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Præterea castrum de Latis, quod multis inhabitabatur hominibus, partim ruina, partim incendio destruxerunt, pluribus ex ejusdem loci hominibus interfectis. In iis autem et aliis eadem asserebat regina se damna multorum millium marcarum et plurium solidorum per illorum injurias incurrisse qui etiam, tanquam hæc non sufficerent ad offensam, de quodam castro ipsius reginæ charissimum in Christo filium nostrum, illustrem regem Aragonum, expulerunt, ut sic eum adversus eam tacite provocarent; et, ut inter eos contra jura matrimonii majoris incentivum discordiæ suscitarent, regem jurare fecerunt eumdem ut Montempessulanum infra biennium non intraret.

Volentes autem eidem reginæ in suo jure adesse, qui sumus omnibus in justitias debitores, discretioni vestræ per apostolica scripta mandamus quatenus, partibus convocatis, et auditis hinc inde propositis, quod justum fuerit, appellatione postposita, decernatis, facientes quod decreveritis pèr censuram ecclesiasticam firmiter observari; præfatos etiam homines Montispessulani per eamdem censuram, appellatione postposita, compellentes ut super expensis, quas propter hæc eadem fecit regina, ipsi satisfaciant ut tenentur. Interim autem eosdem homines ad solvendam ipsi reginæ medietatem omnium reddituum patrimonii ejus, et ut de subtractis satisfaciant competenter, per districtionem ecclesiasticam, sicut justum fuerit, sublato appellationis obstaculo, compellatis.

Testes autem, etc.

Quod si non omnes, etc., tu, frater archiepiscope, cum eorum altero, etc. Vos denique, frater archiepiscope et fili abbas, super vobis ipsis, etc. Datum Laterani, vi idus aprilis, pontificatus nostri anno sexto decimo.

Bibliographie. Innocentii III epistolæ, éd. BALUZE, t. II, p. 749; éd. MIGNE, t. III, col. 811; BOUQUET, Recueil, t. XIX, p. 577; POTTHAST, no 4697; - F. FABREGE, Hist. de Maguelone, t. I, p. 388.

Cette lettre est intéressante à plus d'un titre. Au point de vue historique elle nous retrace les faits de la révolte de Montpellier de 1206, et même nous renseigne sur les sentiments des personnages. Nous n'avons pas à revenir sur les causes de la révolte que nous avons exposées plus haut (Voir N° 176). Ces faits sont assez connus: les habitants de Montpellier s'emparèrent du château seigneurial et en comblèrent les fossés,. et Pierre, obligé de quitter la ville, se réfugia au château de Lattes, qui fut pris et brûlé.

Cette révolte et les conditions qui furent imposées au roi d'Aragon eurent de très fàcheuses conséquences sur le bonheur conjugal de Marie, surtout celle que dut accepter le roi d'Aragon de ne pouvoir entrer dans Montpellier pendant deux ans... ut sic eum [Petrum] adversus eam [Mariam] tacite provocarent, et, ut inter eos contra jura matrimonii majoris incentivum discordiæ suscitarent, regem jurare fecerunt eumdem ut Montempessulanum infra biennium non intraret.

Il est certain que cette clause fut très sensible à Pierre. Elle ne fut pas observée. Nous n'avons pas à raconter les circonstances merveilleuses qui accompagnèrent la conception de Jacques d'Aragon. Si nous ne pouvons accepter en son entier ce récit légendaire, il est certain cependant que les bourgeois de Montpellier voyaient avec peine Marie sans aucun héritier mâle, et abandonnée par son époux, qui avait déjà demandé le divorce. Il fallait les réconcilier, et puisque la clause interdisant l'entrée de Montpellier à Pierre avait troublé les rapports des deux époux, il n'y avait qu'à ne pas l'observer. C'est ce qui arriva dans les premiers mois de 1207, peu de temps par conséquent après le traité de paix entre Pierre et les habitants de Montpellier du 27 octobre 1206.

Après la révolte de 1143, Guillem VI avait construit un château au sommet de Montpellier. Ce château ne fut pas démoli pendant la révolte de 1206, comme semble le dire Innocent III; les habitants y causèrent cependant quelques dégâts. Ce fut plus tard, le 4 août 1207, quelque temps avant la naissance de son fils Jacques, que Marie permit aux habitants de Montpellier de le démolir entièrement avec promesse que jamais aucun seigneur de Montpellier ne pourrait le rebâtir (Cf. GARIEL, Series, t. I, p. 271 ; dom VAISSETE, Hist. gén. de Languedoc, t. VI, p. 259; GERMAIN, Hist. de la commune de Montpellier, t. I, p. 47 ; — et, aux Archives municipales de Montpellier, Grand Thalamus, fol. 6, et Livre Noir, fol. 22). Ceux-ci furent insolents dans l'accomplissement de cet acte, comme un peuple qui fait l'apprentissage de la liberté: ils dispersèrent les pierres et les vendirent à l'encan. Marie en fut très peinée.

Ce n'était pas le seul tort dont la reine avait à se plaindre de ses sujets de Montpellier. Ils méconnaissaient mème ses droits de souveraine, en faisant publier les bans et les édits au nom des consuls et non au sien. Ce court passage de cette lettre nous montre que Guillem IX dut rester peu de temps à Montpellier en 1212, et qu'il se soumit au décret d'Innocent III déclarant que Montpellier et tout le domaine des Guillems appartenaient à Marie.

Enfin, et ce point nous intéresse aussi, Pierre d'Aragon n'avait pas encore rendu aux habitants de Montpellier les sommes qu'il leur avait empruntées en 1205, et dont la dot de Marie devait servir de gage. De droit, un mari ne peut engager les biens dotaux, dit Innocent III, mais en supposant même que cet engagement soit valable, les habitants ont perçu pendant un si long temps les revenus de cette ville, que non seulement la dette est éteinte, mais que, encore, ils devraient dédommager la reine et lui offrir une somme d'argent assez importante.

Cette décision peut nous surprendre, et n'être pas très conforme à nos idées modernes. Il nous semble que l'argent doit toujours rapporter, et que ceux qui ont rendu un service passager à la société doivent toujours vivre au dépens de cette même société. Ici, Innocent III énonce la thèse catholique : il ne condamne pas cette usure déguisée que nous appelons intérêt, mais il soutient que quand les particuliers ont perçu en intérêts une somme égale ou mème supérieure à la somme prêtée, l'emprunteur devrait de nouveau rentrer dans la possession de

BULLAIRE DE L'ÉGLISE DE MAGUELONE. T. I

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ses gages: tanto tempore ipsarum rerum redditus perceperunt quod non solum extenuatum est debitum, verum etiam non modicam summam pecuniæ restituere tenentur eidem. Fidèle au commandement de Dieu : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front! » l'Église n'a jamais aimé les parasites, et a toujours condamné l'intérêt sordide et exagéré de l'argent, véritable doctrine juive. Avec la doctrine catholique, les fortunes colossales et scandaleuses sont impossibles, et nous croyons que la société moderne trouverait un grand intérêt à suivre cette leçon d'Innocent III, qui nous donne de la justice sociale une tout autre idée que celle que nous a inoculée la Révolution (Cf. sur ce sujet : BOSSUET, Traité sur l'usure). Au moment où Innocent III écrivait cette lettre, où les principes de la justice s'alliaient avec ceux de la charité, Marie se mourait à Rome, et, avant que les habitants de Montpellier pussent répondre aux désirs du Pape, elle était allée au ciel recevoir sa récompense.

Quelle fut la conduite des habitants de Montpellier? La mort de Marie les dégageait du paiement des revenus que demandait pour elle Innocent III. Nous aimons à croire que les consuls se soumirent. En effet, dans les actes postérieurs, nous ne voyons plus aucune allusion à cette dette contractée par Pierre d'Aragon qui, quelques mois après, mourait à la bataille de Muret.

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Innocent III répond à Raimond Pelet, qui lui avait demandé de lui inféoder le comté de Melgueil, d'exposer ses raisons au légat.

Accedens ad præsentiam nostram nobis humiliter supplicasti ut comitatum Melgorii, quem ex successione aviæ tuæ jure ad te asseris hæreditario pertinere, tibi faceremus integre assignari, sub annuo censu in feudum ab Ecclesia Romana tenendum.

Verum quia super iis fidem nobis facere nequivisti, nobilitati tuæ duximus respondendum quod, cum legatum de latere nostro proponamus ad partes illas in proximo destinare, tu ad præsentiam ejus accedens, tuas coram eo rationes ostendas, et ipse tibi faciat exhiberi justitiæ complementum.

Datum Laterani, x kalendas junii, pontificatus nostri anno sexto decimo.

Innocentii III epistolæ, éd. BALUZE, t. II, p. 774; éd. MIGNE, t. III, POTTHAST, no 4734; VAISSETE, Hist. gén. de Languedoc, t. VI, p. 418.

Bibliographie. col. 857;

Voici apparaitre sur la scène un nouveau compétiteur pour le comté de Melgueil, et qui réclame les droits de son père: Raimond Pelet, petit-fils de Béatrix,

comtesse de Melgueil, neveu d'Ermessens qui épousa Raimond VI. Nous l'avons déjà dit plusieurs fois, aucun historien n'a contesté à Raimond V et à Raimond VI de Toulouse (= Raimond IV et Raimond V de Melgueil) la légitimité de la possession du comté de Melgueil. A tous il leur a paru tout naturel de voir déposséder de son comté Bertrand, fils de Béatrix et frère d'Ermessens. Innocent III a eu plus de délicatesse de conscience, et a ordonné une enquête.

Comment et pour quel motif Béatrix déshérita-t-elle son fils? Malgré les documents inédits que nous apportons aujourd'hui pour éclaircir ce point de notre histoire diocésaine, nous ne pouvons répondre catégoriquement à cette question; mais il est hors de doute que les faits ne se sont pas passés comme les racontent dom VAISSETE et GERMAIN. Nous avons été surpris que ce dernier, qui connaissait à fond nos archives, n'ait pas tiré parti de l'acte que nous publions. Voyons ce qu'ont dit les historiens sur cette substitution.

Les comtes de Melgueil étaient de race franque, et étaient régis par la loi salique (Cf. Cart. des Guillems, éd. GERMAIN, p. 125, et VAISSETE, Hist. gén. de Languedoc, t. V, col. 300).

Dom VAISSETE a été fort embarrassé pour concilier certains actes dans lesquels Bertrand Pelet prend le titre de comte de Melgueil (Cf. Cart. des Guillems, éd. GERMAIN, pp. 158 et 171, et Hist. gén. de Languedoc, t. VIII, col. 279 et 280). C'est qu'il n'y a pas de doute que Béatrix avait donné le comté à son fils, ainsi que cela ressort suffisamment de l'enquête que nous publions. Malgré cette donation faite, malgré les actes d'après lesquels il apparaît que Bertrand entra en possession du comté, Béatrix le déshérita ensuite, et donna le comté à sa petite-fille Dulcie et, plus tard, à sa fille Ermessens (Cf. Hist. gén. de Languedoc, t. VIII, col. 280) en avril 1171. A cette époque Dulcie devait épouser Raimond VI, comme l'avait décidé son père; mais, le 12 décembre 1172, Béatrix promit sa fille Ermessens à Raimond VI, évinça sa petite-fille et donna le comté à Raimond VI (Cf. Hist. gén. de Languedoc, t. VIII, col. 293).

Bertrand Pelet n'accepta pas sans protester une pareille situation; il fit hommage du comté à Alphonse, roi d'Aragon (Cf. Hist. gén. de Languedoc, t. VI, p. 50). Dom VAISSETE conclut ensuite (ibid., p. 63) de la présence de Raimond V à un acte par lequel Bernard d'Anduze et Raimond Pelet inféodèrent à Gui de Sévérac le château de Peyrelade, que Bertrand avait fait la paix avec le comte de Toulouse, et lui avait même cédé ses droits sur le comté de Melgueil. Le savant bénédictin ne cite aucune pièce à l'appui de son opinion. Elle nous paraît inexacte. On pourra voir dans l'acte que nous publions que Guillaume d'Autignac fait la même objection à Raimond, fils de Bertrand, pour le débouter de sa demande. Or Raimond nie absolument avoir jamais renoncé à ses droits, et cet acte de renonciation, qui aurait tant servi à l'évêque, n'a jamais été produit.

Nous ne nous arrêterons pas davantage sur ce fait l'acte que nous publions renseignera assez le lecteur. Il eût été très intéressant de lire les dépositions des témoins que dut citer l'évêque, et de connaître les termes du jugement. Nous n'avons pu les retrouver dans le Cartulaire. A notre avis, et nous croyons que sur ce point on partagera notre sentiment, Bertrand Pelet fut victime d'une injustice de la part de sa mère, et, à son tour, Raimond subit les conséquences de la mauvaise administration du comté par les comtes de Toulouse. Bertrand Pelet fut victime d'une injustice, car il est indiscutable que le comté lui fut donné par sa mère avant le mariage de sa sœur avec Raimond VI, et que celui-ci ne déposséda son beau-frère que par la force des armes. Raimond Pelet

subit les conséquences de la mauvaise administration de Raimond V et de Raimond VI, qui oublièrent pendant quarante ans de payer au Saint-Siège le cens annuel qu'ils lui devaient. C'est le grand argument de Guillaume d'Autignac. Ce sera aussi celui des Papes: le comté était tombé en commis.

Dans le tome second nous verrons, à plusieurs reprises, les Pelet intervenir pour réclamer leurs droits: un Pape même, Clément IV, presqu'un compatriote, dira à l'évêque de Maguelone de dédommager les héritiers. Qu'on se souvienne alors de l'enquête que nous avons publiée : les descendants de Béatrix méritaient un meilleur sort. Les Papes furent plus généreux et plus justes que les comtes de Toulouse.

Pour l'intelligence de l'acte que nous allons publier, nous croyons utile de donner la généalogie des comtes de Melgueil pour les Pelet.

Béatrix, fille de Bernard IV de Melgueil, nièce par sa mère de Guillem VI de Montpellier, épousa en premières noces Bérenger-Raimond, comte de Provence. De ce mariage naquit un fils, Raimond-Bérenger, comte de Provence, mort en 1166, laissant une fille, Dulcie, promise à Raimond VI, comte de Toulouse.

En secondes noces, Béatrix épousa Bernard Pelet, seigneur d'Alais, dont elle eut deux enfants: Ermessens, qui épousa Raimond VI, et Bertrand Pelet. Raimond Pelet à qui est adressé cette bulle est fils de Bertrand Pelet et petit-fils de Béatrix.

Hec est carta libelli quem obtulit Raimundus] Peleti domino Petro], Sancte Marie in Aquiro diacono cardinali, Apostolice Sedis legato, contra dominum Guillelmum], Magalonensem episcopum, tenentem comitatum Melgorii nomine domini Pape, et constitutum nominati precatorem ad causam istam a supradicto domino cardinali ego, Raimundus] Peleti, conqueror Deo et vobis, domino Petro], Sancte Marie in Aquiro diacono cardinali, Apostolice Sedis legato, de domino Guillelmo], Magalonensi episcopo, qui detinet comitatum Melgorii, qui, jure domini, ad me pertinere dico, et omnia ad ipsum comitatum pertinencia; ideoque sanctitati vestre supplico ut super hiis faciatis michi justiciam exiberi.

Anno Domini M° CC° XIII°, vi kalendas februarii, apud Montem Pessulanum, in domo hospitalis Jerosolimitani contestata fuit lis coram domino Nemausensi episcopo, cognoscente ex delegatione supradicti domini cardinalis, assidente sibi magistro Bertrando de Fureis, inter Guillelmum), Magalonensem episcopum, et Raimundum] Peleti super comitatu Melgorii.

Posuit Raimundus] Peleti quod predictus Magalonensis episcopus tenet comitatum Melgorii nomine domini Pape; quod episcopus confessus est. Item posuit Raimundus Peleti quod comitatus Melgorii pertinet ad eum jure domini; quod dominus episcopus negavit. Item posuit Raimundus] Peleti quod predictus comitatus fuit aviee (sic) sue Beatricis; ad quod respondit dominus episcopus quod credit quod dictus comitatus fuit predicte Beatricis, avie Raimundi] Peleti; sed elapsi sunt plures quam XLV anni, ut ipse asserit, quod non fuit suus dictus comitatus. Item posuit Raimundus] Peleti quod predicta Beatricis (sic),

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