Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Item, quant on arme par eulx, se on prent navires, tous le gaing est à eulx, excepté la navire qui demeure au seigneur tant seullement. Et pareillement se l'on prend chasteaulx ou villes, ilz vuillent avoir tout le pilaige et ne demeure au seigneur que les maisons vuide, sans toutes fois, quelque gaing qu'ilz facent, riens vouloir rabatre de leur soulde. Et par ainsi ilz ont tout l'avoir d'amis et d'anemis; et en terre ne vous en pourriés aidier; car ilz n'y valent peu et n'y a nulle ordonnance en eulx ne que en pourceaux.

Item, on puet savoir que lesdits Viniciens pour riens ne vauldroient que nulle estrange nacion feisse conqueste par delà, et espécialement les François; car leurs principales seigneuries y sont et aussi toutes leurs marchandises; et y leur semble que lesdicts François leur seroient trop durs et puissans voisins; pourquoy ne seroit pas grant seurté d'avoir fiance en eulx; mais ilz vouldroient bien que lesdicts François eussent aucunement maté ledict Turc tellement que ilz puisissent voisiner avec eulx. Et que quant ilz verroient lesdicts Turcs assez matez, ilz pensissent par leurs puissance et subtilités faire cesser ladicte guerre.

Item, quant armeriés par eulx et vous vouldriés faire amprise sus autres infidelz que sur lesdicts Turcs, ne consentiroient en nulle manière que leurs galées et autres navires y alassent.

Item, pour le bien et sécurité de ladicte armée, est de nécessité de la faire de pluseurs nacions; car, en ce faisant, y ny puet avoir manipole ne conspiration; laquelle chose advient souvent et est très doubteuse, quant ladicte armée se fait la plus part d'une nacion; et quant ilz congnoissent que sans eulx on ne puet. Pour quoy la fault faire de tant de nacions que, quant l'une ou deux vouldroient faire manipole ou conspiracion, vostre emprinse ne restat.

Item, se vous voulez avoir plus de galées que les six que vous voulez faire afaire, ne doubtez rens que en trouverés

assez meilleurs et mieulx armées que celles des Viniciens et à meilleur marchié; car se voulez avoir messire Bernard de Villammarin, très voulentiers il vous viendra servir à tout trois ou quatre galées; lequel messire Bernard est très gentilz chevalier et lequel ne fist oncques guerre que pour son prince et honnorable et sans riens prendre que sur ses ennemis; et pareillement seur de Naves, lequel est très gentilz escuier, et pluseurs autres. Et pleut à Dieu que vous puissiés autant trouver d'argent que l'on vous trouvera de galées bien armées et de gens de bien sans le dangier desdicts Viniciens, et lesquelz vous serviront mieulx et à beaucoup meilleur marchié que lesdicts Viniciens, comme plus à plain vous sera desclairié quant vous plaira.

Item se voulés armer galées par aucune communaultés, armés à Ligorne (Livourne) qui est aux Florantins, lesquelz le feront voulentiers et n'y aura nulz dangiers; car ilz n'ont nulles terres en Levant, ne nulles habitudes ne conversacions avec lesdictz Turcs. Et se Nostre Saint Père leur donne des indulgences, dismes et autres manyères pour lever argent en leurs segnories de culx mesmes, ilz en armeront comment ilz offrirent de faire au pappe Calixte; et pareillement ceulx d'Araguiste comment ilz firent au pappe Eugène; et le pappe en a qu'il pourra pareillement armer.

Item, en levant argent ou pays de monseigneur de Savoye par telle manière, est à croire que le fera voulentiers; car se seroit tout le grand bien de son filz (1) le roi de Chippre et la ressuscitacion de sondit royaulme; et il le peut bien faire à Nyce. Et si a en son pays ung gentilz chevalier qui le fera bien faire; car il l'a autresfois fait. C'est messire Nicot de Menthon ; et pareillement pourra faire le duc de Millan, monseigneur de Bretaigne, en armant baleniers et carnelles et plusieurs autres

(1) Louis, fils du duc Louis de Savoie, épousa en 1458, Charlotte, reine de Chypre, et devint ainsi roi de Chypre Dépossédé en 1464.

princes, des deniers lesquelz par telle manière seroient levés en leurs pays.

Item, nostredit Saint Père pourra faire commendement aux prieurs de tous les royaulmes crestiens de l'ordre de saint Jehan de Roddes, que deux à deux ou trois à trois, selon leurs facultés, ilz arment galées; et ainsi en pourrés recouvrer grande quantité et sans les autres, dont présentement on ne soueste.

Item, quant vouldrés faire vostre armée, ceulx qui auront la charge de mener vos gens d'armes, une partie pourront monter en belles carnelles, chascune de cent tonneaux ou environ; lesquelles vogueront chascune à cinquante raymes et pourront pourter chascune cent hommes et leurs vivres pour six mois, pour chascune monstrer la barbe à une galée.

Item, ceulx qui menront le demorant de vosdictes gens d'armes et vivres et artilleries pourront prendre navires de tous pays; car en les prenant de pluseurs nacions vostre dicte armée en sera plus seure, pour ce que ilz ne pourront faire manipole ne conspiracion, comme dist est.

Item, quant lesdits Viniciens verront que aurés parfaicte vostre armée sans leurs dangiers, pour doubtes de leurs seignories qu'est pardelà comme dist est, vous viendront servir sans mander.

Item, la cause qui me meust de faire afaire vosdictes galées en Avignon, est pour ce que c'est terre de pappe, non subgecte à aucun prince, oultre tous les pons qui sont sur le Rone et près de la mer; en laquelle ville on peut légièrement descendre vivres et artileries par les rivières de la Sône et dudit Rône.

Item, et quant vous vouldrés faire vostredicte armée, est de neccessité de la conclure ung an devant largement et de baillier aux seigneurs et capitaines chascun sa charge, affin que chascun se pourvoye de gens, de navires et autres choses à culx neccessaires, et selon les charges que leur baillerés.

Item, pareillement ordonner qui menra vostre artillerie et quelle artillerie vous menrés, en les fornissant de navires, et

par ainsi vous n'aurés à faire que de trouver argent, sans lequel riens ne peut estre fait.

Item, pour ce que l'en y a aucungs qui doubtent d'estre malade de la mer, pour les reconforter saichent de vray que la nature de la mer de pardelà est telle: c'est assavoir que en esté, incontinent le vent calés, incontinent la mer est bonasse, qu'est le contraire en la mer d'Espaigne. Item, ainsi que le soleil se haulse, l'ambat de ponant croist qui est pour nous; et ainsi que il se décline, ledict vent cale et toute la nuyt bonasse, excepté un petit vent qui vient de terre, lequel à paine on peut sentir. Et ainsi la nuyt on peut navigher, ou à voelle ou à remes, terre à terre, lequel que l'on veult, aussi doulcement que par ung estant. Et de disnée en souppée on peut estre en bon point; esquelz se fort temps se levoit, pourrions actendre jusques ilz fust passez. Et lequel mal temps en esté advient trop peu souvent esdictes mers; et se il l'y survient, si ne dure de guières.

[ocr errors]

Extraits de la Correspondance diplomatique des envoyés du duc de Savoie, Emmanuel- Philibert, près la cour de Vienne, pendant les troubles des Pays-Bas : 15671584 (1).

(Par M. le comte GIUSEPPE GREPPI.)

CORRESPONDANCE

DE BALTHASAR RAVOJRA DELLA CROCE (2).

I.

Vienne, 4 décembre 1567.

Ce matin, on s'entretenait, dans l'antichambre de S. M., des excès commis par les Espagnols dans les Flandres, de la rigoureuse répression exercée par le duc d'Albe contre les huguenots, ainsi que des troubles et de la guerre de France et des dispositions énergiques prises par le roi. Le comte Nicolas de Salm, ennemi déclaré de la sainte Église romaine, pour ne

(1) Voy. le tome XII, 2me série, p. 117 et suiv.

(2) Balthazar Ravojra della Croce fut envoyé, en qualité d'ambassadeur, par le duc de Savoie, Emmanuel-Philibert, à la cour de l'empereur Maximilien II, auquel il remit ses lettres de créance à Linz, le 8 janvier 1566.

« AnteriorContinuar »