Et pourquoi te cachois-je avec tant de détours' Combien de fois, tes yeux forçant ma résistance, 1Te cachois-je est d'une dureté remarquable dans un poëte qui avoit l'oreille si sensible. Un secret si fatal est un contre-sens. L'auteur veut et doit dire un secret dont dépendoit le repos de tes jours. Il a dit à-peu-près le contraire. (L.) 2 Louis Racine trouve cette image poétique et belle : cependant la figure qui permet de prendre la partie pour le tout est employée ici abusivement, parcequ'on n'enferme point une ame dans un tombeau. (L.) Tout ce monologue est froid et languissant. On n'aime point à entendre Axiaue parler de soupirs superflus qui se perdent dans l'air, de son secret caché avec tant de détours, et de cette haine étouffée qui sert de trophée à une fausse douceur. Il est temps que mon cœur, pour gage de sa foi, Sous les lois d'un vainqueur à qui ta mort nous livre? Qu'en me rendant mon sceptre il veut me consoler. Qu'il vienne. Il me verra, toujours digne de toi, SCENE II. ALEXANDRE, AXIANE. AXIANE. Hé bien, seigneur, hé bien, trouvez-vous quelques charmes La triste liberté de pleurer mes ennuis? ALEXANDRE. Votre douleur est libre autant que légitime: Jusqu'à blâmer les pleurs qu'on donne à son trépas. Je savois... AXIANE. Pourquoi donc le venir attaquer? Par quelle loi faut-il qu'aux deux bouts de la terre ALEXANDRE. Oui, j'ai cherché Porus; mais, quoi qu'on puisse dire, 'Je ne condamnerois pas plus l'effroi de son bras que la terreur de ses armes, qui est assurément une phrase reçue, et qui se justifie par l'usage de la même ellipse, la terreur causée par ses armes, l'effroi causé par son bras; mais j'avoue que je ne trouve pas le même rapport entre faire voler la terreur et faire voler l'effroi. C'est ici qu'il faut distinguer les nuances des synonymes. La terreur présente l'idée d'une espèce de contagion qui se propage rapidement : de là l'expression de terreur panique. L'effroi exprime particuliè rement le saisissement causé par la peur. Ces distinctions sont essentielles à observer dans l'usage des mots qu'on appelle synonymes: c'est de là que dépendent en partie la pureté du style et la justesse de l'expression. Ces deux vers, Et voyant de son bras voler par-tout l'effroi, L'Inde sembla m'ouvrir un champ digne de moi, peuvent fournir une autre observation. Voyant est ici un de ces ablatifs absolus (moi voyant), qui sont si favorables à la poésie, et L'Inde sembla m'ouvrir un champ digne de moi'. AXIANE. Hélas ! il falloit bien qu'une si noble envie dont personne ne s'est mieux servi que Racine. Ils esigent quelques précautions, pour ne produire dans la phrase ni embarras, ni obscurité. Entre autres choses il faut prendre garde que l'ablatif ahsolu ne puisse pas se rapporter à deux substantifs : ici voyant peut également s'entendre de l'Inde et d'Alexandre. Il y a donc amphibologie, et c'est une faute. Remarquez que l'ablatif absolu est naturel aux langues qui marquent les cas par la terminaison, parceque alors il ne peut guère produire d'équivoque. Il n'en est pas de même des langues modernes , qui marquent leurs cas par des articles : ici l'ablatif absolu est souvent près de l'équivoque. Il sert beaucoup en vers pour la rapidité et la précision ; mais il peut nuire à la clarté, et celle-ci est avant tout. (L.) Ce vers est la traduction de ce mot d'Alexandre, rapporté par Quinte-Curce Video tandem par animo meo periculum,» « Je vois enfin un danger digne de mon courage. » Q. Curt., lib. VIGI, cap. 47. (G.) : Lui fît abandonner tout le soin de sa vie, Mais vous, s'il étoit vrai que son ardeur guerrière Et, loin de remporter une gloire parfaite, ALEXANDRE. En vain votre douleur s'arme contre ma gloire: Et par ces lâches soins, qu'on ne peut m'imputer, Ce semble se disoit autrefois pour à ce qu'il paroît, et étoit plus précis. Il est tombé en désuétude, on ne sait trop pourquoi, puisqu'on dit encore ce me semble: c'est une bizarrerie de l'usage. Mais ce semble est ici répréhensible absolument, parcequ'il ne sauroit se lier avec la phrase, qui veut dire, quoique par-tout accablé sous le nombre, à ce qu'il paroissoit, je n'ai pu. (L.) |