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RÉSUMÉ D'ESTHER.

nobles et

MADAME DE MAINTENON, devenue l'épouse secrète de Louis XIV, avait fondé en 1685, au village de St. Cyr, près de Versailles, une maison d'éducation pour deux cent cinquante demoiselles pauvres. Elle crut que rien n'était plus propre à perfectionner leur prononciation, à cultiver leur mémoire, à leur donner de la grâce et de l'aisance, que des représentations dramatiques. Elle demanda à Racine quelque ouvrage qui pût remplir ses vues, sans porter atteinte à la modestie chrétienne. Racine eut l'heureuse idée de mettre en scène l'histoire d'Esther, qui forme dans la Bible un gracieux épisode. Il s'attacha scrupuleusement au récit de l'Ecriture, et développa dans une petite tragédie en trois actes, une action d'une admirable simplicité (1689).

I. Assuérus, roi de Perse, ayant répudié la reine Vasthi, choisit une femme parmi les plus belles filles de son royaume, et donna la préférence à une jeune Juive, nommée Esther, dont il ignorait la race et le pays. Mardochée, oncle de la nouvelle reine, s'introduit secrètement chez elle, lui apprend que le roi, trompé par Aman, son premier ministre, a proscrit tous les Juifs dispersés en Perse, et il l'engage à employer son crédit pour faire révoquer l'arrêt fatal. Esther lui dit qu'il est défendu, sous peine de mort, de se présenter devant le roi sans être appelé. Mardochée l'exhorte, dans un discours sublime, à s'exposer à la mort pour sauver ses frères, à obéir au Roi du ciel plutôt qu'à un roi de la terre. Esther lui promet

de se dévouer.

Après son départ, elle adresse à Dieu une prière admirable, et le supplie de ne pas laisser anéantir la foi de ses oracles, de lui donner le courage d'affronter

iv

la présence d'Assuérus, et de rendre ce prince favorable à son peuple.

II. Cependant Assuérus, troublé dans son sommeil par un rêve pénible, se fait lire les annales de son règne; et cette lecture lui rappelle qu'il a négligé de récompenser Mardochée, qui avait découvert une conspiration contre sa vie. Aman, étant venu lui faire sa cour, il lui demande quelle récompense mérite un homme qui l'a bien servi. Persuadé que la récompense lui est destinée, Aman conseille au roi de faire monter "ce mortel heureux" sur un beau cheval et de le faire conduire dans toute la ville par le premier personnage du royaume. Le fier Aman reçoit avec stupéfaction l'ordre de rendre ces honneurs à Mardochée. Il est à peine sorti, que la reine se présente devant le roi, qui jette sur elle un regard foudroyant; elle tombe évanouie de frayeur. Assuérus la rassure et lui tend son sceptre, comme gage de sa clémence. Esther reprend ses sens. Elle invite le roi à venir dîner chez elle avec Aman, et promet de lui expliquer alors le motif de la visite qu'elle a osé lui faire.

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III. Assuérus, accompagné d'Aman, se rend chez la reine. Elle lui découvre sa race, lui montre la perfidie d'Aman, et lui demande grâce pour les Juifs. Le roi, furieux d'avoir été le jouet d'un méchant, révoque l'arrêt de proscription, envoie Aman au supplice et donne ses biens et sa place au vertueux Mardochée.

Ce délicieux poëme, si parfait d'ensemble et de style, si rempli de délicatesse et d'onction pieuse, est une des œuvres les plus enchanteresses de Racine. Les chœurs d'Esther et d'Athalie sont les plus beaux morceaux lyriques de notre littérature.

ESTHER

TRAGÉDIE TIRÉE DE L'ÉCRITURE SAINTE

1689

PERSONNAGES.

ASSUÉRUS, roi de Perse.
ESTHER, reine de Perse.
MARDOCHÉE, oncle d'Esther.

AMAN, favori d'Assuérus.

ZARÈS, femme d'Aman.

HYDASPE, officier du palais intérieur d'Assućrus.

ASAPH, autre officier d'Assuérus.

ÉLISE, confidente d'Esther.

THAMAR, Israélite de la suite d'Esther.

GARDES DU ROI ASSUÉRUS.

CHŒUR DE JEUNES FILLES ISRAELITES,

La scène est à Suze, dans le palais d'Assuérus.

LA PIÉTÉ fait le Prologue.

A Saint-Cyr, les principaux rôles de cette tragédie furent ainsi distribués:

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Le 8 mai 1721, Esther fut représentée par les comédiens du roi sur le théâtre des Fossés-Saint-Germain. Voici les noms des principaux acteurs :

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LA PIÉTÉ.

Du séjour bienheureux de la Divinité,
Je descends dans ce lieu par la Grâce habité :
L'Innocence s'y plaît, ma compagne éternelle,
Et n'a point sous les cieux d'asile plus fidèle.
Ici, loin du tumulte, aux devoirs les plus saints
Tout un peuple naissant est formé par mes mains :
Je nourris dans son cœur la semence féconde
Des vertus dont il doit sanctifier le monde.
Un roi qui me protége, un roi victorieux,
A commis à mes soins ce dépôt précieux.
C'est lui qui rassembla ces colombes timides,
Éparses en cent lieux, sans secours et sans guides :
Pour elles, à sa porte, élevant ce palais,

Il leur y fit trouver l'abondance et la paix.

Grand Dieu, que cet ouvrage ait place en ta mémoire!
Que tous les soins qu'il prend pour soutenir ta gloire
Soient gravés de ta main au livre où sont écrits
Les noms prédestinés des rois que tu chéris!
Tu m'écoutes; ma voix ne t'est point étrangère :
Je suis la Piété, cette fille si chère,

Qui t'offre de ce roi les plus tendres soupirs:
Du feu de ton amour j'allume ses désirs.
Du zèle qui pour toi l'enflamme et le dévore
La chaleur se répand du couchant à l'aurore.
Tu le vois tous les jours, devant toi prosterné,
Humilier ce front de splendeur couronné;
Et, confondant l'orgueil par d'augustes exemples,
Baiser avec respect le pavé de tes temples.
De ta gloire animé, lui seul, de tant de rois,
S'arme pour ta querelle, et combat pour tes droits.
Le perfide intérêt, l'aveugle jalousie,

S'unissent contre toi pour l'affreuse hérésie;
La discorde en fureur frémit de toutes parts;

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