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de pêche sur la Vilaine, depuis les moulins de Rennes en remontant jusqu'à ceux de Cesson.

Avant la mort de sa mère Havoise, qui mourut en 1034, èt de concert avec elle et son frère Eudon, Alain fit encore divers dons à l'abbesse de Saint-Georges. Il faut rapporter à cette époque la donation du monastère de Saint-Pierre-duMarché, celle de l'île d'Artz, dans le Morbihan, celle de Chavagne, celle de la vallée du Linon, celle de Saint-Georges-deGrehaigne, celle de Pleubihan, ratifiée et confirmée, après la mort de la duchesse, par ses deux fils.

Parmi les bienfaiteurs du monastère, les chartes de notre curieux Cartulaire et les documents recueillis et conservés dans les archives de l'abbaye de Saint-Georges nomment, pendant les x et x1° siècles, à la suite des princes de la famille ducale, fondateurs originaires, le comte Geoffroi, frère naturel -d'Alain III; Conan II, fils d'Alain, avec sa mère, Berthe de Chartres; le duc Alain Fergent, Conan III. Viennent ensuite les grands vassaux les sires de Vitré, de Fougères, de Craon, de La Guerche, de Châteaugiron, d'Acigné; les seigneurs de Tinténiac, d'Apigné, de Bruz, de Lancé, de Saint-Gilles, de Mordelles, de Monbourcher, de Champeaux, etc., etc.

Mais n'anticipons pas. Il y aura lieu de revenir, avec quelque détail, sur certains de ces bienfaiteurs.

Pour le moment, il s'agit des origines de l'abbaye. C'était en 1032 que se passait l'incident dont le récit va suivre.

On travaillait à la construction de l'église et du monastère sur le terrain donné par le duc Alain à sa sœur bien-aimée. Adèle de Bretagne avait dit adieu à toutes les pompes mondaines; revêtue du sévère costume bénédictin, elle venait avec ses saintes compagnes prendre possession des bâtiments non encore achevés. Devant elle se présente une noble dame, la vicomtesse Roiantelina. Cédant à une inspiration d'en haut,

analogue à celle qui dirigeait la fille de nos ducs bretons, Roiantelina avait essayé de réunir à quelque distance de Rennes, sur le territoire de Chavagne, une congrégation de femmes, pour y vivre dans les exercices de la vie cénobitique. Mais le lieu et les ressources pour consolider un pareil établissement étaient reconnus insuffisants par la fondatrice. Elle venait donc prier l'abbesse Adèle, qui avait pris le titre de « servante des servantes du Christ, »> ancillarum Christi ancilla, d'accueillir dans son monastère et d'admettre comme ses filles les neuf religieuses qu'elle lui amenait.

A cette occasion, Roiantelina fit don à l'abbesse de SaintGeorges de la seigneurie de la Chapelle-Janson, de plusieurs métairies dans le pays de Combourg et de Pleine-Fougères, de la paroisse de Saint-Séglin avec tout ce qu'elle y possédait ; enfin, la vicomtesse offrit encore vingt bœufs, douze vaches et dix-huit cavales. Elle voulait même s'engager à entretenir d'habits ses neuf 'religieuses, pendant toute leur vie. Mais l'abbesse Adèle n'y put consentir: c'eût été, contrairement à la règle de l'Ordre, laisser « la contagion de l'esprit de propriété infecter sa famille religieuse. » Car c'est du supérieur seul que les cénobites qui suivent la règle de saint Benoît doivent attendre tout ce qui concerne l'alimentation et l'entretien de la vie de l'âme et du corps.

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Le bourg avec la paroisse de Chavagne, dont il vient d'être question, ne tarda guère à devenir une des dépendances de Saint-Georges: il était la propriété de la duchesse Havoise, mère d'Adèle, qui le tenait de la libéralité de son époux, le duc Geoffroi, comme « présent de noces (enepgwerch). Havoise s'empressa d'investir l'abbaye que gouvernait sa fille de tous ses droits sur Chavagne. Elle y ajouta bientôt d'autres largesses. C'est ainsi qu'en 1034, elle augmenta les revenus du monastère par le don de la paroisse et des fiefs de Pleubihan, sur le rivage de la mer, dans le diocèse de Tréguier

Ce don, ratifié par ses fils Alain et Eudon, la même année, comprenait une foule de redevances productives dont on verra le détail dans le Cartulaire : elles se levaient sur les chevaliers comme sur les vassaux non nobles, a cum equitibus et villanis. » Il nous suffira d'indiquer ici que, pour la perception des coutumes et des rentes seigneuriales, soumise à la surveillance d'un prévôt féodé qui était en même temps juge temporel pour l'exercice de la juridiction abbatiale, le fief de Pleubihan était divisé en trèves (1).

Il y avait en 1030, dans la partie orientale de la ville de Rennes, « in suburbio, » en face de la porte principale de la cité, « ante portam civitatis magnam, » ouvrant sur le « forsbourg de la Baudrairie, » et dite au xive et xve siècles « porte Baudraere, il y avait un ancien moustier, une église dédiée à saint Pierre. On l'appelait « Saint-Pierre-du-Marché » - ecclesia ou monasterium Sancti Petri de foro parce qu'elle était située sur la grande place où se tenait le marché forain des bourgeois, à ciel ouvert. Il ne faut pas le confondre avec le marché couvert la COHUE qui était renfermé dans l'enceinte murée; il fournissait un des importants revenus du domaine ducal.

Alain III et sa mère donnèrent cette église de Saint-Pierre à l'abbaye de Saint-Georges, avec un droit de bouteillage qui consistait en ceci : Tout habitant de Rennes qui vendait vin dans les limites du cimetière de ladite église, devait à SaintGeorges la redevance d'une bouteille sur chaque tonneau plein, d'une demi-bouteille sur chaque demi-tonneau.

Il faut lire dans le Cartulaire le récit d'un procès qui eut lieu, vers 1050, au sujet de cette redevance contestée par deux bourgeois de Rennes (2) « en proie aux feux de l'envie

(1) Tres, treu ou tref. Il y en avait huit en Pleubihan. (2) Invidic avaricieque æstibus accensi... (Cart., fo 3o.)

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et de l'avarice, » et comment le duc Conan, neveu d'Adèle de Bretagne, fit justice de la mauvaise foi de ces réclamations mal fondées, en maintenant ferme le droit de l'abbaye.

L'église de Saint-Pierre, que mentionnent encore les chartes de la fin du XIe siècle et celles du x1°, n'existait plus au commencement du x; elle avait été détruite pendant les guerres fréquentes qui se succédèrent depuis la fin du règne de Conan IV jusqu'au temps de Pierre de Dreux.

En 1230, le Chapitre des chanoines de Saint-Pierre de Rennes concéda à l'abbesse de Saint-Georges et à sa communauté les droits de patronage qu'il possédait sur la chapelle de Saint-Sauveur de la Cité, à condition que, pour remplacer l'église de Saint-Pierre-du-Marché, tombée alors en ruines - diruta l'abbesse s'engageât à reconstruire une église paroissiale.

-

En exécution de cette clause, et pour suppléer à la réédification de Saint-Pierre, qui ne put s'effectuer, une portion notable de l'église abbatiale de Saint-Georges, tout le collatéral Nord, fut affectée au service de la paroisse, qui prit le nom de « Saint-Pierre en Saint-Georges. Cette partie de l'édifice monastique, agrandie en 1477 (comme le constate un acte des archives de Saint-Georges) (1), resta jusqu'à la Révolution de 89 consacrée à desservir la paroisse de SaintPierre (2).

Le récit de ce qui concerne Saint-Pierre-du-Marché nous a entraîné jusqu'à nos jours; il convient de revenir en arrière et de se reporter aux souvenirs anciens qui revivent dans les

actes de notre Cartulaire.

(1) V. l'Appendice.

(2) Cette paroisse a été supprimée lors de la restauration du culte, en même temps que les paroisses de Saint-Jean et de Saint-Martin.

CHAPITRE IV.

L'abbaye sous le duc Conan II et sous Alain Fergent.

Geoffrol-le-Bâtard.

-

Le comte Giron, fils d'Ansquetil, premier siro de

Les sires d'Acigné. Un des premiers croisés La prévôté de Pleubihan.

Châteaugiron. bretons.

Le duc Alain III venait de mourir en Normandie; il fut, d'après les chroniqueurs contemporains, victime d'un empoisonnement. C'était en 1040, au retour d'une expédition contre les seigneurs normands rebelles à son pupille, le jeune duc Guillaume-le-Bâtard, fils du fameux Robert-le-Diable, mort à Nice en 1036, au retour de son pèlerinage de Jérusalem, comme il a été raconté ci-dessus.

La duchesse Berthe, veuve d'Alain, avait la tutelle et la garde de son fils Conan, âgé de trois mois. La nouvelle du décès de son époux lui arrive. Dans les premiers moments de sa douleur, la princesse exhale ses regrets, et pour obtenir des religieuses de Saint-Georges de plus ferventes prières pour l'âme de l'illustre défunt, elle leur fait don de la paroisse de Plogasnou, dans le pays de Léon, avec tous les droits seigneuriaux et domaniaux, les priviléges, rentes et revenus appartenant au comte suzerain (1).

A vingt-deux ans de là, en 1061, Conan ratifiait solennellement cette donation de sa mère Berthe, d'accord avec ses grands vassaux.

Conan, on l'a vu déjà, se montra fidèle protecteur des im

(1) Parochiam que est in pago Leonensi que vocatur Ploicathno (Plogasnou), totam ex integro et quidquid juris habebamus cum toto dominio nostro; ut abbatissa Sancti Georgii ita libere et principaliter teneat, sicut ipse consul solebat tenere. (Cart., fo 7, vso.)

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