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et calomnieuse a les honneurs et les succès de la presse dans les grandes histoires à la mode et les revues de salon.

Ce retour vers les recherches consciencieuses n'arrête nullement le torrent des histoires populaires où l'autorité civile et religieuse sont également vilipandées. Est-ce que les lecteurs de la Revue des DeuxMondes vont chercher le contre-poison dans les Annales de Baronius, écrites d'après des monuments originaux ou dans la Revue des Questions historiques, qui lui inflige tant de démentis mérités? ou dans le Correspondant, la Revue du Monde catholique, ou dans les Annales de philosophie? Est-ce que les lecteurs de Henry Martin vont, je ne dis pas consulter les sources pour savoir s'il est bien fidèle dans tant de jugements qu'il porte contre les grands hommes qui font l'honneur de notre histoire, s'il est fidèle dans tant de faits dont il dénature la signification; mais seulement confronter cette histoire avec une autre qui ait les suffrages de la presse catholique? Non; on en est venu à dédaigner toute réparation, si évidente et si autorisée qu'elle soit. On prend hardiment le parti de ne pas réfuter ce qui condamne. Est-ce pour donner quelque satisfaction? Non; c'est pour continuer tranquillement à affirmer ce qui est faux. Le faux est donné comme vrai, et reçu comme vrai par un public qui semble trouver un parfum enivrant au mensonge plus le mensonge est épais, plus il le savoure. Voici, par ordre chronologique, ce que se permettent d'enseigner ceux qui se posent comme les représentants de la science historique.

La série d'erreurs que je vais produire ne se

montre pas également à nu dans tous les écrits; mais là où elles se dissimulent un peu pour essayer de pénétrer petit à petit dans les familles honnêtes, ces erreurs existent cependant en germe, et elles font leur chemin.

Mon cher lecteur, ayez le courage d'écouter un instant ce qu'on ose enseigner aujourd'hui sous toutes les formes.

Le monde n'a pas été créé. Il est éternel. Les six mille ans d'âge donnés par la Bible à l'humanité sont une fable. On trouve des traces de l'homme contemporain de l'elephas primigenius et de l'ursus spelæus dont les fossiles remontent à des millions d'années. Les crânes humains et les silex taillés des bords de la Somme et d'ailleurs, les habitations lacustres, les monticules de débris d'huîtres du Danemark, démontrent la présence de l'homme bien avant l'époque assignée par la Bible. Adam et Eve sont des mythes. Il y a eu autant de centres d'espèces humaines qu'il y a de races différentes. D'ailleurs on a prouvé que l'homme descend de la race Simienne; bien plus, que tous ces êtres vivants viennent primitivement d'un seul être organisé de longues transformations ont amené les progrès que nous voyons et en promettent d'autres. (V. Lyel, Vogt, Darwin, Huxley, Dally, etc.)

D

» Il y a eu des déluges, mais pas un seul concordant avec celui de Noé.

» L'histoire des patriarches est un roman encadré de faits surnaturels, bon pour amuser les Juifs.

» La société a commencé par l'état sauvage et par l'absence de toute religion. Les superstitions

sont venues après, puis la philosophie dans l'état adulte de l'humanité.

» L'histoire juive n'a un peu de consistance que lorsque l'histoire profane vient jeter quelques lueurs sur celle-là.

» Le peuple juif a été monothéiste par tempérament, et non par enseignement primitif.

Les prophéties ont été inventées après les événements; quant aux miracles, ils défigurent l'histoire, comme ils déshonorent la philosophie. Ils sont impossibles. L'ordre surnaturel n'existe pas.

» Jésus-Christ était un novateur heureux. Il a eu quelques vues utiles pour son temps.

» La caducité du paganisme, la corruption du monde ancien ont favorisé l'établissement du christianisme, qui a eu son utilité pour un temps; mais ce temps est passé. La philosophie prend doucement la religion par la main et l'invite à monter plus haut. (Renan, Cousin, etc., et les historiens de la philosophie.)

› L'Eglise a commencé par être presbytérienne sans hiérarchie régulièrement établie (Guizot et les historiens protestants). C'est à Constantin seulement que commence son organisation avec la prépondérance religieuse de Rome. L'importance politique de cette ville a déterminé l'importance du siége. (Puffendorff, Grande histoire universelle des Anglais.)

» L'Eglise est l'ennemie de la liberté de la pensée, elle veut étouffer l'esprit philosophique. Ce que la société moderne contient d'éléments de liberté, elle le tient des peuples du Nord et de la Grèce. (Guizot et Henry Martin.)

> L'Eglise s'est appuyée sur les princes pour op

primer le peuple, et sur le peuple pour asservir les princes. L'ambition des Papes a causé 600 ans de désordres, de guerre et de sang. (Lettre sur l'histoire, par un magistrat.)

Le célibat religieux est antisocial, par la diminution forcée de la population. Il est contre nature. L'Eglise est l'ennemie des lumières et des sciences. Elle est la seule cause des ténèbres répandues sur l'Europe du vine au x° siècle.

› Heureusement l'humanité a secoué au xvI° siècle l'autorité de l'Eglise. Eclairées par une providentielle apparition des chefs-d'œuvre du monde païen après la prise de Constantinople, les nations prirent un essor nouveau, se replacèrent sur la vraie route de la civilisation, marchant de progrès en progrès depuis ce moment heureux.

» Le christianisme a amoindri le peu de grands hommes qu'il a produits. Les savants du moyen-âge ont eu des méthodes détestables. La scolastique a jeté un voile sur les conceptions de saint Thomas et de tous les autres. Charlemagne a été surfait, et les grandes qualités de saint Louis sont rapetissées par son bigotisme. (Cependant M. Martin a le courage de dire que c'est le meilleur des rois de France.)

> Le christianisme doit prendre pour son compte toutes les cruautés du moyen-âge: l'exécution des Albigeois comme des Templiers, et toutes les guerres de religion de France, d'Allemagne et d'Angleterre.

Après la perfidie de Louis XI, la dure autocratie de Louis XIV, la corruption du règne de Louis XV, enfin l'avénement de la démocratie qui coule à plein bord, marque définitivement l'ère du rajeunissement de l'humanité, du recouvrement de tous les droits.

L'insurrection est devenue le plus saint des devoirs ; maintenant vont briller des siècles de paix, de jouissance, dans un progrès continu, par le triomphe définitif sur toutes les superstitions ». (Pour ces dernières appréciations, un nombre infini d'histoires et d'écrits.)

Voilà bien, je ne dirai pas le canevas historique, mais plutôt l'acte d'accusation dirigé au nom de l'histoire contre l'Eglise c'est la caricature des faits. Evidemment on ne peut reproduire ici toutes les propositions erronées aujourd'hui en circulation. Il serait plus facile de compter les nuages que le vent fait passer devant le soleil un jour de tempête. Mais nous avons voulu grouper dans un seul coup d'œil les formules principales des erreurs qu'on travaille si activement à élever à la hauteur de causes jugées en histoire.

Ce tableau hideux ne révoltera que les esprits sains qui n'ont pas eu le malheur d'aller puiser leur science dans les ouvrages préparés par l'ignorance et la mauvaise foi. Mais c'est bien là l'esprit de l'enseiment historique et moderne. Qu'on ne me dise pas que j'exagère. Chacune des propositions de ce tableau historique se trouve textuellement, non pas un fois et par hasard dans un auteur, mais chez cent auteurs et mille fois répétée. Ainsi parlent non-seulement les centuriateurs de Magdebourg, Puffendorff, Hume, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, mais Sismondi, l'auteur des Lettres sur l'histoire, Guizot sur quelques points seulement, Henry Martin et les grandes histoires avec audace, les abrégés destinés à la jeunesse avec plus de réserve, mais de telle sorte que le poison, pour être plus subtil, n'en est pas moins dis

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