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classique et mieux ordonnée, que le talent de l'artiste a pris de la fermeté, de l'ampleur, et que ses aptitudes scientifiques ont acquis un notable développement.

Enfin nous arrivons à la fugue en fa mineur, dont le sujet, donné en 1872, contient aussi une queue chromatique sub cauda venenum. Rien, en effet, n'est plus de nature à causer de l'effroi aux jeunes compositeurs. M. Dallier a su créer sur ce sujet deux contre-sujets intéressants et d'un caractère tout différent, suivant la règle. Je ne ferai pas ici l'analyse de cette fugue, je dirai seulement que les qualités que je viens de relever dans la précédente s'y retrouvent plus accentuées, accusent véritablement la naissance du génie de la fugue, et, dans certaines parties, comme dans le stretto et la pédale, prennent une allure magistrale et classique évidente.

Je me suis étendu sur ces fugues, parce que d'abord la fugue est la pierre de touche du compositeur, et parce qu'ensuite les fugues de M. Dallier sont intéressantes à lire. Elles témoignent visiblement de son obstination courageuse dans un travail qui ne peut guère être goûté que par les savants, mais qui donne à l'intelligence musicale tout son développement, toute sa souplesse et toute sa puissance.

Descendant de ces sommets, la première œuvre de M. Dallier qui s'offre à notre examen est son quatuor en sol pour deux violons, alto et violoncelle. Ici encore l'art d'écrire trouve une large place, et l'on peut affirmer que jamais un musicien étranger à la fugue n'aurait pu écrire un semblable morceau. Une analyse de ce quatuor ne serait comprise que par les gens du métier, et encore ne donnerait qu'une

idée bien incomplète de sa facture, qui, du reste, est assez compliquée. Je mentionnerai seulement l'excellent effet qu'a produit sur votre commission l'exécution de l'Andante et du Scherzo de cet ouvrage.

On sait que l'Académie des Beaux-Arts fait exécuter chaque année devant elle, en séance publique et solennelle, la cantate couronnée par le jury. Aussi chaque concurrent s'efforce-t-il de satisfaire à la fois les examinateurs tout hérissés de fugue et de contrepoint, et le public, qui porte à ces joûtes artistiques un vif intérêt, espérant y voir éclore le compositeur qu'elle attend comme le Messie et qui doit prendre le sceptre de l'opéra ou de la symphonie. C'est vous dire combien les jeunes gens qui sont admis au concours attachent d'importance à la cantate qui en est la pièce essentielle, et je ne vous étonnerai pas en disant que M. Dallier a mis dans celles qu'il a composées pour cette circonstance tout son savoir, tous ses soins, toute son âme.

Aussi les fragments de Calypso et de Jeanne Darc qu'il a fait entendre à votre commission ont-ils excité à juste titre ses unanimes applaudissements. Je dois mentionner spécialement la prière à trois voix de Jeanne Darc, qui rappelle les anciens chorals et qui, par son allure calme, simple et sévère, repose un peu de la facture luxuriante du reste de la partition. Cette prière est suivie d'une grande scène mélodramatique qui termine splendidement l'œuvre. Ce morceau très-sympathique s'élève à une grande hauteur, tant au point de vue de la mélodie qu'à celui de l'harmonie et de la facture, et fait le plus grand honneur à M. Dallier.

Au reste, vous allez juger par vous-mêmes du mérite de ces deux morceaux, car vous avez décidé de prier M. Dallier de les faire exécuter à votre séance solennelle, ce qui sera pour lui un puissant encouragement.

Hors la musique sacrée, M. Dallier s'est exercé à peu près dans tous les genres. Il nous a présenté un morceau d'orgue qui n'est pas sans mérite, qui a de l'importance par ses développements et son étendue, mais qui sort des conditions qu'imposent à la fois la nature de l'instrument, le style qui lui est propre et sa destination. Une belle mélodie, mais grave et austère, la fugue et le genre fugué, les imitations plus ou moins canoniques, tels sont les fondements de la musique d'orgue, telles sont les harmonies qui s'allient à la prière, sans distraire les fidèles de leurs pieuses pensées. L'orgue doit être considéré bien plutôt comme un choeur de voix que comme un instrument, et y introduire des effets d'orchestre ou de piano, ce n'est pas l'enrichir, mais le faire déchoir et dégénérer. Lorsque l'âge aura calmé chez lui l'exhubérance de la jeunesse, M. Dallier comprendra ces choses et saura bien les mettre en pratique.

Dans la musique de piano, notre jeune artiste est visiblement sur son terrain. Il nous a fait entendre une Cantilène qui est vraiment charmante et un morceau de bravoure sur des motifs du Faust, de Gounod, dont il a tiré bon parti et dont il a su faire une fort agréable fantaisie.

M. Dallier est certainement appelé à prendre une place distinguée parmi les pianistes compositeurs.

En terminant ce rapport, je signalerai à l'Académie

trois chœurs d'hommes qui ont de la valeur et surtout de l'originalité, ce qui est rare. En les lisaut, on sort de ces éternels et monotones poncifs qui constituent le fonds le plus habituel des sociétés chorales. Je distinguerai surtout le n° 3, intitulé l'Abeille, dont la mélodie est agréable et la facture originale.

Telle est, Messieurs, l'opinion que nous nous sommes faite sur les œuvres principales de M. Dallier. Vous avez ratifié nos appréciations, et, sur la proposition de la commission, vous avez attribué une médaille de vermeil à ce jeune artiste, tant pour récompenser les ouvrages qu'il a déjà produits que pour l'encourager à continuer des études si bien et si heureusement commencées.

Une autre commission (1) avait été chargée par vous, Messieurs, d'examiner le mémoire que vous avez reçu sur les Graveurs de la Champagne. A la mission que je viens de remplir vous avez ajouté celle de faire connaitre ici les résolutions prises au sujet de ce travail. Conformément à l'avis de la commission, vous avez décidé qu'il sera rendu à son auteur, dès qu'il se sera fait connaître, afin de le compléter, particulièrement au point de vue des notices historiques qui manquent pour la plupart. Le mémoire, qui est déjà le résultat de recherches étendues, obtiendra ainsi une valeur que l'auteur, probablement faute de temps, n'a pas pu lui donner dans un premier jet.

(1) Faisaient partie de cette commission, MM. Duquenelle, Givelet, Cerf.

SUR LE

CONCOURS DE POÉSIE

PAR M. LESEUR, MEMBRE TITulaire.

Je viens encore une fois, Messieurs, vous rendre. compte des résultats du concours de poésie. Cette année, comme les précédentes, l'Académie avait laissé le choix du sujet et du genre à la discrétion des concurrents cette liberté n'a pas été féconde, et je ne crois pas que depuis longtemps la lice par vous ouverte aux poètes ait été à ce point désertée. Treize ouvrages seulement ont été soumis à vos suffrages, et comme plusieurs sont dus à la même plume, notre concours ne compte, en réalité, que dix émules. Faut-il s'en étonner? L'interruption que les événements ont forcément amenée dans nos solennités annuelles, a eu pour effet nécessaire d'éloigner de nos joûtes littéraires, momentanément, il faut l'espérer du moins, un certain nombre d'auteurs : les jours meilleurs nous les ramèneront.

Du reste, nous devons reconnaître que les temps que nous venons de traverser étaient peu faits pour les recueillements et les méditations sereines, sources ordinaires des inspirations poétiques. Si durant

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