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eo nequaquam ream esse perjurii decernentes quod causam instructam ad nostram remitti præsentiam postulasti, cum id, sicut est expressum superius, in nostris fuisset tibi litteris reservatum. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostræ deffinitionis infringere vel eis [ausu (') temerario] contraire. Si quis autem [hoc attemptare præsumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli, apostolorum ejus, se noverit] incursurum.

Datum Laterani, xiv kalendas februarii, pontificatus nostri anno decimo quinto.

Bibliographie.

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Innocentii III epistolæ, éd. BALUZE, t. II, p. 713; éd. MIGNE, t. III, col. 749; - BOUQUET, Recueil, t. XIX, p. 563; — AGUIRRE, Conc. Hisp., t. V, p. 171 ; - DUCHESNE, Hist. Franc. script., t. V, p. 732; POTTHAST, no 4657; — VAISSETE, Hist. gén. de Languedoc, t. VI, p. 412.

Date. Quelques historiens, en particulier dom VAISSETE, ont fixé au 19 février 1213 la sentence d'Innocent III. Nous suivons sur ce point l'opinion la plus généralement admise, et nous la datons du 19 janvier. Ce fut donc en ce jour que le Pape expédia les trois bulles que nous publions sur cette affaire.

Nous savons dans quelles circonstances et pour quel motif, Marie se rendit à Rome. Deux causes l'y amenaient. D'abord le besoin de défendre ses droits et ceux de son fils, Jacques, sur Montpellier et les autres domaines des Guillems, et ensuite l'affaire du divorce.

Occupons-nous de cette dernière affaire. On connaît les motifs allégués par Pierre: 1o le mariage de Marie avec le comte de Comminges; 2o un empêchement d'affinité avec elle par suite de rapports antérieurs au mariage avec une de ses parentes.

Le premier motif nous paraît peu sérieux. Que le mariage de Marie avec Bernard VI fût nul, c'est une chose qui nous parait indiscutable. En effet sa première femme vivait encore, et, de ce chef, il ne pouvait contracter un mariage légitime. Le second motif était-il plus sérieux? On constatera que la preuve n'en fut pas faite, ainsi que le dit Innocent III. Dans la lettre à Pierre n'y aurait-il pas une allusion à ce péché qui préoccupait beaucoup la délicatesse de sa conscience et en même temps une pointe d'ironie? Alioquin nec tu videreris a principio motæ litis tuam, prout asserebas, voluisse sanare conscientiam sed potius sauciare. Toujours est-il que le Pape donna raison à Marie sur les points invoqués contre elle par son époux: Te ab impetitione regis super hiis quæ in judicium fuere deducta sententialiter duximus absolvendam.

Reprenons la suite des événements et voyons toutes les difficultés que dut vaincre la pauvre femme pour sauvegarder intact son honneur de femme et de reine.

(1) Les parties entre crochets ne se trouvent pas dans MIGNE.

Innocent III avait confié l'enquête sur la légitimité de ce mariage d'abord à Pierre de Castelnau, puis aux légats Arnaud et Raimond, évêque d'Uzès. La mort empêcha Pierre de Castelnau de mener à bonne fin cette enquête. Les seconds la prirent sérieusement en main, et firent comparaître devant eux les deux époux. Pierre renouvela les deux griefs tendant à l'annulation de son mariage, tels que nous les connaissons. Marie ne retint que le premier grief, à savoir son mariage avec Bernard de Comminges. Elle assura le fait, mais ce mariage était nul pour deux motifs : 1o parce qu'elle était parente avec le comte de Comminges; 2o que celui-ci était lié à deux femmes vivant encore. Elle demanda un délai pour faire la preuve. Le roi ne voulait pas qu'il lui fùt accordé, ni que les arguments de la reine fussent reçus par les juges aussi longtemps qu'elle n'aurait pas réintégré le domicile du comte de Comminges: les légats n'osèrent asquiescer à cette demande. Alors son procureur se leva, et offrit de prouver que le mariage de Marie avec le comte était valide, parce que le mariage de ce dernier avec Comtors de la Barthe avait été déclaré nul par l'Église, ce qui était exact (Cf. Cart. des Guillems, éd. Germain, p. 337)-, et qu'ensuite il n'avait pu épouser la fille du comte de Bigorre, sa première femme, parce que c'était sa parente. Les légats prirent alors un jour pour entendre les preuves des deux parties.

Toutes ces émotions avaient altéré profondément la santé de l'infortunée Marie. Que le lecteur récapitule toutes les épreuves par où la crucifiée avait dû passer. depuis son mariage avec Pierre d'Aragon. D'abord ce dernier l'a dépouillée de ses biens pour en constituer la dot de leur fille Sancie; puis il a demandé le divorce pour lui enlever sa couronne de reine; ensuite il a reconnu à Guillem IX ses droits sur Montpellier, déshéritant ainsi leur fils Jacques, qu'il enlève à la mère pour le donner en otage à Simon de Montfort aucune épreuve ne lui est épargnée. Offensée dans son honneur de femme, puisqu'elle est accusée de retenir injustement un bien qui ne lui appartient pas, blessée dans ses sentiments de mère, puisqu'elle n'a pas auprès d'elle son petit Jacques, qu'elle recommandera en mourant et avec tant de supplications à Innocent III, blessée dans son honneur d'épouse par un époux volage, l'héritière des Guillems se sent atteinte du mal qui l'emportera bientôt à la fleur de ses ans: elle git à Montpellier sur un lit de douleur. Elle n'a pu, dans l'intervalle fixé par les légats, s'occuper de son procès, faire citer ses témoins. Toujours impitoyable, le procureur de Pierre d'Aragon demande que les légats passent outre. L'historien a ici le droit de se demander quelle était la situation pécuniaire de Marie: elle était probablement déjà réduite à la misère, cette misère qui touchera le cœur d'Innocent III.

Les légats furent plus humains que Pierre d'Aragon: ils décidèrent de se transporter à Montpellier; et, en présence de la reine, ils fixèrent le lieu et le terme pour entendre les parties, et juger sur les seuls faits qui avaient été allégués de part et d'autre.

Au jour convenu, Marie ne put se rendre. Elle envoya son procureur. Bien qu'il fût convenu qu'aucune des parties n'apporterait aucun fait nouveau, et qu'on discuterait seulement ceux qui avaient été allégués de part et d'autre, le procureur du roi allégua un nouveau motif de divorce: Pierre d'Aragon était parent du comte de Comminges; d'où affinité entre lui et la reine, et, par conséquent, nouveau motif pour annuler le mariage. Les juges acceptèrent ce fait nouveau; et Innocent III ne peut s'empêcher de dire: super quo de prudentia eorum non possumus non mirari.

Les légats étaient-ils circonvenus? Pierre usait-il de toute son influence pour

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faire pencher la balance en sa faveur? Nous serions assez disposé à le croire, attendu qu'on avait fait jurer à la reine de ne pas faire appel au Pape, ce qui était contraire aux lettres pontificales. Malgré ce serment, Marie en appela à Rome, et les légats furent obligés de faire droit à sa requête.

Tous ces faits durent se passer à la fin de 1211 ou, plus probablement, dans les premiers mois de 1212, c'est-à-dire au moment où Pierre reconnaissait Guillem IX comme seigneur de Montpellier, et faisait appuyer ses prétentions auprès de Philippe-Auguste et d'Innocent III. Peut-être même, et nous serions tenté de le croire, avait-elle déjà reçu la lettre de ce Pape lui ordonnant de rendre les biens à son frère, ou de venir à Rome se disculper des accusations portées contre elle. Dès lors ce serait aux pieds du Souverain Pontife qu'elle défendrait elle-même ses droits de reine et de seigneuresse de Montpellier.

Marie quitta donc sa ville natale, et arriva à Rome avant la fête de tous les Saints, conformément à l'ordre du Pape. La cause fut plaidée en consistoire public, et la sentence fut rendue tout entière favorable à la reine d'Aragon. Son mariage avec le comte de Comminges fut déclaré nul à cause de deux empêchements d'affinité et de consanguinité et du mariage de Bernard VI non avec Comtors, mais avec Béatrix, sa première femme; le procureur du roi n'ayant pu prouver que ce mariage avait été annulé. Quant à l'empêchement d'affinité invoqué par Pierre à cause de ses relations avec une parente de la reine antérieurement à leur mariage, le procureur du roi ne put démontrer son existence. Marie obtenait donc gain de cause, et le Chef de la chrétienté replaçait sur sa tête la couronne royale pleine d'épines, mais qu'elle méritait de porter à cause de ses vertus et de l'énergie avec laquelle elle sut défendre ses droits.

C'est la dernière fois que nous écrivons le nom de Marie de Montpellier à la suite d'un document pontifical qui lui soit directement adressé. Dans quelques mois la tombe se fermera sur elle.

Ayant obtenu justice sur tous les points, elle ne quitta pas Rome. Très probablement la maladie l'empêcha de rentrer dans sa patrie aussitôt le jugement rendu. La pauvre femme, qui n'avait pas trouvé sur cette terre un cœur pour l'aimer, indifférente à son père, maltraitée par une marâtre, ballottée de mari en mari, séparée de ses enfants, connut enfin, pendant les derniers mois de son existence, un adoucissement à tant de peines. Innocent III protégea et défendit l'héritière des Guillems, qui se mourait à Rome dans le dénûment et la pauvreté, et obligea les habitants de Montpellier à lui payer une partie de ses revenus; mais c'était trop tard. Marie s'éteignit saintement, sous la protection et les bénédictions d'Innocent III, lui recommandant son fils, le petit Jacques, que la bataille de Muret allait rendre orphelin, et qui devait un jour remplir le monde du bruit de ses exploits. Les Papes n'oublièrent pas ce testament de la reine d'Aragon, et cet amour paternel, qui descendit du trône de Pierre sur l'orphelin, provenait du doux souvenir que le parfum des vertus de Marie de Montpellier avait laissé dans la Rome des Papes, où elle fut ensevelie, dans la chapelle de Sainte Pétronille, et où elle opéra des miracles.

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Innocent III notifie à Pierre la sentence qu'il a portée en faveur de la validité de son mariage avec Marie.

Novit ille qui est testis in cælo fidelis ('), etc., usque ad hec verba in nostris sibi fuisset litteris reservatum. Monemus igitur serenitatem tuam, rogamus et obsecramus in Domino, celsitudini tuæ nihilominus ex animo consulentes, quatenus non moleste sustinens nec admirans quod tibi non detulimus contra Deum, sed potius cogitans quod non tam tuæ curavimus voluntati consulere quam saluti, ac ideo nostris acquiescens consiliis, quæ tibi semper utilia exstiterunt, reginam eamdem in plenitudinem gratiæ regalis admissam benigne recipias, et maritali affectione pertractes, præsertim cum filium susceperis ex eadem, et sit mulier Deum timens, multa prædita honestate. Unde pro certo speramus multa ex ipsius consortio, maxime si ad Deum respectum habens, ipsam sicut reginam honorifice ac decenter tractaveris, serenitati tuæ. commoda proventura, cum vir etiam infidelis per fidelem mulierem salvetur, Apostolo attestante; alioquin nec tu videreris a principio motæ litis tuam, prout asserebas, voluisse sanare conscientiam, sed potius sauciare; nec nos, quantumcumque tuæ deferre sublimitati velimus, quod Deus conjunxit humana sustineremus præsumptione sejungi. Denique noveris nos venerabilibus fratribus nostris Carcassonensi, Avenionensi, et Aurasicensi episcopis per nostras dedisse litteras in mandatis ut si nostrum super hoc, quod non credimus, neglexeris adimplere mandatum, ipsi te ad id per censuram ecclesiasticam, sublato appellationis impedimento, compellant.

Datum Laterani, XIV kalendas februarii, pontificatus nostri anno decimo quinto.

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Innocent III notifie aux évêques de Carcassonne, d'Avignon et d'Orange la même sentence.

Novit ille, etc., usque ad hec verba fuisset litteris reservatum. Unde serenitatem regiam rogandam duximus et monendam, per apostolica scripta mandantes, celsitudini ejus nihilominus ex animo consulentes, quatenus non moleste sustinens nec admirans quod ei non detulimus contra Deum, sed potius cogitans quod non tam ejus curavimus voluntati consulere quam saluti, ac ideo nostris acquiescens consiliis, quæ sibi semper utilia exstiterunt, reginam eamdem in plenitudinem gratiæ regalis admissam benigne recipiat, et maritali affectione pertractet, præsertim cum filium susceperit ex eadem, et sit mulier Deum timens, multa prædita honestate. Unde pro certo speramus multa ex ipsius consortio, maxime si ad Deum respectum habens, ipsam sicut reginam honorifice ac decenter tractaverit, serenitati ejus commoda proventura, cum vir etiam infidelis per fidelem mulierem salvetur, Apostolo attestante; alioquin nec ipse videretur a principio mota litis suam, prout asserebat, voluisse sanare conscientiam, sed potius sauciare; nec nos, quantumcumque ei deferre velimus, quod Deus conjunxit humana sustineremus præsumptione sejungi. Ideoque fraternitati vestræ per apostolica scripta mandamus quatenus, si rex ipse nostrum super hoc, quod non credimus, neglexerit adimplere mandatum, vos ipsum ad id per censuram ecclesiasticam, sublato appellationis obstaculo, compellatis. Quod si non omnes [his (') exsequendis potueritis interesse], duo vestrum [ea, sublato cujuslibet contradictionis et appellationis obstaculo, nihilominus exsequantur.] Vos denique, fratres episcopi, super vobis ipsis [ac credito vobis grege taliter vigilare curetis, exstirpando vitia, plantando virtutes, ut in novissimo districti examinis die coram tremendo judice, qui reddet unicuique secundum opera sua, dignam possitis reddere rationem.]

Datum Laterani, XIV kalendas februarii, pontificatus nostri anno decimo quinto.

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