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fabriquée par le même dans son château de Perpignan, enquêtes où peut puiser à pleines mains quiconque s'intéresse à la politique, à la vie privée ou aux ateliers monétaires du moyen âge. Bien que cette compilation soit composée d'une façon tout à fait partiale en faveur du roi d'Aragon, j'ai trouvé là une source encore plus abondante que les autres. Mais, comme elle a été transmise directement de Barcelone à Paris, sans subir les mêmes vicissitudes et sans passer par les armoires de la Chambre d'Anjou, elle a naturellement conservé sa place originelle au Trésor des chartes de nos rois, sous l'étiquette JJ 270.

Les layettes de ce Trésor m'ont fourni, à leur tour, un appoint qui n'était pas à dédaigner. Dans celles qui abritent les lettres ou les négociations relatives à l'Aragon, à Majorque, à Montpellier, au Roussillon, etc., on a, la plupart du temps, la contre-partie des documents aragonais, la réplique de la France ou de ses alliés à la version de leurs communs adversaires. On trouvera dans le courant de ce livre l'indication de leurs cotes particulières et celle de tous les cartons des Archives où j'ai pu glaner le moindre épi.

A la Bibliothèque nationale, quelques recueils de pièces ont également contribué à enrichir ma moisson. Je dois notamment citer ici celui qui a été formé, à une époque assez récente, de différentes chartes provenant de la maison royale de Majorque et qui porte, dans le fonds des manuscrits latins, le no 9261. Ces chartes, dont la plupart ont pour objet les relations avec Rome ou avec l'Angleterre, ne figurent pas sur l'inventaire de Michel Tambonneau, et, par conséquent, n'ont pas dû appartenir à la Chambre des comptes de Paris. Mais je serais bien étonné si elles ne provenaient point de la même source que les autres et si elles n'en avaient pas été séparées, soit à la faveur des facilités qu'on trouvait à Angers pour les détournements de cette

espèce, soit dans une des pérégrinations imposées aux malheureux parchemins du château de Perpignan'. Les manuscrits latins 9192 et 6025 m'ont aussi fourni quelques matériaux, mais d'une nature et d'une origine différentes. Le premier est un livre d'enregistrement où ont été transcrits, au fur et à mesure, certains actes ou certaines délibérations concernant la commune de Montpellier; l'écriture large et peu lisible de ces transcriptions, que j'ai retrouvée dans plusieurs actes aux Archives municipales de cette ville, ne laisse aucun doute sur la provenance du volume. Le second n'est qu'une copie moderne de quelques pièces du procès de Jacques II, réunies par Baluze. Il en est de même, quant à l'âge et à l'origine, des manuscrits français 23377, 23378, 23384, 23386, et du bel exemplaire, inscrit sous le n° 3884 du même fonds, des relations écrites par les ambassadeurs de Louis d'Anjou en Castille, en Portugal et en Sardaigne; monuments dont l'extrême intérêt fait oublier la longueur et dont j'ai cru devoir publier le texte original, Buchon n'en ayant donné que la traduction.

A Montpellier, j'ai mis à contribution et les Archives du département et les Archives communales. Les premières sont assez pauvres pour le sujet qui m'occupe; cependant les registres de la sénéchaussée de Nîmes m'ont un peu dédommagé de la pénurie générale. Les secondes, installées depuis quelque temps dans une vieille tour aux formes ogivales, encadrée dans un riant parterre, sont aussi riches que leur abord est attrayant, mais uniquement pour ce qui touche aux affaires locales. Elles m'ont livré le secret de quelques-unes de celles où les rois de France et de Majorque se sont trouvés impliqués, quoique, à vrai dire, leurs principaux

1. D'après certains indices, M. Léopold Delisle, qui a fait lui-même relier ces pièces, croit qu'elles ont été apportées de Montpellier pour Colbert et qu'elles ont ensuite fait partie de ses manuscrits.

monuments historiques, dans cet ordre d'idées, existent en double à Paris.

Les Archives départementales des Pyrénées-Orientales ne m'ont guère offert plus de ressources que celles de l'Hérault. On en a vu la raison: le Trésor des chartes des rois de Majorque, autrefois déposé dans leur château de Perpignan, a émigré avec eux. Son enlèvement ignoré a fait croire aux modernes historiens du pays, notamment à Henry, qu'il avait été anéanti à l'époque de la Révolution : on sait déjà qu'heureusement il n'en était rien. Jacques II n'a cependant pas tout emporté: il en a laissé quelques bribes, dont on peut avoir une idée par l'inventaire imprimé dû à l'un des anciens archivistes du département, M. Alart. J'aurais été bien embarrassé si je n'avais pu recourir à ce volume, et si, en l'absence du conservateur actuel, je n'avais trouvé, pour me guider à travers les antiquités de l'endroit,un érudit aussi obligeant que distingué, décédé depuis, M. le colonel Puiggari.

En effet, ce ne sont pas seulement les monuments écrits que je me suis efforcé de rechercher : j'ai voulu interroger aussi les ruines. A Montpellier, il n'y en a pas; presque tout est neuf dans cette antique cité, périodiquement ravagée par les guerres civiles ou religieuses, et rajeunie autant de fois. Le Palais de Justice a fait disparaître jusqu'aux derniers vestiges de la résidence des rois de Majorque, et toute trace de leur domination est à peu près effacée. Mais, à Perpignan, il n'en va pas ainsi. La capitale du Roussillon, qui a déjà l'aspect original des villes catalanes, est presque aussi bien conservée qu'elles. A voir ses vieilles fortifications, ses églises vénérables, ses rues étroites et tortueuses, on devine que le château des anciens comtes doit se cacher, à peu près intact, au fond de quelque vaste cour ou derrière une bâtisse plus récente. Il s'y cache si bien, qu'il est complètement oublié et qu'il n'est même pas marqué sur l'unique plan imprimé qui se trouve dans le commerce. Englobé dans les

dépendances d'une citadelle moderne, il n'est accessible qu'avec la permission des autorités militaires; et encore le visiteur à la recherche des souvenirs historiques se heurte-t-il parfois à la mauvaise volonté ou à l'ignorance de quelque employé subalterne. J'ai pu néanmoins étudier rapidement les restes de l'édifice où se sont passées tant de scènes curieuses racontées dans ce livre; on en trouvera plus loin la description. Aux environs de Perpignan, à Elne, à Collioure, à Céret et dans les montagnes voisines, j'ai essayé de me rendre compte des événements tragiques qui ont jadis animé ces régions si paisibles, notamment de la marche de l'armée de Philippe le Hardi à travers les Pyrénées, et partout je me suis aidé, autant que possible, de l'examen des lieux.

A Barcelone, une ample récolte m'attendait; car, si les rois de Majorque n'ont guère mis le pied dans cette capitale qu'en vassaux asservis, les Archives de la couronne d'Aragon gardent la trace de leurs luttes et recèlent toute l'histoire des origines de leur royaume. Ce magnifique établissement, qui occupe un vieux palais aux voûtes sombres, aux fraîcheurs perfides, possède de véritables trésors. Les archives espagnoles n'ont pas eu, en général, à subir les dilapidations et les désastres que la Révolution a values aux nôtres. Tous les actes des souverains aragonais, enregistrés partiellement à partir de 844, et d'une façon régulière à partir du treizième siècle, leur correspondance officielle ou intime, les instructions données à leurs ambassadeurs sont là dans un ordre parfait, comme s'ils n'avaient jamais bougé. Le temps seul a exercé ses ravages et, avec l'aide de l'humidité, a détérioré quelques documents précieux. J'ai dépouillé là, avec le plus grand profit, les registres d'Alphonse III, de Jacques II, de Pierre IV, ceux qui étaient réservés aux affaires de Majorque, aux choses de la guerre, aux négociations secrètes (Sigilli secreti). Un exemplaire contempo

rain du Libro del repartimiento, plus complet et meilleur que ceux qui ont été utilisés jusqu'à présent, non seulement m'a fourni d'utiles renseignements topographiques sur la plus grande des Baléares, mais m'a permis de mettre au jour, pour la première fois, toutes les constitutions primitives qui l'ont régie; le lecteur pourra juger de la valeur de ces chartes fondamentales, et comme monuments historiques, et, on peut le dire, comme modèles d'organisation politique. Je dois des remerciements tout particuliers à MM. de Bofarull père et fils, qui, non contents de m'initier avec une bienveillance empressée aux arcanes du vaste dépôt confié à leurs soins intelligents, ont bien voulu collationner ou même faire transcrire pour moi un certain nombre de pièces en vieux catalan, hérissées, pour ce motif, de difficultés assez sérieuses.

de

Enfin, à Palma, j'ai rencontré la portion des archives des rois de Majorque qui concerne spécialement le gouvernement et l'administration des îles Baléares, au temps où leur autorité s'y exerçait. Là, j'ai eu naturellement peu chose à prendre, ne voulant pas pénétrer trop avant dans un domaine qui dépasse les limites de mon sujet ; et c'est fort heureux d'un côté, car comment travailler avec assiduité sous ce climat enchanteur, entre les mille séductions d'un ciel et d'une terre qui captivent à la fois les yeux et l'esprit? J'ai eu pourtant la force de consulter avec fruit quelques précieux volumes des treizième et quatorzième siècles, le Libre de Sant-Pere, recueil de copies de chartes, le Libre de Corts generals, et deux autres exemplaires du Repartimiento, mis gracieusement à ma disposition par M. Quadrado, archiviste, à qui je dois aussi la connaissance des monuments de pierre rappelant, dans la capitale de Majorque, le souvenir toujours vivant de ses souverains particuliers. Rien n'a changé non plus dans cette île fortunée. Bien plus encore qu'en Catalogne, on se croit transporté

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