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aucun abus parmi eux; écouter leurs plaintes, et mettre de l'ordre dans une œuvre extrêmement mobile de sa nature, et produit malheureux de l'époque la plus désastreuse et la plus anormale qui fût jamais.

Pour y mieux réussir, on commença par diviser l'État pontifical en cinq grands centres de charité, qui furent Rome, Viterbe, Pérouse, Bologne et Ferrare. Autour de ces cinq chefs-lieux vinrent se grouper les autres villes, même épiscopales, avec leurs districts : et les évêques respectifs, tant des centres principaux que des villes secondaires, devaient recevoir et placer, soit dans des maisons religieuses, soit dans des établissements particuliers, un nombre convenable d'émigrés, suivant une juste proportion établie entre leur nombre total et les ressources des populations destinées à les recevoir. Les évêques devaient, en outre, non-seulement pourvoir à l'entretien des ecclésiastiques réfugiés et surveiller leur conduite, mais encore se mettre en rapport avec Mr Caleppi, président de la commission susnommée, et relever de lui pour tout ce qui concernait l'œuvre spéciale dont il était chargé. Quant aux émigrés eux-mêmes, ils pouvaient faire connaître leurs besoins et manifester leurs désirs, soit à l'ordinaire du lieu de leur résidence, soit à M Caleppi, s'ils préféraient communiquer avec lui directement.

Voici maintenant quel était l'ordre suivi dans la circonscription des cinq chefs-lieux précités :

Sous l'évêque de Viterbe étaient placées les villes suivantes : Acquapendente, Bagnorea, Civita-Castellana, Corneto, Montefiascone, Orvieto, Sutri, Nepi, Terni, et enfin Viterbe.

Dans le district de Pérouse on avait fait entrer Amelia, Assise, Citta-di-Castello, Citta-delle-Pieve, Foligno, Narni, Nocera, Pérouse, Spolète et Todi.

A Bologne étaient annexées les villes de Bologne, Cagli, Fabriano, Matelica, Faenza, Fermo, Fossombrone, Imola,

Jesi, Loreto, Macerata, Montefeltro, Osimo, Recanati, Ripatransone, S.-Angelo in Vado, Urbania, et enfin Tolentino.

De l'évêché de Ferrare dépendaient Ancône, Bertinoro, Cervia, Césène, Comacchio, Ferrare, Forli, Gubbio, Pesaro, Ravenne, Rimini, Sinigaglia et Urbino.

Enfin le cardinal-secrétaire d'État, comme président du cercle de Rome, s'était réservé les endroits suivants, savoir: les abbayes des Trois-Fontaines, près Rome, de Farfa et S.Salvatore-Maggiore, de Sainte-Scholastique à Subiaco, de Forlimpopoli et enfin de Nonantola, près Modène, qui était entièrement dépendante du Saint-Siége; plus les évêchés d'Alatri, Albano, Anagni, Ascoli, Camerino, Ferentino, Frascati, Montalto, Ostia, Velletri, Palestrina, Piperno, Sezze, Terracine, Porto et Sainte-Rufine, Rieti, Rome, Sabine, Segni et Saint-Severino.

De cette sorte il n'y eut bientôt plus, dans tout l'État pontifical, une seule localité, si petite qu'elle fût, où ne se trouvassent quelques ecclésiastiques français émigrés. Mais une si grande œuvre ne pouvait se faire sans occasionner de grandes dépenses, et ce fut pour y faire face que le Saint-Siége se vit, pour la seconde fois, contraint de recourir au trésor célèbre déposé par Sixte V au château Saint-Ange, et d'y prendre un demi-million d'écus romains (1). Dans une circonstance analogue, Clément XIII avait déjà puisé, à la même source de ces cinq millions, des sommes considérables pour subvenir à l'indigence des jésuites réfugiés dans son État ; le reste en devait bientôt disparaître pour payer les frais de la honteuse paix de Tolentino, du 17 février 1797, qui acheva de l'engloutir avec bien d'autres richesses encore.

(1) Voir l'allocution du Saint-Père à ce sujet, du 3 décembre 1792, dans le ter vol. de ce recueil, no 54. Le pape dit qu'il destinait cet argent à faire des préparatifs de défense, dans le cas d'une invasion française. Une partie de cette somme a bien pu être employée dans ce but, mais la plus grande quantité fut certainement dépensée pour le soulagerment des Français émigrés.

Le 26 janvier de l'année suivante 1793, le Souverain Pontife, par une lettre circulaire adressée aux évêques de ses États, imprima une marche encore plus régulière à l'OEuvre pie de Phospitalité française. Pie VI, dans cette lettre, après avoir rappelé les dispositions de la circulaire précédente qui étaient déjà en vigueur, y ajoute quelques règles nouvelles empreintes d'une haute sagesse, et exigées par les circonstances non moins que par les besoins des ecclésiastiques émigrés. Cette pièce, corrigée aussi par le Saint-Père lui-même et envoyée aux ordinaires par M Caleppi, est fort belle, et nous l'insérons ici en son entier :

Rome, 26 janvier 1793.

« Les rapports que j'ai souvent eu l'occasion de vous faire relativement aux secours procurés par Sa Sainteté aux ecclésiastiques français réfugiés dans ses États ne vous ont pas laissé ignorer qu'en même temps qu'elle applaudissait avec la plus vive satisfaction au zèle ardent et affectueux des archevêques, des évêques, des communautés régulières et autres établissements pieux, à seconder ses intentions bienfaisantes dans un sujet aussi grave, elle n'a pas négligé un seul moment de surveiller avec la plus scrupuleuse attention l'état et la conduite des réfugiés, pour éloigner du sanctuaire tout ce qui aurait pu s'y glisser d'impur, assurer de la manière la plus efficace la tranquillité de ceux qui leur accordent généreusement les bienfaits de l'hospitalité, enfin établir une juste proportion dans le partage des charges dont elle n'aurait pas laissé le poids à ses chers sujets, si elle n'y eût été sollicitée par les intérêts plus puissants encore de la religion,

« L'ordre et la règle voulant, dans les moyens d'exécution, un plan analogue à la sagesse de l'entreprise, l'intention de Sa Sainteté est que les divers règlements particuliers soient réunis dans une même instruction générale, où les archevêques et évêques, chacun pour leurs diocèses, et ensuite les réguliers, trouvent tout ce qui concernera la conduite qu'ils auront à tenir à l'égard de leurs nouveaux hôtes.

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C'est dans cette vue que Sa Sainteté a arrêté les articles qui suivent : « 1o Il sera dressé dans chaque diocèse un tableau exact, lequel sera de suite envoyé au greffe du secrétaire d'État, de tous les ecclésiastiques francais, tant séculiers que réguliers qui y sont réfugiés, en les désignant par leur nom propre, surnom, lieu de naissance, âge, les fonctions qu'ils remplissaient, ajoutant, pour les séculiers, le nom du diocèse français dans lequel ils étaient employés, et, pour les réguliers, l'ordre auquel ils appartiennent, la province dont ils dépendent, la maison religieuse dont ils sont membres, indiquant, pour les uns comme pour les autres, le lieu, le monastère ou le

couvent où chacun d'eux réside actuellement, et cela dans la forme ci-jointe. Par suite, il sera fait mention des renseignements relatifs à chacun, et des passe-ports au moyen desquels ils sont arrivés dans tel diocèse, lesquels seront déposés dans la chancellerie de l'évêché.

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a 2o Tous ecclésiastiques français réfugiés, tant séculiers que réguliers, avant d'entrer dans la maison qui leur aura été assignée, ou après y être entrés, seront tenus, immédiatement après la promulgation de la présente, de prêter serment dans la forme de la profession de foi prescrite par le pape Pie IV; en outre, de jurer et de signer le formulaire ordonné par le pape Alexandre VII, selon la teneur transcrite ici pour plus de commodité : Je, N., me soumets à la Constitution apostolique du pape Innocent X, a publiée le 31 mai 1653, et à celle du pape Alexandre VII, du 16 octobre ⚫ 1656; je rejette et condamne sincèrement les cinq propositions extraites ⚫ du livre de Corneille Jansénius, intitulé Augustinus, dans le sens de l'au<< teur dudit ouvrage, lesquelles ont été condamnées par le Siége apostolique, a dans ses Constitutions rapportées ci-dessus, et je jure ainsi que Dieu, etc. >> « Conformément à la coutume établie et observée jusqu'ici dans plusieurs diocèses de France, veut Sa Sainteté que cette prestation de serment se fasse devant l'ordinaire du diocèse, ou en présence d'un vicaire général, ou de tel autre ecclésiastique d'une doctrine reconnue, qu'il lui plaira déléguer à ce sujet.

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3o Il ne sera permis à aucun des réfugiés de sortir du diocèse qui lui aura · été assigné, sans une permission expresse de l'ordinaire; aucun ne viendra à Rome sans passe-port, lequel ne sera concédé par le secrétaire d'État que sur la demande de l'ordinaire du lieu où réside l'ecclésiastique. Sa Sainteté permet audit ordinaire de relâcher et de commuer en d'autres œuvres pies le vœu de visiter les saints lieux. Ceux qui contreviendraient à l'un de ces deux points seront censés avoir renoncé par cela même et pour toujours à tout droit d'asile dans les États de l'Église, et tenus en conséquence de s'en éloigner. L'indiscrète précipitation avec laquelle on en a vu plusieurs accourir vers la capitale nécessite cette mesure générale; et il n'y a pas un sage qui puisse y voir excès de sévérité ou de précaution.

4o S'il arrivait que quelqu'un d'eux vînt à se retirer, ou s'éloignât du diocèse où il aura été reçu, l'ordinaire en fera sur-le-champ son rapport au secrétaire d'État. De même pour les cas de mort. D'après ces dispositions, il sera bon que les prêtres étrangers se présentent tous les deux mois devant l'ordinaire ou l'un de ses vicaires généraux, ou au vicaire général forain le plus voisin du lieu de leur domicile.

a

5o Ils auront de même à se présenter, pour subir l'épreuve de la manière dont ils célèbrent la messe, devant un ecclésiastique désigné pour cet office par l'ordinaire. Ces précautions ayant pour but de prévenir les irrévérences auxquelles est exposé le plus auguste de nos mystères, ne sauraient paraître minutieuses à aucun bon prêtre.

6o Ils seront tenus de se conformer, pour l'heure du repas et de la rentrée à la fin du jour, aux heures et à la règle du monastère ou couvent où ils résident, ainsi que pour l'assistance aux offices de jour et aux autres

fonctions nécessaires au service de l'église, Sa Sainteté leur accordant la permission de suivre la liturgie et la rubrique du lieu où ils résident, tant pour la récitation du saint office que pour la célébration des messes.

« 7° Quoique les religieux aient fait assez connaître l'ardeur de leur charité par le zèle avec lequel ils ont accueilli et entretenu les ecclésiastiques depuis leur exil, les êvêques n'en saisiront pas moins toutes les occasions qu'ils rencontreront de les leur recommander, et insisteront, soit auprès des réguliers, soit auprès de toutes les classes d'ecclésiastiques et de séculiers, pour les engager à ne point se relâcher dans l'exercice des œuvres de la charité.

« 8o Pour faciliter aux prêtres émigrés la perception des honoraires des messes, les ordinaires pourraient leur attribuer celles que, dans le cours de leurs visites, ils auraient trouvé ou pourront trouver en retard, et permettre que celles dont le grand nombre empêchera qu'elles ne soient acquittées dans les églises et sur les autels désignés par le fondateur ou bienfaiteur, le soient par les mêmes prêtres dans l'église du monastère où ils restent; Sa Sainteté voulant bien que les priviléges et indulgences annexées à telles églises, telles chapelles, soient étendus sur les églises et autels où ils célébreront le saint sacrifice, selon qu'il en aura été disposé par l'ordinaire.

« 9o Les évêques des diocèses où les rétributions des messes seront nulles ou d'une bien faible ressource, pourront s'aboucher avec ceux des diocèses voisins où elles sont plus fortes, même à Notre-Dame de Lorette et aux autres saints lieux situés dans l'État de l'Église : Sa Sainteté verra avec plaisir l'excédant de ces ressources refluer sur les diocèses où elles manquent. Et si tous ces efforts étaient encore insuffisants pour les besoins des prêtres, les évêques pourront s'adresser aux secrétaires des congrégations de la Visitation apostolique et de la fabrique de Saint-Pierre, qui ont déjà reçu sujet les instructions nécessaires de par Sa Sainteté.

à ce

10o Dans les maisons religieuses où l'austérité de l'institut, ou bien une constitution apostolique défend de manger gras, même aux étrangers qui y séjournent, les évêques pourront accorder la permission d'en servir aux ecclésiastiques français séculiers qui y sont réfugiés.

« 11° L'ordinaire sera libre de déterminer dans sa sagesse la manière dont l'application des messes à acquitter par ces prêtres pourra se concerter avec les dépenses nécessaires tant à leur habillement qu'à leur entretien, avec l'état du monastère ou couvent où ils demeurent. L'ordinaire avisera de même aux moyens de les employer utilement au service de son diocèse.

« 12o Aucun des ecclésiastiques français, même engagé dans les saints ordres, ne pourra être promu à des ordres supérieurs sans le témoignage de son propre évêque et sans une permission expresse de Sa Sainteté, qui la fera expédier par le secrétariat d'État, à qui il faudra s'adresser aussi dans le cas où, ce qui ne serait pas impossible, on ne pût se procurer de ces témoignages; alors Sa Sainteté veut bien consentir à suppléer à ce défaut par sa pleine autorité. Cet article aura également lieu pour les clercs qui voudront entrer dans les saints ordres.

« 13° A défaut de confesseurs qui entendent le français, l'évêque pourra

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