les grands y ajoutent un morceau de toile étroite, qu'ils rejettent sur les épaules en guise de manteau, ou qu'ils emploient au lieu de ceinture; quelques uns portent de petits bonnets presque pointus, qui ne leur couvrent que la nuque; tous ont la tète rasée ainsi que la barbe, à l'exception de cette partie du visage qui se trouve entre le nez et le menton; il en est qui portent des pièces de toiles de coton roulées en turban autour de leur tête, mais le plus grand nombre n'est vètu que de la ceinture en bas, tout le reste du corps demeure découvert; leurs bras sont ornés de bracelets d'or, et à leurs côtés pendent des épées d'environ deux pieds et demi de longueur, qu'ils appellent cas (cri), dont le fourreau en bois, très bien travaillé, est d'une seule pièce, et dont la poignée est d'or massif artistement ouvrée.

ARMES DES HABITANS DE LA TAPROBANE.

Il n'est personne dans ces contrées, grand ou petit, quelle que soit sa profession, qui ne porte à son côté un cas (cri). Leurs armes ressemblent assez à des javelines dont le fer serait rétréci et allongé et le bois plus épais et plus lourd ; ils ont en outre des targes et des rondaches de cuir de buffle de l'épaisseur d'un doigt ; celles qui sont en bois sont recouvertes de peaux de poissons, de

serpens ou de quelque autre animal; au moyen de sarbacanes ils lancent de petites flèches dont le fer est très aigu.

FRUITS ET GRAINS DE CETTE CONTRÉE.

:

Parmi tous les fruits dont cette terre abonde, et dont nous ignorons les noms, il en est deux que nous allons décrire le premier, qu'ils appellent pisan, a la forme d'un petit concombre, il naît sur un arbre et offre une nourriture à la fois saine et délicate; l'autre ressemble assez, à l'extérieur, à une pomme de pin ou à un artichaut ; sa couleur est verte, et il renferme un fruit qui a la 'forme et le goût de la châtaigne : ce fruit est environné d'une pellicule laiteuse et entièrement sucrée.

Les naturels estiment par-dessus tout les feuilles d'une herbe ou d'un arbuste qu'ils appellent betel, et un fruit nommé areca, aussi l'usage en est-il généralement répandu. Le pays est extrêmement fertile en millet, riz et poivre; ce dernier est d'une qualité supérieure à celui des autres îles de l'orient, qui, toutes ensemble, n'en fournissent pas autant que celle-ci. Le palmier produit du vin. Les naturels n'ont de monnaie que celle qui leur est apportée d'ailleurs; mais leurs achats et leurs ventes se font au poids d'or. Les draps et les toiles sont

mesurés au moyen d'une aune de la longueur d'une coudée. Le poivre est mesuré par le moyen d'une espèce de gros roseau coupé qui contient environ deux livres de poivre.

Après avoir chargé nos vaisseaux de poivre et autres épices, nous repartimes pour Dieppe, où nous arrivâmes à bon port, après une si longue et si dangereuse navigation, entreprise pour la plus grande gloire de Dieu et de la couronne de France.

JOURNAL DU VOYAGE

DE JEAN PARMENTIER, DE DIEPPE,

A L'ILE DE SUMATRA,

EN L'ANNÉE 1529.

Mémoire que nous issismes du Havre, de Dieppe, le jour de Pasques, 28e jour de mars 1529, environ deux heures après midi, et nostre nef, la Pensée, fut mise en rade honnestement sans toucher; mais le Sacre toucha et ne peut isser de ceste marée, et issit et fut mis en rade la marée après minuit.

Le vendredi en suivant, 2e avril, environ 6 heures après midi, se recueillit notre capitaine Jouan Parmentier et notre maistre Mi

chel Merry et le reste des compagnons ès tous les deux navires la Pensée et le Sacre.

Cedit jour, après minuit, environ deux heures du samedi, 3e avril, furent hallés nos ancres, mis les voiles hault, partismes de la rade de Dieppe, à la conduite d'un doux vent nord

est, qui nous poussa sérieusement jusqu'au travers de la Hougue. Ceste nuit, au 2e quart, qui est environ minuit, je vis en la moyenne région de l'air, une flamme de feu, ronde comme une boule, et en sortit une petite de dedans, rendoit aussi grande lumière qu'un éclair de tonnerre, et dura peu sans être consommée.

Ce vendredi, sur le midi, nord-ouest, 9 avril, commença à souffler, courusmes à la voile au sor-ouest jusqu'au samedi mi-relevée.

Ce samedi, 10 jour d'avril, vers le soir, nous vismes le cap de Finis-terres, environ au sudsud-est de nous, et courusmes au sud-sor-ouest toute la nuit.

Le dimanche, 11o jour, eusmes bon vent de nord, courusmes au sud-sor-ouest, le soir nous courusmes au sud et vent derrière allant bon train.

Le 12e jour d'avril, nous prinsmes la hauteur du soleil à midi, nous trouvasmes à 39 degrés 10 minutes de la ligne, et tout ce jour et la nuit courusmes au sud, bon vent derrière.

Le mardi, 13 jour, courusmes au sud, vent derrière; et, au commencement du soir, courusmes au sud et su-est.

Le mercredi, 14e jour, nous mismes le cap au sud-su-est, nord-est nous poussoit vivement.