L'Inde sembla m'ouvrir un champ digne de moi'. AXIANE. Hélas ! il falloit bien qu'une si noble envie dont personne ne s'est mieux servi que Racine. Ils esigent quelques précautions, pour ne produire dans la phrase ni embarras, ni obscurité. Entre autres choses il faut prendre garde que l'ablatif ahsolu ne puisse pas se rapporter à deux substantifs : ici voyant peut également s'entendre de l'Inde et d'Alexandre. Il y a donc amphibologie, et c'est une faute. Remarquez que l'ablatif absolu est naturel aux langues qui marquent les cas par la terminaison, parceque alors il ne peut guère produire d'équivoque. Il n'en est pas de même des langues modernes , qui marquent leurs cas par des articles : ici l'ablatif absolu est souvent près de l'équivoque. Il sert beaucoup en vers pour la rapidité et la précision ; mais il peut nuire à la clarté, et celle-ci est avant tout. (L.) Ce vers est la traduction de ce mot d'Alexandre, rapporté par Quinte-Curce Video tandem par animo meo periculum,» « Je vois enfin un danger digne de mon courage. » Q. Curt., lib. VIGI, cap. 47. (G.) : D'un autre que Lui fit abandonner tout le soin de sa vie, par ruse attaquer sa vertu , de vous attendre sa défaite ? ALEXANDRE. Ce semble se disoit autrefois pour à ce qu'il paroît, et étoit plus précis. Il est tombé en désuétude , on ne sait trop pourquoi, puisqu'on dit core ce me semble : c'est une bizarrerie de l'usage. Mais ce semble est ici répréhensible absolument, parcequ'il ne sauroit se lier avec la phrase, qui veut dire , quoique par-tout accablé sous le nombre, à ce qu'il paroissoit , je n'ai pu. (L.) Et le jour a par-tout éclairé mes combats ". Il est vrai que je plains le sort de vos provinces 2; J'ai voulu prévenir la perte de vos princes; AXIANE. Je crois tout. Je vous crois invincible: Mais, seigneur, suffit-il que tout vous soit possible? Ne tient-il qu'à jeter tant de rois dans les fers, Qu'à faire impunément gémir tout l'univers ? Et que vous avoient fait tant de villes captives, Tant de morts dont l'Hydaspe a vu couvrir ses rives? Qu'ai-je fait, pour venir accabler en ces lieux 3 Un héros sur qui seul j'ai pu tourner les yeux? Vers très beau , mais qui ne le justifie pas contre le reproche qu'on lui fait. La trahison de Taxile diminue beaucoup l'éclat de sa · Var. Il est vrai que j'ai plaint le sort de vos provinces. · Pour venir se rapporte par la construction à Axiane, et par le sens à Alexandre. C'est Axiane qui parle , et c'est Alexandre qui Porus bornoit ses voeux à conquérir un caur à Qui peut-être aujourd'hui l'eût nommé son vainqueur. Ah! n'eussiez-vous versé qu'un sang si magnanime', Quand on ne vous pourroit reprocher que ce crime, Ne vous sentez-vous pas, seigneur, bien malheureux D'être venu si loin rompre de si beaux noeuds ? Non, de quelque douceur que se flatte votre ame, Vous n'êtes qu’un tyran. ALEXANDRE. Je le vois bien, madame, Vous voulez que, saisi d'un indigre courroux, race, ип 2 Lorsqu'on emploie le mot sang au figuré, dit La Harpe, pour famille, on peut y joindre l'épithéte de magnanime ; mais lorsque le mot sang est employé au propre, on dit sang noble, illustre, généreux. Je doute qu'on puisse dire un sang magnanime, le mot magnanime présentant une idée beaucoup plus morale. Voltaire, dans Zaïre, s'est approprié ce vers tout entier : Vous ne m'entendrez point, amant foible et jaloux, En reproches honteux éclater contre vous. Cette expression élégante, éclater en reproches, n'étoit rien moins que commune quand l'auteur d'Alexandre s'en servit. Il y avoit donc quelque mérite à la trouver : c'est ce qui fait que cet emprunt de Voltaire méritoit d'étre remarqué. (L.) 3 Portera servit beaucoup plus élégant que donnera, et à ma gloire vaudroit mieux qu'à sa gloire. La gloire de ma douceur n'est pas une bonne expression , comme le seroit la gloire de ma clémence. (L.) Vous attaquez, madame, un vainqueur désarmé. AXIANE. Ah! seigneur, puis-je ne les point voir Ces vertus dont l'éclat aigrit mon désespoir? N'ai-je pas vu par-tout la victoire modeste Perdre avec vous l'orgueil qui la rend si funeste? Ne vois-je pas le Scythe et le Perse abattus Se plaire sous le joug et vanter vos vertus, Et disputer enfin, par une aveugle envie, A vos propres sujets le soin de votre vie ? Mais que à ce coeur que vous persécutez De voir par-tout ailleurs adorer vos bontés? Pensez-vous que ma haine en soit moins violente, Pour voir baiser par-tout la main qui me tourmente? Tant de rois par vos soins vengés ou secourus, Tant de peuples contents, me rendent-ils Porus? Non, seigneur: je vous hais d'autant plus qu'on vous aime, D'autant plus qu'il me faut vous admirer moi-même”, Ces deux vers offrent une image incohérente. On ne conçoit pas ce que c'est qu'un trouble fatal qui ferme les yeux, et qui cependant regarde un tyran. Pompée, dans Corneille, tient à Sertorius un langage à-peuprès semblable (act. III, sc. 11). (L. B.) 2 |