grans, habebat in partibus Pallantem. Je ne dis que ce mot d'Agrippine, car il y auroit trop de choses à en dire. C'est elle que je me suis surtout efforcé de bien exprimer; et ma tragédie n'est pas moins la disgrace d'Agrippine que la mort de Britannicus. « Cette mort fut un coup de foudre pour elle; et il parut, dit Tacite, par sa frayeur et sa consternation, « qu'elle étoit aussi innocente de cette mort qu'Octavie. Agrip« pine perdoit en lui sa dernière espérance, et ce crime lui en « faisoit craindre un plus grand » : Sibi supremum auxilium ereptum, et parricidii exemplum intelligebat. L'âge de Britannicus étoit si connu, qu'il ne m'a pas été permis de le représenter autrement que comme un jeune prince qui avoit beaucoup de cœur, beaucoup d'amour et beaucoup de franchise, qualités ordinaires d'un jeune homme. Il avoit quinze ans ; et on dit qu'il avoit beaucoup d'esprit, soit qu'on dise vrai, ou que ses malheurs aient fait croire cela de lui, sans qu'il ait pu en donner des marques : Neque segnem ei fuisse indolem ferunt, sive verum, seu periculis commendatus retinuit famam sine experimento. Il ne faut pas s'étonner s'il n'a auprès de lui qu'un aussi méchant homme que Narcisse; car il y avoit long-temps qu'on avoit donné ordre qu'il n'y eût auprès de Britannicus que des gens qui n'eussent ni foi ni honneur: Nam ut proximus quisque Britannico neque fas neque fidem pensi haberet, olim pro visum erat. Il me reste à parler de Junie. Il ne la faut pas confondre avec une vieille coquette qui s'appeloit JUNIA SILANA. C'est ici une autre Junie que Tacite appelle JUNIA CALVINA, de la famille d'Auguste, sœur de Silanus, à qui Claudius avoit promis Octavie. Cette Junie étoit jeune, belle, et, comme dit Sénèque, festivissima omnium puellarum. Son frère et elle s'aimoient tendrement; et leurs ennemis, dit Tacite, les accusèrent tous deux d'inceste, quoiqu'ils ne fussent coupables que d'un peu d'indiscrétion. Elle vécut jusqu'au règne de Vespasien. Je la fais entrer dans les vestales, quoique, selon AuluGelle, on n'y reçût jamais personne au-dessous de six ans, ni au-dessus de dix. Mais le peuple prend ici Junie sous sa protection; et j'ai cru qu'en considération de sa naissance, de sa vertu et de son malheur, il pouvait la dispenser de l'âge prescrit par les lois, comme il a dispensé de l'âge pour le consulat tant de grands hommes qui avoient mérité ce privilége. PERSONNAGES. NÉRON, empereur, fils d'Agrippine. BRITANNICUS, fils de Messaline et de l'empereur Claudius. BURRHUS, gouverneur de Néron. GARDES. La scène est à Rome, dans une chambre du palais de Néron. ACTE PREMIER. SCÈNE PREMIÈRE. AGRIPPINE, ALBINE. ALBINE. Quor! tandis que Néron s'abandonne au sommeil, AGRIPPINE. Albine, il ne faut pas s'éloigner un moment. ALBINE. Quoi! vous à qui Néron doit le jour qu'il respire, Tout lui parle, madame, en faveur d'Agrippine: AGRIPPINE. Il me le doit, Albine: Tout, s'il est généreux, lui prescrit cette loi; ALBINE. S'il est ingrat, madame? Ah! toute sa conduite AGRIPPINE. Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste. |