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de les poursuivre que dans les cas où ils seraient coupables d'apostasie formelle. Depuis cette époque, ces maures sont connus dans l'histoire sous le nom de mauresques, ainsi que les autres descendans des

maures.

II. L'inquisiteur principal de Cordoue était D. Diégue Rodriguez de Lucero. Pierre Martir d'Angleria (qui était conseiller des Indes, et qui probablement ne l'aimait point) lui donna alors par antiphrase le nom de Tenebrero, ténébreux (1). Il était écolâtre de la cathédrale d'Almeria : la dureté excessive de son caractère causa de grands maux dans tout le royaume de Cordoue, comme nous le verrons bientôt.

III. Ce que j'en dis ici suffira pour faire voir combien cette mesure fut désagréable aux habitans de Grenade, si on la compare à celle du 31 octobre 1499. Celle-ci rendait la liberté à tous les maures esclaves qui recevaient le baptême, après avoir été rachetés aux frais du trésor royal; elle réglait que si un enfant de famille demandait le baptême, son père (s'il n'était point baptisé) serait tenu de lui donner så légitime; et que le fils recevrait une portion des biens qui étaient devenus la propriété de l'état à la suite de la conquête du royaume et de la ville de Grenade (2). Cette modération et les exhortations de Ximenez de Cisneros, archevêque de Tolède, et de D. Ferdinand de Talavera, premier archevêque de Grenade (qui avait été moine hiéronimite, confesseur de la reine et évêque d'Avila ), convertirent au christianisme un très-grand nombre de maures; cinquante mille

(1) Epistolæ 333, 34, 42, 44 et 45.

(2) Recopilacion de Leyes del año 1550, ley 10.

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d'entr'eux reçurent alors le baptême, et les conver sions eussent encore été plus nombreuses si quelques prêtres envoyés par l'archevêque de Tolède n'avaient pris de fausses mesures, en traitant les maures avec dureté, et en les excitant à une révolte qui devint générale, et inquiéta beaucoup Ferdinand et Isabelle, dont les forces parvinrent cependant à les soumettre.

IV. Le 20 juillet 1501 les souverains déclarèrent dans un édit, que Dieu avait daigué leur faire la grâce qu'il n'y eût plus d'infidèles dans le royaume de Grenade: qu'en conséquence, pour rendre toutes les conversions plus solides, ils défendaient l'entrée du royaume à tous les maures; que s'il y restait encore quelques esclaves de cette nation, aucun d'eux n'aurait la liberté de parler aux autres, de crainte que sa conversion n'en fût retardée, ní avec ceux qui auraient été baptisés, afin qu'il ne pût les entraîner dans l'apostasie. Pour rendre plus efficace la mesure que les souverains venaient de prendre, il était dit qu'on punirait de mort tous ceux qui ne s'y conformeraient pas, et que leurs biens seraient confisqués au profit de l'état (1).

V. Le 12 février 1502, Ferdinand et Isabelle or donnèrent que tous les maures libres, de l'un et de l'autre sexe, au-dessus de quatorze ans pour les hommes, et de douze pour les femmes, sortiraient du royaume d'Espagne avant le mois de mai suivant; on leur laissait la faculté de disposer de leurs biens comme les juifs l'avaient eue en 1492. Il leur était en même temps défendu, sous peine de mort et de confiscation de leurs biens, de passer en Afrique, dont les

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(1) Recopilacion del año 1550, ley a1.1

souverains étaient alors en guerre avec l'Espagne, et on leur assignait pour leur nouveau séjour les terres du grand-seigneur ou d'autres pays avec lesquels on était en paix. Quant aux esclaves, on devait leur attacher une chaîne de fer au pied aussitôt qu'ils seraient reconnus (1). Dans la suite, comme on vit que plusieurs de ces maures baptisés vendaient leurs biens et passaient en Afrique, il fut publié une ordonnance royale, en date du 17 septembre 1502, portant que personne, avant le terme de deux années, ne pourrait vendre ses biens pi sortir du royaume de Castille, si ce n'est pour aller en Aragon ou en Portugal; que, même dans ce cas, la permission ne serait accordée qu'à ceux qui donneraient une caution pour répondre de leur retour, aussitôt qu'ils auraient terminé leurs affaires, et que les biens de leurs garans seraient confisqués s'ils ne remplissaient pas cette condition (2).

VI. Deza ne se contenta pas d'exciter le zèle de Ferdinand et d'Isabelle contre les maures; il crut encore devoir leur proposer des mesures contre les juifs, à l'occasion de l'arrivée en Espagne de différens étrangers qui n'étaient pas du nombre de ceux qu'on avait chassés en 1492 (3). Il obtint une ordonnance royale, le 5 septembre 1499, qui leur appliquait les mesures qu'on avait établies contre les autres. Déjà le conseil de l'Inquisition avait ordonné, le 14 août de cette année, que les juifs convertis seraient forcés de prouver qu'ils avaient été baptisés, et qu'ils

(1) Recopilacion del anno 1550, ley 12.

(3) Torres: Apuntamientos Historicos,

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(3) Paramo de Orig. Inq., lib. 1., tit. 11., c. 6. — Recopilacion de 1550, ley 6.

vivaient mêlés et confondus avec les chrétiens anciens; que ceux qui avaient été rabbins ou maîtres de la loi, transporteraient leur domicile dans des lieux éloignés de ceux qu'ils avaient habités jusqu'alors; qu'ils paraîtraient tous les dimanches et les fêtes à l'église, et qu'on les instruirait avec soin dans la doctrine chrétienne..

• VII. Deza n'était pas moins animé contre les israé lites que son prédécesseur Torquemada, et son zèle amer n'a rien qui doive surprendre si les évènemens dont il fut question de son temps étaient véritables. Parmi les trente-huit personnes que l'Inquisition de Tolède devait faire brûler le 22 février 1501, et qui habitaient les bourgs de Herrera et de Puebla de Alcocer, se trouvait une jeune fille dont la confession et les aveux de quelques autres de ces accusés, prouvè÷ rent que, d'après le conseil de son père et d'un de ses oncles, elle s'était donnée pour prophétesse: elle avait mis tant d'artifice dans son jeu que tous les juifs des environs de Tolède la reconnurent pour ins pirée, ce qui fut cause qu'un grand nombre de ceux qui avaient été baptisés apostasièrent. Elle affectait des ravissemens, des visions, des extases; prétendait voir Moyse et divers anges qui lui avaient appris que Jésus-Christ n'était point le véritable Messie promis dans la loi; et que lorsque celui qui l'était réellement arriverait, il conduirait dans la terre de promission tous ceux qui souffriraient alors une persécution semblable à celle du temps où l'on était.

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r. VIII. Cette même année le Saint-Office de Va→ lence reçut à la réconciliation, avec pénitence dans un auto-da-fé public et général, Jean Vives: un des ar ticles de sa sentence portait qu'on raserait sa niaison

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située dans le quartier de la ville, appelé la VieilleJuiverie, paroisse de Saint-André, pour avoir servi de synagogue, et parce que le Vendredi-Saint de l'année précédente 1500 on y avait entendu les cris d'un enfant et vu entrer des personnes qui allaient renou¬ veler sur cette innocente créature les outrages commis autrefois sur le Sauveur du monde. Ferdinand écrivit aux inquisiteurs comme pour se plaindre qu'on n'eût pas plutôt découvert cette synagogue, et il fit publier le 23 mai 1501 une ordonnance d'après laquelle le lieu qu'avait occupé la maison devait être changé en une place publique. Cependant les inquisiteurs obtinrent depuis la permission d'y faire construire de ses débris une chapelle pour les congréga+ nistes de S. Pierre, martyr : elle existe encore sous le nom de Cruz-Nueva.

IX. A Barcelonne, l'Inquisition fit châtier, en novembre 1506, un homme convaincu de judaïsme, et qui se disait disciple du fameux Jacob Barba; il se vantait d'être Dieu, en trois personnes; soutenait que les décisions du pape étaient nulles sans son ap→ probation, qu'il serait mis à mort à Rome; qu'il ressusciterait le troisième jour, et que tous ceux qui croiraient en lui seraient sauvés. Il me semble que les extravagances de cet homme n'avaient aucun rapport avec les erreurs des juifs, et que le malheureux était bien plus fou qu'hérétique.

X. Dans la province d'Estremadure il y eut aussi un procès pour la foi contre un homme qui avait dérobé, le 24 avril 1506, une hostie consacrée dans un endroit applé Aldeanueva de Plasencia, et l'avait vendue à quelques juifs nouvellement convertis. L'histoire rapporte que celui qui avait procuré l'hos

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