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» Mais le duc de Clèves, souverain de Château» Regnault, ayant levé des troupes dans ses terres et > tiré du canon de la ville de Mézières dont il était » également seigneur, reprit le château de Linchamps › en 1554, et en augmenta les fortifications.

> En 1573, Henri de Lorraine, duc de Guise, pour lors souverain de Château-Regnault par son ma›riage avec Catherine de Clèves, força le chapitre › de Braux, par une transaction, à lui abandonner » toutes ses prétentions sur la terre de Linchamps, > qu'il avait vendue à Rognac ; de sorte que, par cette » transaction, la souveraineté de Château-Regnault, qui n'était composée que de 29 villages, en acquit > onze de plus. »

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Et pourtant, ce récit ne renferme point la vérité complète !

Dans son histoire, commencée en 1591, de Thou écrivait (tome I, p. 407): Henri II avait fait dé> molir, pour faire plaisir à l'empereur, le château › de Linchamps, appartenant à un très-brave hom› me nommé Rognac, dont les gens incommodaient » souvent les impériaux dans leurs courses. Ce châ› teau était si fort, qu'il avait résisté autrefois, durant quinze jours, à l'empereur et au roi François > Jer, dont les forces étaient jointes. Rognac y avait depuis fait travailler et l'avait extrêmement fortifié. > Ce fut là le commencement de la guerre qui, l'an» née suivante, 1551, s'alluma entre l'empereur et » le roi. »

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Ainsi, d'après la Sentence, Jean de Louvain (ou Rognac) s'empare de Linchamps en 1552, avec les troupes du roi d'Espagne, et il en est chassé en 1554 par le duc de Nevers.

Selon de Thou, c'est Henri II qui chasse Rognac en 1550, pour être agréable à l'Espagne, et de lå natt en 1551 la guerre entre Charles-Quint et Henri II.

Le P. Norbert, capucin de Sedan, mort en 1791, a laissé d'intéressantes Annales ou Histoire chronologique des villes et principautés de Sedan, Raucourt et Saint-Menges (1 vol. in-4° manuscrit, de 729 pages dans l'autographe, appartenant à la bibliothèque communale de Sedan). Il est d'ordinaire bien renseigné. Après avoir copié de Thou, il ajoute d'autres détails.

En 1549-1550, Henri II fait démolir le château » de Linchamps, par complaisance pour l'empereur, etc., etc. Rogni en avait relevé depuis longtemps > les fortifications avec beaucoup de dépenses et de travail. Cette nouvelle construction, finie en 1550, fut une des causes de la guerre que se faisaient ces » deux princes l'année suivante 1551. >

Il est assez difficile de comprendre ce que veut dire ici le P. Norbert. Pris par Charles-Quint et François Jer, Linchamps était relevé depuis longtemps par Rognac. Il est détruit par Henri II en 1550, et pourtant sa reconstruction, achevée cette même année, a causé a guerre de 1551 !

Mais veici bien d'autres obscurités ! Le P. Norbert continue, et cette fois sans indiquer aucune date: << Le château de Linchamps, à deux grandes lieues » de distance de Château-Regnault, était une forte»resse fort ancienne, où il y avait un donjon voûté. Rogni s'étant emparé de ce château, appartenant >> au duc de Clèves, ce prince ayant levé des troupes » dans les autres terres souveraines qui l'avoisi> naient, fait venir du canon de Mézières pour en

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> faire le siége. Rogni, manquant de vivres après › avoir soutenu ce siége qui durait depuis trois se› maines, sortit de nuit de sa place pour chercher » du secours et se ravitailler. Mais la garnison, qui » était nombreuse et dépourvue du nécessaire, capi> tula pendant l'absence de Rogni avec le duc de › Clèves, qui rentra en possession de sa forteresse. » Si Linchamps est une place fort ancienne, elle a été bâtie avant l'an 1500. Si Rognac l'avait relevée depuis longtemps quand Henri II la détruisit en 1550, il ne termina pas les constructions en 1551, et ne l'acheta pas aux chanoines de Braux en 1552.

Allons plus loin! « En 1586, ce château » (alors appartenant à Henri de Guise, d'après la Sentence citée plus haut) a été augmenté d'une grosse tour carrée › à la porterie, de bastions et de bonnes murailles > pour soutenir le donjon et le couvrir. On y avait >> construit une citerne et des moulins à bras. On y › avait mis tout le canon nécessaire, des arquebuses, » des mousquets, des piques, des poudres et autres > munitions; outre les forteresses de Château-Re> gnault et de Linchamps pour la défense de ces > deux souverainetés, il y avait encore plusieurs bons >forts dans leur dépendance, comme à Monthermé, › à Braux, à Gespunsart où les habitants ont tenu » ferme contre les troupes sedanaises, conduites par > Lanoue, gouverneur général de Sedan. Les souve> rainetés de Château-Regnault et de Linchamps » étaient commandées par un gouverneur-lieute› nant..... » (P. Norbert. Loc. cit.)

Ces détails sont précis et positifs ; ils se rapportent à une époque relativement récente, sur laquelle le P. Norbert a reçu des documents plus certains. Seront

ils. au moins d'accord avec les autres chroniqueurs, ordinairement cités comme autorités dans notre histoire des Ardennes ?

Voici D. Lelong, le docte bénédictin que l'on invoque avec une confiance, suivant nous, souvent trop risquée. Dans son Histoire du diocèse de Laon, page 547 (1), il dit : « Linchamps était un château bâti » dans le XIIe siècle, isolé, fort sur son assiette, » mais dans une position malsaine, et où on ne vi» vait presque que de brigandages... »

En 1721, Edine Baugier, seigneur de Breuvery, écrivait dans ses Mémoires (2): « Linchamps, près > Rocroi,... c'était autrefois un château seul et sans » aucun habitant, plus fort par la difficulté de ses » abords, hors de tout passage de communication, ‣ que par la beauté de ses fortifications.

› L'air est si épais en cet endroit, qu'on n'y voit presque jamais le soleil, et il y a du brouillard » toute l'année ; il n'y croît rien du tout pour la vie, » et l'on n'y pourrait demeurer longtemps en santé ; > les hommes y vivaient sans commercer et de ce

qu'ils allaient chercher, ou de ce qu'on leur ap> portait d'ailleurs; et comme c'est l'extrémité de la >> France de ce côté-là, il semble aussi que ce soit le » bout du monde. Il y a eu cependant longtemps des » gouverneurs de ce château, mais il fallut en chan» ger souvent parce qu'ils y mouraient en peu de

(1) Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon, par D. Nic. Lelong, bénédictin. Châlons, Seneuze, 1788, in-4°.

(2) Mémoires historiques de la province de Champagne, par Edme Baugier, seigneur de Breuvery, etc. Châlons, Claude Bouchard, 1721, 2 v. in-12.

> temps; il est à présent démoli et abandonné. » (Tome Ier, page 315.)

Romain du Cours, Histoire des Comtes de Champagne, s'exprime dans les mêmes termes.

Bullet, en ses Mémoires Celtiques (p. 60), reproduit des détails identiques. Il ajoute seulement une étymologie que voici : « Leyn, contagiense, pestilente, insalubre; et cham, demeure, etc. Nous étonnerons-nous maintenant que Baugier, Romain du Cours et Bullet aient chargé de si sombres couleurs le tableau de l'insalubrité de Linchamps? l'étymologie leur en faisait un devoir.

Mais si nous voulons bien connaitre ce que l'on savait au dix-huitième siècle de l'histoire de Linchamps, personne ne nous le dira mieux qu'un enfant du pays même, le vénérable M. Viot, curé de Balham (près de Château-Porcien). En 1741, le 12 juillet, il résumait ses souvenirs d'enfance et les traditions locales dans une charmante lettre, adressée au R. P. Prieur de Saint-Nicaise de Reims, et qui se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, collection de Champagne, vol. 143, fos 39 à 41.

a Mon Révérend Père,

J'ai veu une lettre circulaire tant de votre part » que de celle de Mgr l'Intendant de Champagne, » par laquelle vous demandez qu'on vous fasse part » des choses qui peuvent servir à l'histoire de la > province. J'ai pensé que personne ne vous donne>> rait la connaissance du château de Linchamps, qui > est, ou a été une forteresse qui mérite d'avoir une > place dans les choses remarquables de notre pro> vince.

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