerie chrétienne, éd. Migne, art. Custode eucharistique et Tour.

5) Une chape blanche et noire.

appendendo1, ad breviarium perpetuum Leodiensis diocesis, antiphonarium, hymnarium cum psalterio conducente, ad graduale cum notula requisita, ad libros baptismi, desponsatorum, unctionis et sepulturae perfectos, ad vasa chrismatis, olei infirmorum, et ad hec omnia conservanda. Adhuc tenentur locum assignare in quo hec omnia sub suo periculo, et eorum custodia reserventur.

Ad illos novem denarios decano pro suis expensis tempore visitationis persolvendos.

Ad navem ecclesie a fundo usque ad summum juxta ejusdem ecclesie primam edificationem, non ita nova edificia succrescentia, ad pavimentum celatum, tectum extendendo usque ad chorum cum suis necessariis quocumque nomine censentur, fenestras vitreas in navi, columnas et circa summum altare cortinas summo altari appensas utraque parte, ad fontem baptismalem cum suo coopertorio, ad ostia seu januas ecclesie ejusdem cum seris appositis, et piscinam cum suo lavacro observandam, ad magnam campanam, talem videlicet que possit. per totam talem decimam audiri, ad illam in turri templi repo

1) Avant l'invention de l'imprimerie, la plupart des missels étaient écrits sur parchemin, ornés d'enluminures et munis de couvertures dont le travail répondait à la richesse de la matière. Pour bien les conserver, on les mettait dans une enveloppe que S. Charles Borromée appelle integumentum missalis, et l'on y ajoutait un essuie-main pour se nettoyer les doigts. On peut voir, au musée d'Anvers, un missel avec son manutergium, sur le tableau des sept Sacrements attribué à Roger Van der Weyden.

*) Il résulte de la comparaison de ce passage avec le texte du record de 1611, que par colonnes il faut entendre, en cet endroit, non pas les colonnes qui soutiennent l'édifice, mais les colonnes de cuivre ou d'autre matière, disposées aux côtés de l'autel et surmontées quelquefois de figures d'anges tenant des flambeaux ou les instruments de la Passion. C'étaient ordinairement à ces colonnes qu'étaient attachées les tringles sur lesquelles glissaient les anneaux des cortinae, courtines ou rideaux qui protégeaient l'autel et le célébrant, et servaient en même temps d'ornement au chœur. Ces rideaux étaient plus ou moins précieux d'après la plus ou moins grande solennité de la fête qu'on célébrait. Voyez VIOLETLE-DUC, Dictionnaire de l'architecture française, art. Autel.

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