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appui que puisse avoir la marine, et l'appréciateur le plus éclairé de ses entreprises. Nous croyons que la dépense que nécessitent ces voyages dut être le seul motif d'en arrêter le cours. Cette considération, à notre sens, doit céder à l'intérêt qui nous semble inappréciable, de former des marins expérimentés.

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« La mer, dit le bon capitaine Blanchard « dans son excellent ouvrage sur le commerce « de l'Inde, est l'école du navigateur : la théorie « doit éclairer la pratique, mais c'est sur un vaisseau que se forment ces hommes si nécessaires au soutien et à la gloire de la nation. Le tillac a fait plus de héros que le port, et « l'on rêve plus profondément sur les élémens d'Euclide, à la poupe d'un vaisseau, que dans « son alcôve. » C'est dans ces voyages de deux et trois années consécutives, qu'un marin acquiert plus d'expérience, fait plus d'observations, qu'il n'en pourrait faire pendant trente ans à terre. Passant tous ses jours avec des savans distingués, occupés sans cesse des observations qui leur sont propres, sa vie à bord est un cours pratique des diverses sciences qui constituent l'ensemble des connaissances qu'il doit posséder. L'officier ne profite pas seul dans ces écoles ambulantes, voguant d'un pôle

à l'autre ; les marins qui forment les équipages, choisis parmi des jeunes gens éclairés, peuvent devenir une pépinière où se trouvera plus d'un sujet de haute distinction: Cook naviguait, à son début, sur les navires charbonniers de Sunderland. La nation supportera sans regret une dépense bien faible en comparaison des résultats utiles qu'elle peut et doit avoir. Espérons donc que ces voyages seront repris, et que le pavillon de France, qui n'a paru, depuis notre glorieuse révolution, dans les mers de l'Océanie et des Indes, que sur quelques bàtimens de commerce, y flottera enfin sur des vaisseaux de l'état, et apprendra aux peuples de ces régions que la grande et libérale nation, qu'ils connurent la première et qu'ils n'ont cessé de préférer depuis, n'est pas exilée de leurs parages: cette considération serait, ce nous semble, de nature à mériter quelque

attention.

L'encouragement aux expéditions maritimes fut toujours un des moyens que de bons esprits indiquèrent pour occuper cette population à l'accroissement de laqu'elle on ne peut prescrire de terme. « La France, dit un écri« vain du commencement du xvure siècle, qui a « les deux mers comme ses deux bras à com

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mandement, a nombre d'hommes de cou« rage et de service, abondance de tous vivres, << et commoditez nécessaires pour faire équiper « et fournir armées et flottes pour la guerre et « le commerce. Ce qui seroit un bon employ << de ce qu'elle a de trop, et un salutaire re«< mède aux maux qui l'accablent, comme est la fainéantise, la mendicité, les duels, les « procez, le nombre excessif d'officiers de jus«tice et finance, la multiplication non néces« saire de gens qui estudient, et qui pourroient plus utilement estre employez au trafic, peuplades, arts et agriculture. »

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Ce que le bon sens dictait à notre anonyme, en 1630, peut avec plus de raison être répété aujourd'hui. La population de la France était alors d'un quart moins nombreuse, et celle de la plupart des grandes villes, inférieure de plus d'un tiers. L'industrie n'enchaînait pas aux alternatives si variables et si soudaines de sa prospérité ou de sa décadence, l'existence de plusieurs millions d'individus ; une invention, une découverte ne paralysait pas tout à coup, comme nous l'avons vu, comme nous le verrons encore, une partie de cette immense population industrielle. Il faut, si nous recueillons les avantages d'une civilisation progressive,

pourvoir aux inconvéniens qui les accompagnent. Il faut donc assurer des moyens de subsistance à ceux que les progrès imprescriptibles de l'intelligence menacent et sacrifient chaque jour. Nos voisins ont bien senti cette nécessité, aussi les voyons-nous, depuis quarante ans, former dans les diverses parties du monde des colonies florissantes, asiles de ceux qui ne peuvent plus subsister sur le sol de la métropole. Les fautes du passé ont servi à l'Angleterre de leçon pour l'avenir, et les modifications qu'elle a eu la prudence de faire à son régime colonial, ne désuniront plus les enfans d'une même patrie.

Dans le précis où nous avons indiqué l'origine et tracé les développemens de la marine et du commerce, nous nous sommes défendus d'une partialité dont le motif eût été notre excuse, car on se persuade aisément ce qu'on désire, et le patriotisme a aussi ses prestiges et ses erreurs; mais nous croyons avoir résisté à cette séduction: notre opinion sur la priorité qu'eurent les Dieppois dans les expéditions lointaines et dans les établissemens coloniaux sur les autres marins du littoral français, est attestée par tous les historiens, et démontrée par l'état du royaume aux diverses époques;

c'est avec raison que De Thou a dit d'eux: Penes quos præcipua rei nautica gloria semper fuit. Le génie de la navigation et du commerce qui s'y développa plus tôt, a toujours dominé dans cette population, dont, il faut le dire à regret, on n'apprécie pas assez le mérite, et dont on néglige d'une manière déplorable tous les intérêts.

A l'honneur d'avoir, à toutes les époques, donné à la France des marins intrépides et expérimentés, la Normandie joint celui d'avoir produit les cosmographes les plus anciens et les plus éclairés, les géographes les plus érudits et les plus distingués; nous parlons de Denis de Honfleur, de Vallard, parmi les premiers; nous citerons encore Descalliers, fondateur de l'Ecole Dieppoise, aux leçons de qui Cousin dut ses connaissances et sa célébrité. La tradition conservé à Descalliers la réputation de l'hydrographe le plus célèbre de son temps. Nous citerons parmi les modernes, Bruzen de La Martinière, né à Dieppe, que son immense érudition place à côté de l'illustre Danville son contemporain; Daprès de Mannevillette, né au Havre, auteur du Neptune Oriental, ou Instructions pour la navigation dans la mer des Indes, ouvrage dont le temps et l'expérience ont aug

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