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AVIS

DE L'ÉDITEUR'.

Plusieurs grands critiques ont commenté Racine; c'est cependant de tous nos poëtes celui dont l'intelligence est la plus facile : comme il parle toujours au cœur, il est toujours entendu. Mais il a introduit dans la langue un si grand nombre de locutions nouvelles; sa poésie, riche, hardie, est tour-à-tour si simple et si sublime; il y a tant de force dans la conception de ses plans, dans le développement de ses caractères, que souvent, au milieu de l'admiration qu'il inspire, nous sentons le besoin d'un guide qui nous révèle les secrets de son génie. Les observations qu'on nous présente sont-elles neuves, elles nous instruisent; se rencontrent-elles avec les nôtres, elles les confirment; et, dans tous les cas, notre goût s'éclaire, notre style se perfectionne, et notre intelligence s'agrandit; car tel est toujours l'effet d'une étude approfondie de Racine. Pénétré de

Cet Avis est celui de la première édition, publiée en 1820.

cette vérité, nous avons relu plusieurs fois ses ouvrages, comme lui-même lisoit ceux des grands écrivains de l'antiquité, un crayon à la main. L'examen du poëte nous a conduit naturellement à l'examen de ses commentateurs, puis au choix de leurs observations, puis enfin à l'étude des auteurs anciens, dont la présence, si l'on peut s'exprimer ainsi, se fait sentir à chaque page de l'auteur moderne. Telle est l'origine du travail que nous présentons au public. C'est le premier essai d'un Variorum françois, où les critiques les plus judicieux viennent tour-àtour déposer leur tribut. Séduit par les charmes d'une poésie divine, nous avons été involontairement entraîné à faire un ouvrage de ce qui n'avoit d'abord été qu'un délassement d'occupations plus sérieuses.

Parmi les commentateurs de Racine, il en est huit qui ont embrassé la presque totalité de ses œuvres. Louis Racine est le premier. Non seulement il a servi de modèle à tous ceux qui ont écrit sur le même sujet, mais encore il est peu d'observations de détail qu'il n'ait au moins indiquées. Luneau de Boisjermain a emprunté à ce premier essai presque tout ce que son travail a de raisonnable. La Harpe et Geoffroy, à leur tour, l'ont souvent co

1 Louis Racine, d'Olivet, Desfontaines, Nadal, Luneau de Boisjermain, La Harpe, Geoffroy, M. Fontanier.

pié, en le citant et sans le citer : enfin Louis Racine a recueilli les principaux passages des poètes anciens qui avoient servi de modèles à son père. Nous ne dirons rien d'une multitude de notes devenues inutiles, parceque leur but étoit d'excuser ou de condamner des locutions alors nouvelles, et qui sont presque toutes aujourd'hui consacrées par l'u

sage.

Quant aux critiques générales sur les effets de la scène, sur les convenances théâtrales, Louis Racine ne pouvoit être un bon juge. Sa profonde piété ne lui ayant jamais permis d'assister au spectacle, il a dù se tromper souvent. Heureusement La Harpe et Geoffroy ne laissent rien à desirer à ce sujet, et il est rare que leurs décisions n'attestent pas en même temps la délicatesse de leur goût et l'attention qu'ils avoient donnée à cette partie de l'art.

Nous n'entrerons dans aucun détail sur Luneau de Boisjermain; d'autres en ont trop parlé. Non seulement son commentaire a été critiqué sévèrement, mais on a tenté d'en faire honneur à un jésuite nommé Roger, mort en 1810, et dont M. Simonin a publié quelques fragments sur Molière. Dépouillé de ses notes, Luneau s'est encore vu dépouiller de ses traductions: elles furent attribuées à Blin de Saint-Maur, qui a toujours gardé le silence

a.

sur cette accusation. Bref, ce commentateur, ou ces trois commentateurs, nous ont fourni quelques remarques; car leur travail, quoique très décrié, n'est cependant pas sans mérite.

Les notes de d'Olivet ne sortent pas des limites de la grammaire : la plupart sont justes; elles le seroient toutes, si les règles n'avoient pas été établies depuis que Racine a écrit. Les fautes du poëte appartiennent le plus souvent au siècle, ses beautés ne sont qu'à lui: il copia les unes, et créa les autres. En effet, lorsqu'on voit la multitude de tournures nouvelles dont il a enrichi la poésie, et dont l'usage est devenu vulgaire, on est tenté de croire que Racine a fait une partie de la langue que nous parlons.

Desfontaines n'a pris la plume que pour contredire d'Olivet. Ses raisons sont foibles. Nous avons fondu dans ce commentaire ce qu'il y avoit d'intéressant dans ses remarques. Quant à d'Olivet, il méritoit un autre sort; et son travail, fait en conscience, se retrouve ici avec quelques légères modifications.

Nous avons fait peu d'emprunts à Nadal, qui ne mériteroit pas l'honneur d'être nommé, si La Harpe et Geoffroy ne lui devoient la première idée d'un très petit nombre de bonnes observations.

Le meilleur commentaire qui ait été publié sur

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