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a fait distribuer à l'occasion du retour de la fête des glorieux apôtres Pierre et Paul de la présente année, représentent, sur la face l'effigie de Sa Sainteté, avec cette exergue: Pius VI, Pont. M. An. XXI; et sur le revers on voit Sa Sainteté sur son trône, recevant avec amour des évêques, prélats, religieuses et autres émigrés français du clergé de France, avec ces pa. roles: Clero gallicano pulso hosp. et alim. præstita.

La charité de Pie VI ne se bornait pas à secourir les évêques réfugiés dans ses États, elle s'étendait encore à tous ceux qui s'étaient enfuis en Allemagne, en Hollande, en Suisse, en Piémont et en Toscane. Il n'est rien de plus attendrissant que de lire les lettres que ces infortunés prélats lui écrivaient pour le supplier de les secourir dans leur extrême indigence. La lecture de ces lettres et de celles des simples ecclésiastiques émigrés, écrites en pareilles circonstances, fera comprendre, mieux que les plus éloquents panégyriques, combien fut grande la charité du noble pontife; les accents de leur reconnaissance consignés dans la précieuse correspondance que ces vénérables prêtres et prélats entretenaient avec Mgr Caleppi, révéleront avec quelle délicatesse touchante le père commun des fidèles savait répandre ses bienfaits sans faire rougir ceux qui en étaient l'objet.

Cette reconnaissance, en effet, était bien légitime. Loin de nous la pensée de vouloir diminuer en rien la gloire que se sont acquise les nations européennes en venant au secours de ces nobles infortunes; mais enfin il est permis de s'étonner jusqu'à un certain point que, lorsqu'on parle de l'accueil bienveillant accordé au clergé français émigré pendant le temps désastreux de la révolution, il semble qu'on n'ait à vanter que les gouvernements qui lui accordèrent une hospitalité et des secours précaires, oubliant précisément celui du Saint-Siége, qui, malgré la faiblesse relative de ses ressources, leur conserva jusqu'à la fin la plus généreuse et la plus

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noble protection. En effet, malgré les lettres pressantes du Pape, qui ne cessait de les recommander aux puissances, les malheureux émigrés se voyaient peu à peu abandonnés de chacune d'elles, fatiguées peut-être de porter si longtemps un si pesant fardeau, ou réduites à l'impuissance par le malheur des temps.

L'Angleterre ne tarda pas à retirer les secours officiels que le gouvernement leur avait accordés si généreusement d'abord; la Suisse suivit bientôt son exemple. Les lettres écrites à cette occasion par les évêques réfugiés en Suisse surtout (où, les fortunes privées étant moins considérables, et la connaissance de la langue française pouvant moins s'utiliser, la position des émigrés y devenait d'autant plus dure): ces lettres, disonsnous, déchiraient le cœur du Saint-Père. L'Espagne, la Belgique, la Hollande et l'Allemagne, sans cesser tout à fait de secourir leurs hôtes infortunés, devenaient, par les mêmes raisons, moins libérales à leur égard. Les ressources que ceux-ci y trouvaient encore tarissaient aussitôt que les armées révolutionnaires mettaient le pied dans les pays de leur exil. En Piémont et en Toscane, comme en Belgique et en Hollande, la révolution victorieuse chassait devant elle ses victimes comme par un prolongement de la Terreur, et partout où les évêques et les prêtres émigrés jouissaient du bienfait de l'hospitalité, ils se voyaient bientôt contraints de chercher leur salut dans la fuite, pour échapper au fer ensanglanté de ces hordes sauvages, et d'errer dans le plus grand dénûment de pays en pays, jusqu'à ce qu'ils vinssent abriter enfin leurs douleurs au pied du trône de saint Pierre, devenu leur seul refuge et presque leur unique appui.

A la vue du touchant spectacle d'un Pape partageant dans la douleur et dans les larmes le pain de son indigence avec ses enfants exilés, on se croit presque transporté au temps des Catacombes ou dans ces tristes jours où l'Église d'Afrique, si

cruellement éprouvée par la fureur des Goths et des Vandales, recueillait les fruits amers de la doctrine impie des Arius et des Donat. Il est rare que l'histoire de l'hérésie, qui commence par l'orgueil de l'esprit, ne finisse pas par l'orgueil de la force brutale, et ne voie pas sa dernière page écrite avec du sang, soit par le glaive des révolutions, soit par la hache du bourreau. Non moins grande et non moins illustre que sa sœur d'Afrique, mais plus heureuse qu'elle, l'Église de France, lavée de ses quelques souillures dans le sang de ses ministres et de ses plus nobles enfants, devait se relever de ses ruines et reconquérir, au prix de ce baptême terrible, son ancienne splendeur et sa place antique au banquet des nations chrétiennes,

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Pie VI aimait tendrement l'OEuvre pie de l'Hospitalité fran caise; après l'avoir créée et l'avoir arrosée de tant de larmes, il s'en souvenait encore pour la recommander, à son dernier soupir, aux hommes et à Dieu. Il écrivit à ce sujet de touchantes lettres-circulaires aux évêques de son État, les 1 janvier et 8 mai 1796, et le 18 octobre 1797. Il faut dire que ces mêmes prélats correspondaient de la manière la plus charitable et la plus édifiante aux pieuses intentions du Souverain Pontife, comme le prouvent les quelques lettres, insérées dans ce recueil, des cardinaux Archetti (1), Antonelli (2), Chiaramonte, qui fut depuis pape sous le nom de Pie VII (3), Giovanetti, archevêque de Bologne (4), de l'archevêque de Fermo (5), et de plusieurs autres (6) encore. Les cardinaux de Bernis (7) et Maury (8), ainsi que le chevalier

(1) V. dans ce volume, n° 452 et 453.

(2) L. C. n* 458.

(3) L. c, n° 455-457.

(4 L. c. n° 451.

(5) L. C. n® 454.

(6) L. c. nos 459-436, 432, 473 et 474.

(7) L. c. n° 433-436.

(8) L. c. nos 437-450.

d'Azara (1), ambassadeur d'Espagne à Rome, méritent que l'on fasse d'eux une mention spéciale, comme ayant pris une part très-active à cette œuvre sainte.

Les secours distribués par Pie VI étaient d'autant plus difficiles à administrer qu'ils devaient varier, et se modifiaient en effet, selon le nombre et la condition de ceux qui en étaient l'objet, et il fallait bien que l'œuvre fût sagement dirigée, puisque cette population flottante des émigrés secourus par la charité pontificale ne tarda pas à atteindre le chiffre énorme de 20,000 personnes, tant ecclésiastiques que laïques, ainsi qu'il résulte de plusieurs rapports officiels présentés au Pape par Mr Caleppi.

L'auguste pontife prit un soin particulier de recueillir et de conserver les monuments les plus importants de la vaste correspondance qui s'était établie entre les évêques et ecclésiastiques français émigrés et le Saint-Siége, non-seulement afin qu'elle demeurât comme un noble exemple pour ses successeurs, si jamais, ce qu'à Dieu ne plaise, ils devaient assister à de si douloureuses perturbations sociales, mais encore et surtout pour conserver comme un précieux et irréfragable témoignage des souffrances cruelles auxquelles l'Eglise de France fut soumise pendant ces jours affreux, et de la grandeur du courage déployé par ses ministres à l'heure du danger. Ces lettres, et celles surtout émanées des Évêques, respirent le plus vif et le plus filial attachement à la chaire de saint Pierre, et sont revêtues, par cette même raison, d'un charme tout particulier. L'Église de France trouva son salut dans son inébranlable union au Saint-Siége; car ce ne sont ni la science, ni le talent, ni même certaines vertus privées qui sauvent les Églises nationales à l'heure du danger : c'est la seule et sainte vertu de la foi aux promesses éternelles faites

(1) L. c. n° 463.

par le Verbe à l'Église mère et maîtresse de toutes les Églises et l'union intime de tous les membres au chef unique du corps mystique de Jésus-Christ. Heureux les pasteurs qui comprennent cette vérité quand le ciel social est encore sans nuages! car c'est le seul moyen de prévenir la tempête : heureux aussi ceux qui la mettent en pratique pendant les heures de l'orage! car il n'est pas d'autre moyen efficace pour calmer les vents et apaiser la mer.

Cette haute considération chrétienne rend plus précieuses encore les lettres que nous publions aujourd'hui. Témoins vivants de la foi de l'ancien épiscopat de France, si distingué par ses lumières, sa dignité et ses vertus, elles sont comme un écho sacré de sa voix expirante; et si elles nous apprennent qu'un épiscopat peut mourir non moins que les générations des peuples, elles nous apprennent aussi qu'il doit descendre noblement dans sa tombe et léguer à une génération nouvelle le secret de sa puissance et l'exemple de sa grandeur.

Cette correspondance, unique dans son genre, forme plus de soixante gros volumes in-folio, dont chacun porte ce titre à la fois simple et touchant : de Charitate Sanctæ Sedis erga Gallos. Lorsque l'armée française envahit la ville sainte, Pie VI, craignant que si ces lettres tombaient entre leurs mains, elles ne compromissent un grand nombre de personnages illustres dont les noms n'étaient pas moins chers à l'Église qu'à la véritable France, les fit soigneusement enfouir. Pie VII, héritier du nom et des vertus de son prédécesseur continua son œuvre avec une même ardeur et une charité pareille; à peine fut-il élevé sur le trône pontifical que nous voyons dans une lettre de Ms Consalvi à Ms Falzacappa (1) quel intérêt il y prit. Ce fut lui qui fit déposer aux archives secrètes du Vatican cette volumineuse collection, par Ms Cat

(1) V. dans ce 2o volume no 476.

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