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› cerfeuil sur la tête. Le seigneur fournissait cent > fagots pour le feu de joie qui était allumé pendant » la danse. La fête terminée, chaque mariée embras»sait le seigneur, et la couronne restait à la der› nière. »

Que nous voilà loin de tout droit brutal qui aurait jeté, sous les yeux de leurs femmes légitimes, dans les bras des seigneurs, des jeunes filles condamnées d'avance à être souillées.

Non, Messieurs, ce droit abominable n'a jamais été inscrit dans aucun de nos codes ni admis dans aucune de nos coutumes. Rabelais, si amateur de

gauloiseries, » eût fait certes des gorges-chaudes du droit du seigneur, si ce droit avait existé de son temps ou dans un temps peu éloigné de celui où il vivait. Il n'en parle dans aucun de ses livres, et ce fait, de peu d'importance en lui-même, prouve tout au moins qu'au XVIe siècle on ne croyait guère à l'existence même antérieure de ce droit du seigneur qui eût si cruellement pesé sur la classe non noble.

Le Culage devint d'ailleurs un droit que les vassaux eux-mêmes s'arrogèrent. Non-seulement les seigneurs supérieurs l'exerçaient sur les autres, mais nous trouvons nombre de pièces où il est question de ce droit (qualifié aussi de « Cuissage et de Cou...age») revendiqué par les compagnons ouvriers de certains métiers.

ceci

Comme en la ville de Jallon-sur-Marne »nous touche, Messieurs, dit un titre de 1375, >> il soit accoustumé de longtemps que chascun, var» let, mais qu'il ne soit clerc ou noble, quand il se » marye, soit tenu de paier aux autres compagnons

> du varlet à marier, son bec-jaune (appelé audit › pays, droit de culage). »

Dans un acte émané de Saint-Leu-en-Rethelois du XVe siècle, il est dit : « Lesquels compaignons envoyèrent audit hostel où se faisaient les nopces » pour demander à l'espousée son culage ainsi qu'ils » ont a coustume de le faire audit lieu... >

Ne retrouvons-nous pas encore aujourd'hui, Messieurs, un reste de cette vieille coutume dans le baiser que la mariée est obligée, dans beaucoup de noces de village, d'octroyer au gagnant de certains jeux, et surtout dans le ruban qu'on tend devant elle, lorsqu'elle se rend à l'église ? Le ruban tombe lorsque le marié a donné aux jeunes gens les cadeaux ordinaires. L'usage d'offrir du vin le soir aux invités rappelle d'autant mieux cette coutume que le plus souvent la chasse est donnée aux jeunes époux et qu'ils sont obligés de cacher le lieu où ils dormiront leur première nuit de noces. Une fois le vin donné, ils sont abandonnés à eux-mêmes.

Ceux qui veulent rendre la féodalité responsable de l'odieux droit du seigneur entendu comme le disent certains écrivains, oublient que les seigneurs avaient plus d'un droit, et qu'il serait au moins singulier que le nom générique « de droit du Seigneur » fût resté à l'un d'eux seulement.

Le droit de Culage existe encore aujourd'hui dans les îles anglaises de Jersey et de Guernesey, anciennes iles normandes qui, on le sait, ont conservé toutes leurs anciennes coutumes. Chaque jeune couple paie un tribut avant de s'unir, et nul ne songe à présenter, sous une couleur graveleuse, une redevance purement pécuniaire.

La féodalité avait ses mauvais comme ses grands côtés. Quand on juge une époque, on ne doit pas en-visager seulement les uns sans tenir compte des autres. En ces temps-là, les impôts de l'Etat n'existaient pour ainsi dire pas. On les payait au seigneur. Ce dernier avait des priviléges, mais il avait aussi de grandes charges. De combien de redevances féodales, déguisées sous le nom d'impôts directs ou non, ne sont pas aujourd'hui frappés les moindres actes de notre vie publique ?

Il y a deux choses qu'on doit surtout rechercher et respecter, dans les études qu'on fait en vue de jeter plus ou moins de lumière sur le passé la vérité et la bonne foi.

L'ancienne France avait, au milieu de nombreux abus, de grands avantages. Les principes d'honneur et de foi qui existaient alors eussent été, je le répète, inconciliables avec un droit aussi odieux que celui qu'on veut bien lui prêter. La France des croisades, des troubadours et des chevaliers, n'eût pas toléré un principe abominable qui ne fût allé à rien moins qu'à ruiner dans les classes élevées aussi bien que dans les classes populaires, toute idée de décence, tout respect de famille, tous principes religieux.

Dans tous les temps, l'abus de la puissance a causé de grands maux. Que des seigneurs aient abusé de leurs positions, de leurs richesses, de leur influence, de leur autorité, pour détourner de son vrai sens un principe admis comme un droit dans les coutumes de leurs fiefs, ou bien qu'ils s'arrogeaient, peut évidemment le concevoir. Ne voyons-nous pas, n'avons-nous pas toujours vu dans nos villages, dans nos ateliers, dans nos usines, dans nos fabriques,

on

des personnes influentes ou riches, des chefs d'ateliers, des contre-maîtres abuser de leur position pour perdre des jeunes filles et satisfaire leurs propres tendances au libertinage?

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La réalité n'en prouve pas moins que le droit du seigneur, en tant que droit sur les personnes, n'a jamais été inscrit dans aucune loi française, et c'est ce que je voulais d'abord prouver. Elle montre ensuite que si ce prétendu droit a jamais été pratiqué, ce ne put être que par suite d'un abus d'autorité ou de pouvoir; il devient évident, enfin, que c'est par erreur, ou intentionnellement, que l'esprit de parti, la haine ou l'ignorance l'ont toujours confondu avec le droit purement fiscal de Maritagium.

LE SIÈGE ET LA DESTRUCTION

DU TRÈS-FORT

CHATEAU DE LINCHAMPS

(Ardennes)

Par JEAN-LOUIS MICQUEAU, de Reims

(DEUXIÈME ÉDITION)

Lecture de M. l'abbé V. TOURNEUR

PRÉSIDENT ANNUEL

EXTRAIT DE L'INTRODUCTION.

Nota. Après avoir parlé dans deux lectures précédentes de l'époque où vivait Micqueau et des littérateurs qui brillaient alors dans le pays rémois; puis du livre et de l'auteur du livre, M. l'abbé Tourneur fait connaître le lieu dont Micqueau a entrepris de raconter l'histoire. C'est le fragment que nous publions.

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