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croix de l'ordre de l'Aigle-Rouge, etc., entra jeune dans la carrière diplomatique et s'y distingua bientôt, comme plus tard dans le ministère, par ses talens et son patriotisme. Après avoir rempli plusieurs missions importantes, il fut envoyé, en qualité de ministre de Prusse, à la cour de Rome, où il résida plusieurs années. En 1810, il fut nommé ambassadeur extraordinaire à la cour de Vienue. Il assista en 1814, comme plénipotentiaire d'une des puissances alliées, aux négociations infructueuses du congrès de Châtillonsur-Seine. Envoyé ensuite au congrès de Vienne, le baron de Humboldt y joua un rôle distingué parmi les diplomates de l'époque, et fit admirer l'étendue de ses connaissances, sa sagesse et son habileté. Il rédigea le projet de constitution pour la confédération Germanique, qui fut discuté jusque vers la fin de 1814, et adopté presque en entier d'après les vues de son auteur. Il siégea depuis au comité général des délégués des huit puissances signataires du traité de Paris pour l'abolition de la traite des Nègres. Lors du retour de Napoléon de l'île d'Elbe en mars 1815, le baron de Humboldt signa au nom du roi de Prusse les deux déclarations successives des souverains alliés, dont la dernière, de la date du 12 mai 1815, était regardée en quelque sorte, à cette époque, comine une profession de foi des monarques européens, mais dont quelques dispositions importantes, ainsi que l'exécution de plusieurs promesses solennelles, paraissent avoir depuis été perdues de vue, ou au moins in

définiment ajournées. Ce fut encore M. de Humboldt qui se trouva chargé d'une des missions les plus pénibles, sans doute pour un homme de bien, lancé dans la carrière diplomatique. Il eut à régler le traité définitif entre la Saxe et la Prusse, d'après les bases arrêtées au congrès des monarques réunis à Vienne. Le vénérable et sans doute très-légitime souverain de la Saxe fut forcé d'apposer sa signature à un traité qui morcelait son pays et qui le dépouillait d'une grande partie de ses états, convoitée depuis long-temps' par la Prusse. M. de Humboldt se rendit de nouveau à Vienne, vers la fin de 1815, en qualité d'ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire. Rappelé l'année suivante, il fut envoyé à Francfort, en juillet 1816, pour assister à la première réunion des délégués des différens états de l'Allemagne composant la diète Germanique, et fut spécialement chargé des négociations relatives aux arrangemens territoriaux. Il remit à cette assemblée, au mois d'octobre suivant, un mémoire concernant le mode à établir pour la discussion des affaires qui seraient jugées de la compétence de la diète. Le roi de Prusse, pour récompenser les services de M. de Humboldt, le nomma conseillerd'état et lui accorda une dotation en domaines territoriaux de 8,000 rixdalers de revenus. Il le nomma aussi à l'ambassade de Londres, en remplacement de M. Jacobi Kleist; mais, au moment de se rendre en Angleterre, il fut appelé au ministère en Prusse. Char

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gé d'abord de la direction-générale de l'instruction publique et chef du bureau des cultes, il fut mis à la tête du département de l'intérieur, sous la direction-générale du chancelier-d'état, prince de Hardenberg. Pendant tout son ministère, M. de Humboldt ne négligea aucun moyen de satisfaire au vœu national. Les peuples de la Prusse avaient montré un courage et un patriotisme dignes d'admiration, en brisant le joug étranger et en aidant, au prix de leur sang et de leur fortune, leur souverain à sortir de la sujétion pénible où l'avait réduit la paix de Tilsitt, et à recouvrer son indépendance comme son rang parmi les monarques de l'Europe. On avait solennellement promis à ces peuples, en récompense de leurs nobles efforts, quelques modifications au gouvernement militaire de Frédéric II, quelques garanties pour leur liberté, ou enfin l'établissement d'un régime constitutionnel. M. de Humboldt, fidèle à la foi promise, travaillait avec ardeur, à la tête de la commission qu'il avait fait établir, à la rédaction de cette nouvelle loi fondamentale. Il déclara hautement, en mars 1819, dans le conseil du roi, que l'exemple donné par le souverain de la Bavière, rendait plus indispensa bles que jamais les mesures déjà dictées par la reconnaissance et l'équité; qu'il était temps de dégager la parole donnée, et d'accorder cette constitution réclamée avec une persévérance si calme, mais si ferme, par le peuple et même par l'armée. Un parti peu nombreux, mais puissant par le

rang et l'influence de ses chefs, le prince de Mecklembourg,beaufrère du roi, le prince de SaynWittgenstein, en haute faveur auprès de ce monarque, et quelques autres grands du royaume, crurent qu'il fallait gagner du temps, et ajourner encore à une autre époque toute question constitutionnelle. On ne pouvait nier qu'on n'eût, à l'heure du danger, promis une organisation libérale; mais comme on n'avait point fixé le jour où la nouvelle constitution serait promulguée, on ne se trouvait nullement lié pour l'époque. Les peuples, disait-on, devaient attendre avec patience, résignation, et surtout avec pleine confiance dans la sagesse du gouvernement, le moment plus ou moins éloigné que celui-ci jugerait convenable à l'exécution de ses promesses. L'opinion de l'ajournement prévalut, et il y eut bientôt un changement total dans le ministère prussien. M. de Humboldt donna sa démission. Le roi lui assigna une pension de 5,000 rixdalers qu'il refusa généreusement. La reconnaissance et les vœux de ses concitoyens l'accompagnèrent dans sa retraite. Il est présumable que M. de Humboldt, sorti du ministère, selon l'expression com. mune, par la belle porte, reparaîtra un jour sur la scène politique, et ne refusera pas ses services au roi et à la patrie si les temps redevenaient difficiles. Il consacre en attendant ses loisirs, ainsi qu'il l'a déjà fait pendant toute sa carrière administrative, à des travaux littéraires et scientifiques. Il a publié plusieurs ouvrages qui lui ont acquis une

haute réputation dans la république des lettres. On lui doit une excellente traduction du premier des lyriques grecs, Pindare, et une autre de la tragédie d'Agamemnon, d'Eschyle. Cette dernière est un véritable tour de force; non-seulement les mètres sont fidèlement imités tant dans le dialogue que dans les choeurs, mais l'original est rendu vers pour vers et presque mot à mot. M. de Humboldt écrit le français avec pureté et élégance. On a de lui en cette langue une traduction du poëme de Goëthe, Hermann et Dorothée. Il a même fait une étude approfondie de la langue basque, idiome original, presque inconnu, et qui ne ressemble à aucun autre. Ôn raconte à ce sujet que pendant un voyage à travers les provinces méridionales de la France, pour se rendre en Espagne, M. de Humboldt se trouva par hasard logé chez un curé de la Biscaye. Celuici entretint long-temps son hôte, avec ce vif enthousiasme des hommes du Midi, de la beauté et de la perfection de sa langue, le basque. Avide de toutes les connais sances utiles et nouvelles, l'illustre voyageur change aussitôt son itinéraire, et prend la résolution de s'arrêter dans un misérable village au pied des Pyrénées, où il séjourna plusieurs mois. Il acheta tous les ouvrages basques imprimés et manuscrits qu'il put se procurer, et ne quitta ce lieu qu'après avoir acquis une connaissance parfaite de la langue du pays; il en a publié depuis un vocabulaire, et a fait part au public de ses recherches savantes sur l'origine de la langue et sur

l'histoire des peuples basques. Au moment où nous livrons cet article à l'impression (1822), on apprend de Berlin que le baron de Humboldt sera probablement chargé, sous peu, de fonctions nouvelles, qui le mettront à même de servir utilement sa patrie. On espère au moins que cet homme d'état si honorable sous tous les rapports, sera appelé à la principale part de la succession ministérielle du chancelier - d'état prince de HARDENBERG (voy. ce nom), qui vient de mourir à Gènes à son retour du congrès de Vérone. Un tel choix, s'il a lieu comme on l'assure aujourd'hui, étendra sans doute son influence salutaire, non-seulement sur toutes les provinces de la domination prussienne, qui attendent l'exécution des promesses royales et qui aspirent à une constitution représentative, mais encore aux autres pays constitutionnels et à tous les amis d'une sage liberté dans l'Allemagne entière.

HUMBOLDT (FRÉDÉRIC HENRIALEXANDRE, BARON DE), frère du précédent, célèbre par ses voyages scientifiques dans les régions du globe, que peu de savans avaient explorées avant lui, est né à Berlin, le 14 septembre 1769. Après avoir fait d'excellentes études à Goettingue Francfort-sur-l'Oder, et à l'école de commerce de Buch, à Hambourg, il voyagea avec les deux habiles naturalistes MM. Forster et Geuns, dans l'Allemagne, la Hollande et l'Angleterre, se livrant dès-lors à des recherches approfondies sur les objets d'histoire naturelle de ces con

trées, et plus particulièrement sur ceux qui se trouvent en si grand nombre aux deux rives du Rhin. Son premier ouvrage, intitulé: Observations sur les basaltes du Rhin, parut à Brunswick en 1790, in-8°. Pour ajouter à ses connaissances, déjà très-étendues, M. de Humboldt se rendit ensuite à Freiberg, afin de profiter des leçons du savant Werner, et après avoir fait une étude approfondie de la botanique et de la minéralogie, il publia son Specimen Flora Freibergensis subterranea, Berlin, 1793. Nommé assesseur du conseil des mines à Berlin, et peu de temps après, directeur-général des mines des principautés d'Anspach et de Baireuth, en Franconie, il forma en ces pays de grands établissemens d'utilité générale, entre autres, l'école publique de Streben, d'où sont sortis déjà plusieurs sujets distingués. M. de Humboldt s'empara un des premiers de la découvrte de Galvani, et non content de répéter ses belles expériences sur l'irritabilité nerveuse et musculaire des animaux, il se soumit lui-même à diverses épreuves aussi pénibles que douloureuses, et en publia le résultat dans un ouvrage enrichi de notes et d'observations du célèbre naturaliste Blumenbach, Berlin, 1796, 2 vol. in-8°, dont le premier vol. a été traduit en français par J. F. N. Jadelot, sous le titre d'Expériences sur le Galvanisme, et en général sur l'irritabilité des fibres musculaires et nerveuses, Paris, 1799, in-8°. M. de Humboldt reprit le cours de ses voyages en 1795, parcourut

l'Italie et la Suisse, et vint à Paris, avec son frère, en 1797. Il se lia intimement en cette ville avec M. Aimé Bonpland, qui devint depuis le compagnon de ses travaux. Il avait formé le projet de faire partie de l'expédition du capitaine Baudin autour du globe, mais le renouvellement de la guerre l'y fit renoncer. Il se rendit ensuite à Marseille, pour s'embarquer à bord d'une frégate suédoise, qui devait porter un consul de cette nation à Alger. M. de Humboldt désirait joindre la fameuse expédition d'Égypte, espérant pénétrer de ce pays en Arabie, et gagner les établissemens anglais, en traversant le golfe Persique, après avoir visité en philosophe les contrées les moins connues de l'Orient; mais ayant vainement attendu pendant deux mois le départ de la frégate, il se rendit en Espagne, comptant trouver facilement en ce pays les moyens de passer en Afrique. Arrivé à Madrid, il fut non-seulement accueilli avec une distinction méritée, par tous les savans littérateurs espagnols, mais aussi par le gouvernement, et obtint de la cour la faveur ertraordinaire, de voyager librement dans toutes les colonies espagnoles de l'Amérique méridionale. Cette autorisation inespérée changea ses projets. Il écrivit aussitôt à son ami, M. Aimé Bonpland, à Paris, pour l'engager à venir de suite s'associer à la vaste entreprise qu'il venait de conce- » voir. M. Bonpland ne tarda pas à se rendre à cette invitation, et les deux savans, bien pourvus d'ins trumens de physique et d'astronomie, s'embarquerent à la Corogne, sur un vaisseau espagnol, et arri

vèrent heureusement à Cumana, au mois de juillet 1799. Après avoir parcouru les provinces de la Nouvelle-Andalousie, de la Guyane espagnole, et les missions des Caraïbes, les deux voyageurs, de retour à Cumana, s'y euibarquèrent pour l'île de Cuba, en 1800, et séjournèrent pendant plusieurs mois à la Havane. M. de Humboldt détermina le premier avec précision la position géographique de cette place, et aida, en outre, les planteurs de la colonie à construire des fourneaux sur le modèle le plus avantageux pour la préparation de leurs sucres. Au mois de septembre 1801, il commença son voyage pour Quito, où il arriva en janvier de l'année suivante, et reçut l'accueil le plus flatteur. Le jeune marquis de Selva-Alegre s'associa aux travaux des deux voyageurs, et les accompagna dans leur périlleuse entreprise. Après avoir joui de toutes les douceurs de la plus généreuse hospitalité, et s'être reposés quelque temps de leurs fatigues à Quito, ils partirent en juin 1802, pour aller visiter le volcan deTungaragno et le Nevado del Chimborazo. Ils parcoururent d'abord la contrée qui avait été bouleversée en février 1797, par un des plus terribles tremblemens de terre dont les annales de ces pays aient fait mention,et qui engloutit en un instant plus de 40,000 individus. Ce ne fut qu'après des peines et des fatigues inouïes que les trois voyageurs arivèrent enfin, le 23 juin, sur le revers oriental du Chimborazo. Ils s'établirent avec leurs instrumens, sur une roche de porphyre, qui se projetait au loin

te à une hauteur prodigieuse audessus d'autres roches couvertes de glaces éternelles. Dans cette position pénible, où il est si difficile pour des hommes d'exister, et où la densité de l'air étant réduite de plus de moitié, l'on ne respire qu'à peine, c'est là que par le froid le plus perçant, et le sang lui sortant par les yeux, les lèvres et les gencives, M. de Humboldt fit une partie des observations précieuses qui enrichissent ses ouvrages, et qui ont fait faire de si grands progrès à la science. Parvenu à une hauteur qu'aucun mortel n'avait pu atteindre avant lui, il se trouvait à 19,500 pieds au-dessusdu niveaude la mer, à 3,485 pieds au-dessus de l'élévation où le savant La Condamine était parvenu en1745; et cependant le sommet duChimborazo était même élevé de 2, 140 pieds audessus de la tête des observateurs. Ils déterminèrent, par une rigoureuse opération trigonométrique, la hauteur de ce pic, un des plus élevés de la terre. Après avoir terminé ses importantes observations, M. de Humboldt et ses compagnons de voyage se rendirent au Pérou. I séjourna pendant plusieurs mois au milieu des bons habitans de Lima, dont il vante l'esprit, l'intelligence et les excellentes qualités. Il observa, dans le port de Callao, le passage de Mercure sur le disque du soleil, et se rendit ensuite dans la Nouvelle-Espagne, où il passa une année entière, et de là à Mexico, où il arriva en avril 1805. C'est dans les environs de cette ville qu'il trouva le tronc de l'arbre fameux du Cheirostomon-Platanoides, qui est de la plus

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