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retour, les échevins, prud'hommes et notables habitants de la ville et baronnie d'Arlay s'engagèrent par serment envers ledit seigneur Philippe Guillaume « estre tres humbles et tres obeissans et fideles sujets, le servir, honorer et respecter comme leur bon seigneur et se montrer très affectionnés en ce qui leur sera commandé de sa part, comme ils ont tousjours fait »... (1).

(1) Extrait d'un terrier d'Arlay.

CHAPITRE VI.

LES SEIGNEURS D'ARLAY DE LA MAISON DE CHALON.

Surnoms donnés aux habitants du voisinage d'Arlay; · la diablerie d'Arlay; — querelles entre les seigneurs d'Arlay et de Ruffey; ces querelles se continuent entre les deux bourgs jusqu'au XVIIIe siècle; Jean II de Chalon; - gageries faites sur ses terres; peste de 1349; Jean III; assassinat du sergent Faguier; Louis de Chalon abandonne Arlay pour Nozeroy ; — Guillaume; - il laisse l'administration de ses terres du comté à Jean IV; - attitude de celui-ci à l'égard de Charles le Téméraire, de Marie de Bourgogne et de Louis XI; — prise et destruction d'Arlay par Charles d'Amboise; Philibert de Chalon et Phili

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berte de Luxembourg.

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Tout ce qui peut contribuer à faire connaître les anciennes mœurs d'un pays n'est point à négliger; c'est pourquoi je commencerai ce chapitre consacré aux faits de l'histoire d'Arlay qui n'ont pas pris ou ne doivent pas prendre place dans les subdivisions de mon plan, par quelques lignes sur la dénomination injurieuse de diablerie d'Arlay appliquée à notre bourgs par les villages voisins.Ce surnom remonte certainement à l'époque où les seigneurs du comté de Bourgogne se plaisaient à se faire des guerres de brigands. On disait dans le même temps: les chats de Bletterans, les lourdauds de Larnaud, les pourceaux de Ruffey, les cuisiniers de Lombard, les gouàs de Châze, les têtards de Bréry, les follets de la Muire, les bâtards de Baume, les sorciers d'Orgelet, etc.

Ces épithètes peuvent s'expliquer ainsi : Les habitants de Bletterans ont toujours été friands, et aujourd'hui encore quelques bourgeois de cette ville continuent la vieille réputation des ancêtres. La bêtise de ceux de Larnaud était,

parait-il, devenue proverbiale; dire de quelqu'un qu'il est de Larnaud équivaut à dire qu'il est un sot. Quant à ceux de Ruffey, l'origine de leur grossier surnom se rattache à l'existence dans ce village d'une commanderie de SaintAntoine (1). Le commandeur avait placé au-dessus de la porte de sa maison une statue du patron de son ordre. Cette statue offrait la clochette et la béquille, mais le compagnon traditionnel du saint était absent. A ceux qui en faisaient la remarque, il répondait que saint Antoine n'avait que l'embarras du choix et que tous les habitants de Ruffey étaient également ses pourceaux. Les cuisiniers de Lombard tirent leur dénomination d'une servitude féodale en vertu de laquelle ils étaient tenus de nourrir les chiens des seigneurs de Chalon, lorsque ceux-ci chassaient dans les bois situés autour de leur village. Cette servitude fut remplacée, dans la suite, par une redevance de quarante mesures d'avoine qu'ils payaient encore en 1789 (2). Les bras de la Seille, en face de Bréry, fournissent en abondance un petit poisson dont la tête, comparée au corps, est énorme et que, pour cette raison, l'on appelle têtard. Les habitants du lieu font, en été, une grande consommation de ce poisson et c'est pour celà qu'on leur a donné son nom. L'injure de bâtard, appliquée à ceux de Baume, nous montre que dans tous les temps les moines de leur abbaye ont été de mœurs dissolues. La prairie de la Muire est restée

(1) M. D.-A. Thiboudet a publié une notice sur cette commanderie dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Jura (Année 1863, p. 56. Note de l'Ed.)

(2) Claude Chenoz dit 'Martin, prud'homme et échevin de Lombard, Guillemin du Goy et autres habitants dud. lieu confessent, en 1560, devoir à son altesse le prince d'Orange dix gros vieux de cens, à raison d'un droit qui lui compète sur les habitants de Lombard, appelé le droit de la vénerie, piéça limité et abonné auxd. habitants par les prédécesseurs de son Altesse, pour le pain que lesd. habitants doivent pour les chiens de mond. seigneur quand ils estoient à la chasse. (Extrait du rentier de Lombard.)

très humide, même après les travaux d'assainissement exécutés par les seigneurs. Pendant les grandes chaleurs de l'été, ils s'en dégage des feux follets vulgairement appelés clas, que l'on considérait autrefois comme un présage fâcheux. C'est donc avec une intention méchante qu'on a dit les follets de la Muire.

Quant au nom de diablerie d'Arlay, il a probablement une double origine, car il peut se rattacher à la façon dont fut formé le Bourg-Dessous aussi bien qu'aux habitudes de cruauté et de brigandage que les seigneurs d'Arlay avaient données à leurs sujets. On sait que ces princes ont été de tout temps les adversaires des souverains de la province, et que leurs révoltes ont attiré sur leurs terres les plus grands désastres. Lorsque quelque défaite ou des traités les forçaient de se tenir tranquilles, ils profitaient de ce repos forcé pour inquiéter leurs voisins, et ils trouvaient dans leurs gens des deux bourgs des hommes toujours prêts à les suivre. Il suffit, pour s'en convaincre, d'étudier les rapports d'Arlay avec Ruffey.

Ces deux bourgs étaient d'égale population et d'égale richesse, et comme ils obéissaient à des seigneurs différents, leur rapprochement devait les mettre souvent aux prises. Du vivant de Philippe de Vienne, à qui appartenait Ruffey,

messire Hugues de Chalon, sieur d'Arlay », avait, dit Gollut (1), « à l'impourveü et sans deffier » fait « prendre et saisir prisonier messire Guy, fils dudit Philippe, et messire Guy de Chilley, pour la délivrance desquels il demandoit la moitié de Leon-le-Saulnier en eschange avec le chastel de Pymont, appertenant audit de Vienne, contre le chasteau de l'Estoile, qui estoit audict sieur d'Arlay... Mais le père haïant refusé pleinement, le paoure gentilhomme demeurat long temps arresté prisonier, jusques à ce que, le pere estant mort vers 1368, l'eschange fut faict;

(1) Nouvelle édition, col. 870.

après lequel, et quatre ans après, ledict Hugues meit le camp devant Ruffey, appertenant audict sieur de Vienne, non obstant la garde du prince et une cause pendante au parlement de Dole entre lesdicts deux seigneurs; et advint que le sieur de Vienne estant venu, par faulte de secours et de remedes du prince, jusques à Arlay, vers ledict sieur Hugues de Chalon, fut arresté prisonier, mis par plus d'un an és fers et prisons, conduict à Chastel-Vilain, Chalon, Chastel-Belin et autres, pour luy faire confesser qu'il havoit voulu empoisoner ledict messire Hugues de Chalon, jusques à le mettre sur un precipice en poincte de rocher, prest à estre elancé en bas ». Pour obtenir sa mise en liberté, il fut contraint d'abandonner la terre de Chevreaux.

Les inimitiés violentes que ces longues hostilités avaient fait naître, durèrent pendant deux siècles, entretenues sans doute de part et d'autre par des rixes, des brigandages et des procès quotidiens. Pourtant, vers le milieu du XVIe siècle, les deux bourgs firent la paix. Leurs habitants, par un traité passé au château de Ruffey, le 1er mars 1553 (1), se promirent même aide et assistance en cas de guerre, « et pour la sûreté de leurs engagements et de leur amitié, lesd. habitans d'Arlay et de Ruffey déclarèrent à perpétuité le parcours réciproque et commun sur les territoires desd. Ruffey et Arlay ».

Les bergers conduisaient leur bétail le long de la rivière, à peu près à égale distance des deux bourgs. Un jour, les habitants de Ruffey enlevèrent les vaches d'Arlay et les emmenèrent chez eux. Au lieu de recourir à la force, comme ils n'eussent pas manqué de le faire par le passé, les Arlésiens allèrent réclamer justice, leur traité à la main ; leurs voisins, de leur côté, reconnurent volontiers qu'ils avaient tort; ils rendirent le bétail, qui fut ramené au son des fifres.

(1) Archives communales de Ruffey.

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