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et rappelons les affreux principes que l'économie politique a osé mettre en circulation en France el en Europe. Quelle devait être la conséquence pratique de cet enseignement, lorsque ses écrivains et ses professeurs étaient applaudis dans leurs chaires, vantés dans les journaux, consultés par les hommes d'Etat, et entraient souvent dans les conseils des princes? Il en devait résulter que cette science ne se posant dans le monde que pour créer, multiplier les richesses et satisfaire les sens, était en harmonie avec les doctrines épicuriennes des théories philosophiques. L'économie politique est devenue la religion de toute une classe d'hommes. Aux pieds de ce nouveau veau d'or sont venus s'incliner tous ceux qui renferment la destinée de l'homme dans le chétif espace limité par le berceau et la tombe. Les hypothèses seulement hardies ont engendré les hypothèses extravagantes; les extravagances ont fait naître. de criminelles audaces, et à force de promettre aux peuples, aux prolétaires, un Eden introuvable icibas, on a voulu le trouver et s'en emparer de ses propres mains, en brisant la sage et salutaire barrière de la propriété, qui seule sait engendrer le travail honnête, pour arriver à la jouissance du devoir satisfait par la modération des désirs.

Réunissez par la pensée toutes les productions du globe, toute la variété des biens que fournit notre planète. Supposons même que la terre soit bien cultivée, et l'industrie aussi florissante partout qu'on pourrait raisonnablement le supposer. Supposez encore que les biens et les productions seront répartis par des commissions éclairées et impartiales: à quoi parviendrez-vous? Donnerez vous l'abondance et le

confortable à chacun des hommes qui fait partie du milliard d'habitants du globe? Mais celui qui oserait le soutenir serait un ignorant ou un sophiste sembla ble à ceux qui promettent un beefteack quotidien å chaque ouvrier. Faites donc vos calculs. Revenons enfin à la sagesse de l'Evangile. Le Sauveur du monde a opéré un jour dans le désert la multiplication des pains. Il ne lui en eut guère coûté de fournir des mets exquis et un pain de choix. Mais sa charité a été encore un enseignement, il n'a fourni à cette multitude que des pains d'orge, qui suffisent pour entretenir honnêtement la vie. Ce frugal repas laissait l'âme calmée tout entière aux choses sublimes qu'elle venait d'entendre. Les économistes n'ont rien compris à cette sagesse et à cette juste appréciation de la réalité de la vie. Ils ont exalté des désirs, il leur faut des besoins à satisfaire et des productions infinies; et quand on a ainsi surexcité les passions, aucune puissance ne se trouve capable de les satisfaire, et le peuple qu'on a trompé se met en mouvement et brise tous les obstacles; au lieu d'arriver à un Eden, il trouve un précipice et y entraîne la société avec lui.

C'est cette économie politique qui a fait éclore, par une germination naturelle et nécessaire, tous les réformateurs modernes : Owen, Fourrier, Saint-Simon, Cabet et tant d'autres. Ils préparaient une armée facile à organiser par l'Internationale et la Commune.

Ces faits ne se produisent pas sans causes. Ils ont leurs racines et leurs préparations dans ce qui précède. On n'arrive pas à ces extrêmes sans une initiation, sans la presse, sans propagande. Eh bien ! encore une fois nous le demandons, quels sont les 16

LIII

principes, les enseignements, les idées qui ont formé les novateurs aujourd'hui si menaçants? Sont-ce les doctrines chrétiennes? Ou bien sont-ce tous ces professeurs et écrivains téméraires dont nous venons de parler ?

Décidément l'axe de la civilisation moderne est déplacé. Nous ne tournons plus en face de cet astre vivifiant qui est venu sur la terre pour nous apprendre toute vérité: Docebit vos omnem veritatem; Ego sum veritas. Celui-là est la vérité, mais vérité méconnue par bien des esprits. Nous le forçons à nous ramener à lui par les revers qui sont la conséquence naturelle des excès, des erreurs et de la corruption sociale, D'ailleurs, les bons sont encore assez nombreux pour lutter avec avantage contre le torrent dévastateur.

Pour conclusion, je dis aux économistes de mon temps une vérité qui aurait dû leur servir pour poser les principes de leur science, et établir sa définition Cherchez d'abord le royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par surcroît. N'intervertissez pas l'importance des choses: l'âme est plus que le corps, et le corps plus que le vêtement. Le peuple le plus heureux sera incontestablement le plus innocent. C'est ce que le grand esprit de saint Augustin traduisait par ces paroles: La justice élève les nations, et le péché rend les peuples malheureux.

Les économistes se méprennent prodigieusement lorsqu'ils convient tout le monde au banquet de leur opulence. C'est une erreur de calcul. Mais cette erreur n'approche pas de celle bien autrement effrayante d'avoir donné la main à la philosophie épicurienne et de ne voir dans l'homme qu'une machine qui a des besoins, et un animal plus perfectionné qui veut sa proie.

CONCLUSION

La France a perdu son prestige dans le monde ; il faut en ce moment un grand courage à un Français pour lire les feuilles étrangères et leurs appréciations sur nous. Un des reproches les plus amers, et peutêtre des plus mérités, c'est celui que nous adressait dernièrement un homme d'Etat éminent de Belgique : La France n'est plus une nation sérieuse.

Faire une guerre civile sous les yeux d'un ennemi vainqueur; paralyser tout ce qui restait encore de forces à la nation, au lieu de s'unir pour se relever; se livrer à des cruautés aussi affreuses qu'insensées; s'irriter contre des chefs-d'œuvre et les mettre en poudre; et après cela, pendant que les ruines fument encore, trouver dans chaque grande ville, vingt ou trente mille fous qui applaudissent à ces orgies, au lieu de s'occuper des moyens de nous arracher aux étreintes du vainqueur qui s'applaudit de nos misères voilà un symptôme vraiment décourageant pour notre pauvre pays. Que penser d'une nation où se rencontre une si prodigieuse quantité de gens hébétés ou devenus fous furieux?

Le sens commun s'en va. On ne juge plus rien sainement. On trompe le peuple par la lecture de journaux et de pamphlets où le bon sens pratique fait complètement défaut. On l'exalte et on l'amuse par

des promesses menteuses. La vérité prend le nom d'erreur, et l'erreur le nom de vérité.

A force de dire à un prolétaire qu'il est l'égal du magistrat et du souverain, à force de lui dire qu'il ne relève que de lui-même, que Dieu est une chimère, l'autorité un abus, la propriété une fiction de l'égoïsme, il finit par avaler ces monstruosités, et le voilà furieux contre la société tout entière; comme l'affaiblissement des principes religieux a anéanti le ressort de la conscience qui ne peut avoir de réalité qu'avec l'idée d'un Dieu juge après la mort, voilà des millions d'ennemis de l'ordre public lâchés sur nous par ceux qui les ont si bien instruits.

O vérités traditionnelles du genre humain, qui avez été le fondement de l'ordre chez tous les peuples et dans toutes les générations, vous qui seules savez relever la dignité humaine quand elle est aux prises avec les peines de la vie et avec l'entraînement des passions, qu'êtes-vous devenues?

Des homines se disant sages, et l'élite de la nation, se sont ligués contre vous; ils ont mis leur orgueil à obscurcir votre bienfaisante lumière.

Nous l'avons vu on a établi comme une vaste association pour empoisonner toutes les sources de la vérité. Les incrédules et les sceptiques se sont partagé les rôles avec habileté. Ceux-ci ont fait mentir l'histoire; ceux là les lois de la nature. Les uns ont jeté le trouble par des paradoxes sociaux ; les autres ont mis le feu aux passions populaires. Enfin, la plus noble des sciences humaines, la philosophie, qui devait plus que les autres avertir de ne pas aban. donner le solide appui du bon sens expérimental de l'humanité tout entière, est celle de ces sciences qui

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