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il existait une sorte de milice municipale destinée à repousser les attaques éventuelles de tribus voisines ou à réprimer le brigandage; lorsqu'on mettait en campagne cette milice, elle était souvent placée sous le commandement d'un préfet spécial désigné par les duoviri 1; ailleurs encore, on avait institué une fonction permanente de chef des gardes de nuit et des arsenaux, ou de surveillant des fortifications. Rien de semblable ne paraît avoir existé à Vienne, dont la position était d'ailleurs à l'abri de surprises, puisqu'elle était entourée de cités ou de tribus complètement pacifiées et qu'elle ne touchait pas aux frontières de l'empire.

(A suivre.)

1 Lex Colon. Genet., ch. CIII. A Nyon, on trouve la mention d'un praefectus arcendis latrociniis (Mommsen, Inscr. Conf. Helv., no 119.

2 Ainsi à Nîmes praefectus vigilum et armorum. Herzog, Gallia Narbonensis, p. 223 et suiv. Les corps des gardes de nuit (vigiles) correspondaient à nos corps de pompiers.

3 Inscr. de Tarragone en Espagne: praefectus murorum. Corp. Inscr. lat., II, 4202.

Tome XX.

7

UNE

SOCIÉTÉ DE JÉSUS

AU QUINZIÈME SIÈCLE

DOCUMENTS INÉDITS DES ARCHIVES DE GENÈVE

L'institution fondée par Loyola sous le nom de Société ou Compagnie de Jésus a acquis depuis trois siècles une trop retentissante célébrité, mais on ignore assez généralement que la même désignation avait été donnée au quinzième siècle à un ordre religieux et militaire, placé sous le patronage du pape Pie II et destiné à défendre la Chrétienté contre les Turcs.

La Croisade contre les infidèles a formé la pensée dominante du pontificat tout entier d'Æneas Sylvius Piccolomini; à peine assis sur le siège de St. Pierre, il convoqua un congrès à Mantoue afin de réunir les efforts de tous les princes de la chrétienté; il ne cessa point de les encourager et de les inviter de la manière la plus pressante à oublier leurs rivalités particulières pour résister à l'ennemi commun, et il fut atteint par la mort sur les rives de l'Adriatique au moment où son projet semblait parvenir à sa réalisation.

Pie II avait songé à transporter des plaines de la Prusse sur la frontière turque ou à Tenedos l'Ordre teutonique: il créa lui-même, mais sans succès, divers ordres militaires ou philanthropiques. Le 18 janvier 1459 il établit, sous le vocable de

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N.-Dame de Bethléem, un ordre, dont les chevaliers, ayant pour siège central l'île de Lemnos, devaient s'opposer continuellement aux courses des Turcs dans la mer Égée et dans l'Hellespont'. Par une bulle du 29 juin de la même année, il accorda de nombreux privilèges à une autre société fondée, sous le nom de Société de Jésus, dans le but de porter la guerre aux Turcs et de propager la foi chrétienne, et il invita tous les rois et les princes à la favoriser le plus possible. La bulle relative à cette institution ne nous est connue que par une analyse sommaire', mais nous possédons le texte intégral d'un bref adressé le 13 octobre par Pie II au roi de France et qui témoigne à la fois de l'intérêt du souverain Pontife pour la société naissante et du lien religieux qui unissait ses divers membres. Le bref énonce que Guillaume de Torreta a fait vœu

1 Bulle du 18 janvier 1459 dans Leibnitz, Codex juris gentium diplomaticus, I, 418. Raynaldi Annales ecclesiastici, ao 1459, n. 2 et 3. Voy. Helyot, Histoire des ordres religieux et militaires, VIII, 58; G. Voigt, Enea Silvio de' Piccolomini als Papst Pius der Zweite, tome III, p. 652

Les membres de cette société, comme ceux d'une association fondée de nos jours pour réaliser, sur les champs de bataille, les principes d'humanité et de charité, portaient une croix rouge sur un fond blanc (Pro habitu quoque regulari deferent crucem rubeam in campo albo.)

2 Hoc anno novam militiam, societatem Jesu Christi nuncupatam, quæ se bello in Turcos gerendo fideique amplificandæ devoverat, multis privilegiis decoravit, atque universos præsules, reges, ac principes rogavit, ut eos, qui hujusmodi se societati aggregarent proficiscerenturque in barbaros, opera et studiis juvarent. Quæ littera hac nota temporis consignata. Dat. Mantuæ anno MCDLIX ш Kal julii. Pontific. anno 1. (Raynaldi Annales ecclesiastici, ao 1459 no 83.)

Charissime in Christo fili, salutem et apostolicam benedictionem. Intelleximus dilectum filium Guillermum de Torreta votum emisisse societatem, sub vocabulo Jesu nuncupatam, ad Dei honorem et infidelium oppugnationem noviter institutam, ingrediendi, et in ea una cum aliis pro defensione fidei Christianæ contra Turcos persistere velle. Verum cum is impresentiarum in civitate Astensi in tuis servitiis permanere asseratur, et votum suum hujusmodi ac desiderium adimplere nequeat, nisi tuæ serenitatis licentiam obtineat: Exhortamur idcirco celsitudinem tuam ac rogamus, ut tu, qui christianissimum nomen a proavis et predecessoribus tuis clarissimis regibus per longissimam temporum seriem ductum amplioribus tuis virtutibus

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d'entrer dans la société de Jésus, mais qu'il ne peut accomplir ce vœu sans être dégagé par le roi de France, au service duquel il se trouvait en Italie, de ses devoirs d'obéissance : le pape, invoquant les services rendus à la foi chrétienne par les prédécesseurs du monarque français, le prie d'accorder cette autorisation, ajoutant qu'il destinait Torreta, en raison de son extrême mérite, à devenir un des propagateurs de la nouvelle milice.

D'autre part, le secrétaire intime du pape, Gobellinus, nous fournit, dans ses Commentarii, quelques détails sur les circonstances qui ont présidé à l'institution de la Société et sur le personnage qui en avait eu la première pensée, mais dont le caractère moral était loin de répondre au but sérieux de l'institution. Suivant cet auteur, c'est un Français', nommé Gérard, qui, après s'être livré à Bologne à une profession très suspecte, aurait éprouvé un zèle ardent pour la Croisade et demandé au pape l'autorisation d'organiser, sous le nom de Société de Jésus, un corps de troupe bien discipliné. Pie II n'aurait accédé à cette demande que sur les instances du cardinal Bessarion et aurait stipulé expressément que nul ne serait reçu membre de cette Société, sans avoir servi à ses frais un an contre les Turcs.

roborasti, in hac pia causa non deficias, et præfato Guillermo, quem propter suas eximias virtutes ac merita promotorem dicta societatis deputavimus, liberam licentiam concedere placeat ut cum bona gratia tuæ serenitatis recedere et ad serviendum præfatæ societati accedere valeat. In quo rem Deo imprimis acceptam fidei utilem et necessariam, et honori tuæ regiæ amplitudinis convenientem efficies. Datum Mantuæ, sub annulo Piscatoris, die decima tertia Octobris, millesimo quadringentesimo quinquagesimo nono, Pontificatus vero nostri anno secundo. Marcellus (d'Achery, Spicilegium, III, 806; Leibnitz, Codex juris gentium dipl., I, 420).

1 D'autre part, Pie II écrit de Pérouse le 9 février 1459 au cardinal de Cusa au sujet d'un Almannus à qui, sur les instances de Bessarion, il avait confié le soin de lever dix mille hommes pour la Croisade. (Rainaldi Annales eccl., ao 1459, no 10); —Voy. Vast, Le cardinal Bessarion, p. 234.

G. Voigt (op. cit., III, p. 57) ne doute pas qu'il ne s'agisse de Gérard. Peut-être celui-ci était-il originaire de Bourgogne.

Après s'être rendu en France avec des lettres de recommandation, Gérard laisse passer quatre ans sans donner de ses nouvelles, puis il transmet à la cour de Rome par un messager spécial les renseignements les plus favorables sur le succès de son entreprise, en y joignant la demande d'une bannière, d'un subside pécuniaire et d'un don personnel de 200 ducats pour l'aider à délivrer son fils des mains de ses créanciers. Un délégué du pape, Lucas, originaire de Dalmatie, est chargé de s'enquérir du véritable état des choses et envoyé en même temps auprès du duc de Bourgogne pour les affaires de la Croisade. Il reçoit de Gérard les meilleures assurances, mais après avoir parcouru les provinces de la Bourgogne, il doit constater l'inanité absolue des brillantes assertions du capitaine apostolique, lequel se dérobe entièrement '.

Tels étaient, croyons-nous, les seuls renseignements relatifs à l'histoire de la Compagnie de Jésus du XVe siècle, lorsque la Revue des Sociétés savantes a publié trois documents communiqués par M. Castan, de Besançon, savoir: Une délibération du Chapitre métropolitain de Besançon, du 11 février 1 463, ordonnant une procession en l'honneur de la promulgation des bulles instituant la Société de Jésus, et deux lettres adressées au Conseil de Besançon sur le même sujet, la première par Frédéric III, le 26 juin 1465, la seconde par le roi de Hongrie, Matthias Corvin, le 23 septembre 1465: le roi annonçait que les frères de cette Compagnie devaient se réunir dans son royaume à la fin de mars 1466, et qu'il les invitait à lui envoyer dès le mois d'octobre un délégué pour håter les préparatifs.

L'intérêt avec lequel cette publication a été accueillie nous a engagé à examiner de plus près diverses lettres conservées aux archives de Genève et se rapportant à la même institution.

1 Nous reproduisons, à la suite des documents de nos Archives, le texte des Commentarii. Voy. aussi G. Voigt, op. cit., III, p. 56.

2 Année 1876, p. 479.

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