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maque, et, après lui avoir fait épouser un de ses esclaves, épousa Hermione, l'enlevant à Oreste, qui le tua au pied des autels. Dans Euripide, Pyrrhus qui a deux femmes à-la-fois, Hermione et Andromaque, est tué par le peuple dans le temple de Delphes.

Le poëte françois, en conservant ces quatre personnages avec la même catastrophe, a su faire un sujet tout nouveau, d'autant plus tragique que tout y devient grand, par l'intérêt que la Grèce y prend. Son repos et la tranquillité des états de Pyrrhus dépendent du parti qu'il va prendre; ce qui donne à ses foiblesses même un air de grandeur, parceque lorsqu'il méprise Hermione, il méprise son père Ménélas; et quand il brave Oreste, il brave en la personne de cet ambassadeur toute la Grèce prête à s'armer contre lui. (L. R.)

FIN D'ANDROMAQUE.

VARIANTE

DE LA III SCÈNE DE L'ACTE V

D'ANDROMAQUE.

Dans les premières éditions, Racine faisoit paroître Andromaque enchaînée: Oreste l'offroit à Hermione comme une preuve de l'accomplissement de sa mission; mais cette captive prenoit en parlant à Hermione un ton bien différent de celui qu'elle emploie dans toute la pièce; et ce ton étoit bien moins intéressant. Andromaque, témoin de l'accueil que fait l'ermione au meurtrier de Pyrrhus, refroidissoit cette situation si tragique. Cependant on ne peut dérober aux lecteurs ce morceau précieux. On y verra combien le génie lui-même se trompe quelquefois dans ses inspirations soudaines, et quel besoin il a du jugement et du goût pour rectifier ses opérations. Nous citerons la scène entière telle qu'elle a été imprimée en 1668, afin qu'on puisse plus facilement la juger dans son ensemble, et par conséquent mieux apprécier le mérite des corrections. On ne sait pas précisément dans quel temps Racine retrancha le personnage d'Andromaque. On ne le trouve plus dans une petite édition imprimée, en 1673, chez Jean Ribou. Les guillemets indiquent les vers qui ont été supprimés ou changés. (G.)

ORESTE, ANDROMAQUE, HERMIONE, CLÉONE, CÉPHISE; SOLDATS D'ORESTE.

ORESTE.

Madame, c'en est fait. « Partons en diligence:

« Venez, dans mes vaisseaux, goûter votre vengeance.

« Voyez cette captive: elle peut, mieux que moi,

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« Deux fois veuve, et deux fois l'esclave de la Grèce,

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« Mais qui jusque dans Sparte ira vous braver tous, Puisqu'elle voit son fils à couvert de vos coups.

« Du crime de Pyrrhus complice manifeste,

« J'attends son châtiment : car je vois bien qu'Oreste,

Engagé par votre ordre à cet assassinat,

« Vient de ce triste exploit vous céder tout l'éclat.

« Je ne m'attendois pas que le ciel en colère

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Pût, sans perdre mon fils, accroître ma misère,

« Et gardat à mes yeux quelque spectacle encor,

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Qui fit couler mes pleurs pour un autre qu'Hector.

« Vous avez trouvé seule une sanglante voie,
«De suspendre en mon cœur le souvenir de Troie.
« Plus barbare aujourd'hui qu'Achille et que son fils,
« Vous me faites pleurer mes plus grands ennemis ;
« Et ce que n'avoient pu prière ni menace,

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Pyrrhus de mon Hector semble avoir pris la place.

« Je n'ai que trop, madame, éprouvé son courroux;

« J'aurois plus de sujet de m'en plaindre que vous.

« Pour dernière rigueur, ton amitié cruelle,

« Pyrrhus, à mon époux me rendoit infidelle:

"

« Je t'en allois punir; mais le ciel m'est témoin

"

Que je ne poussois pas ma vengeance si loin;

« Et sans verser ton sang, ni causer tant d'alarmes,

« Il ne t'en eût coûté peut-être que des larmes.

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Ont lavé dans son sang ses infidélités.

Je vous l'avois promis; et, quoique mon courage

Se fit de ce complot une funeste image,
J'ai couru vers le temple, où nos Grecs dispersés
Se sont jusqu'à l'autel dans la foule glissés.
Pyrrhus m'a reconnu, mais sans changer de face :
Il sembloit que ma vue excitât son audace;
Que tous les Grecs, bravés en leur ambassadeur,
Dussent de son hymen relever la splendeur.
Enfin, avec transport prenant son diadème,
Sur le front d'Andromaque il l'a posé lui-même :
Je vous donne, a-t-il dit, ma couronne et ma foi,
Andromaque, régnez sur l'Épire et sur moi.
Je voue à votre fils une amitié de père,
J'en atteste les dieux, je le jure à sa mère.
Pour tous mes ennernis je déclare les siens,
Et je le reconnois pour le roi des Troyens.

A ces mots, qui du peuple attiroient le suffrage,
Nos Grecs n'ont répondu que par un cri de rage,
L'infidèle s'est vu par-tout envelopper;

Et je n'ai pu trouver de place pour frapper :

Chacun se disputoit la gloire de l'abattre.

Je l'ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre, Tout sanglant à leurs coups vouloir se dérober;

Mais enfin à l'autel il est allé tomber.

"

Le Troyen est sauvé. Mais partons : le temps presse. L'Épire tôt ou tard satisfera la Grèce.

« Cependant j'ai voulu qu'Andromaque aujourd'hui

Honorât mon triomphe, et répondît de lui.

« Du peuple épouvanté la foule fugitive

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M'a laissé sans obstacle enlever ma captive,

« Et regagner ces lieux, où bientôt nos amis Viendront couverts du sang que je vous ai promis.

Qu'ont-ils fait!

HERMIONE.

ORESTE.

Pardonnez à leur impatience.

Ils ont, je le vois bien, trahi votre vengeance:

Vous vouliez que ma main portât les premiers coups,

Qu'il sentît en mourant qu'il expiroit pour vous.

Mais c'est moi, dont l'ardeur leur a servi d'exemple, Je les ai pour vous seule entraînés dans le temple, Madame ; et vous pouvez justement vous flatter D'une mort que leurs bras n'ont fait qu'exécuter. Vous seule avez poussé les coups...

HERMIONE.

Tais-toi, perfide,

Et n'impute qu'à toi ton lâche parricide.
Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur;
Va, je la désavoue, et tu me fais horreur.
Barbare, qu'as-tu fait? Avec quelle furie
As-tu tranché le cours d'une si belle vie?
Avez-vous pu, cruels, l'immoler aujourd'hui,
Sans que tout votre sang se soulevât pour lui?
Mais parle de son sort qui t'a rendu l'arbitre?
Pourquoi l'assassiner? Qu'a-t-il fait ? A quel titre?
Qui te l'a dit?

ORESTE.

Oh dieux ! Quoi! ne m'avez-vous pas Vous-même, ici, tantôt, ordonné son trépas?

HERMIONE.

Ah! falloit-il en croire une amante insensée?
Ne devois-tu pas lire au fond de ma pensée?

Et ne voyois-tu pas dans mes emportements

Que mon cœur démentoit ma bouche à tous moments? Quand je l'aurois voulu, falloit-il y souscrire?

N'as-tu pas

dû cent fois te le faire redire?

Toi-même avant le coup me venir consulter,

Y revenir encore, ou plutôt m'éviter?

Que ne me laissois-tu le soin de ma vengeance?
Qui t'amène en des lieux où l'on fuit ta présence?
Voilà de ton amour le détestable fruit :
Tu m'apportois, cruel, le malheur qui te suit.
C'est toi dont l'ambassade, à tous les deux fatale,
L'a fait pour son malheur pencher vers ma rivale.
Nous le verrions encor nous partager ses soins:
Il m'aimeroit peut-être, il le feindroit du moins.
Adieu. Tu peux partir. Je demeure en Épire:

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